News - 07.09.2017

De Houston à Bizerte, les questions d’environnement ne peuvent être mises sous le tapis

De Houston a Bizerte, les questions d’environnement ne peuvent être mises sous le tapis

Nos compatriotes peuvent imiter l’autruche et ignorer les journées torrides, les vagues de chaleur, les incendies et le manque d’eau que nous avons vécu cet été. Mais il leur faut réaliser que ces évènements sont là pour durer et se répéter. L’exception a de grandes chances, hélas, de devenir la règle comme on le voit de Houston au Bangladesh et de l’Espagne à l’Italie en passant par le Portugal et l’Inde (Bombay) où ouragans, incendies, coulées de boue, inondations, glissements de terrain et vagues de chaleur se succèdent à un rythme inédit et lèvent un tribut colossal.

Mais ni l’ivresse des vacances, ni le spleen des festivals - à la sono souvent défaillante - ni la grande parenthèse de l’Aïd ou les tractations en vue du nouveau gouvernement ne peuvent effacer le fait que de la dégradation environnementale se poursuit - voire s’aggrave - dans le pays.

Collecte des déchets ménagers ?... That’the question !

Tout le monde a vu à la télévision M. Le ministre des affaires locales et de l’environnement et M. Le maire de Tunis plutôt démunis face aux horribles déchets de l’Aïd jetés pêle-mêle dans les rues de la capitale. Ils étaient venus constater en somme un désastre… attendu. Ils ont dû constater le dénuement de ces vaillants employés municipaux qui travaillaient, en ce jour férié, souvent sans gants, avec « des outils » improvisés (caisses en carton, branches de palmier..) et donc fort mal adaptés. Espérons que M. Le Ministre et le maire vont les doter d’outils dignes de ce nom ! 

A notre humble avis, c’est en amont que ces responsables auraient dû agir et on est en droit de leur demander où est donc passée la toute nouvelle police de l’environnement si de telles affreuses scènes continuent de se reproduire  dans nos villes avec la régularité d’un métronome. On a, à l’occasion de l’Aïd, entendu dire que les containers étaient trop petits et qu’il aurait fallu en prévoir de plus volumineux pour cette fête...Pitoyable fuite en avant… alors que ce sont ces containers jamais lavés, jamais nettoyés, jamais fermés qui sont à l’origine de cette lèpre qui défigure le pays ! La ville de Bizerte vient d’être dotée de 400 de ces containers. Elle vient donc d’acquérir 400 incubateurs de microbes et 400 émetteurs de méthane et autres gaz à effet de serre. Elle vient d’offrir 400 tables ouvertes aux chiens et aux chats et elle vient de procurer 400 pouponnières aux rats, aux souris et autres rongeurs. Elle vient enfin de mettre en service 400 mèches d’amadou capables de provoquer parfois incendies et fumées toxiques. Ces containers ne suffiront jamais tant que certains Tunisiens continueront à se débarrasser de leurs déchets de façon irresponsable.

Notre pays ne peut éviter de se poser la question de la collecte des déchets ménagers.  Les containers ont montré leur inanité : il est clair qu’ils aggravent les dégâts. Aucune grande ville ne recourt à ces containers. Le ramassage quotidien immeuble par immeuble ou maison par maison est la norme.

Il faut aussi réaliser, que généralement,  il n’y a pas de solution technologique à la crise technologique que vit l’Humanité… L’ancien ministre français de l’Environnement Yves Cochet pense « le passage du point de bascule vers un effondrement global, systémique, inévitable….Aujourd’hui, l’effondrement est inévitable.  »

A la veille de la rentrée universitaire, il faudrait penser à enseigner la rudologie, cette science qui étudie le recyclage et l’économie circulaire en repensant complètement la consommation et la conception des produits. (La Croix, 30 août 2017, p.24).

Urbanisme et anarchie

Et ce n’est pas tout ! A la Corniche de Bizerte, au-dessus de la plage des Grottes, d’insolentes  villas mitent un  paysage agreste jadis de toute beauté. Elles plongent leurs fondations dans du sable fossilisé et défigurent une forêt maritime exceptionnelle. Avec la multiplication ces constructions sur des terrains pentus, ne faut-il pas craindre les glissements de terrain ?  Il faut espérer que les calculs de résistance de matériaux ont été bien faits ! De même, à Sidi Salem et au-delà, vers la Corniche, d’opulentes villas et même des commerces ont vu le jour soit sur un ancien cimetière soit sur un sol marécageux et à quelques encablures de la mer. Bien sûr, rien à voir avec le climat de Houston, mais n’oublions pas que Harvey, l’ouragan qui a dévasté le Texas « a été fait de la main de l’homme » écrit David Leonhardt dans le New York Times (29 août 2017), la ville s’étant développée au gré des intérêts des entreprises de l’immobilier, aux manigances politiciennes et aux dépens de l’environnement naturel. Les scientifiques s’accordent pour dire que tous ces évènements climatiques vont se renforcer en raison du changement climatique mais « le changement climatique ne crée pas ces tempêtes, mais il accentue leur impact » affirme Anders Leverman, du Postdam Institute for Climate Impact Research (Allemagne).  De son côté et dans la même veine, The Economist (2 septembre 2017, p. 20) écrit que, d’après Myles Allen de l’Université d’Oxford (RU) : «Si le changement climatique double la probabilité d’un évènement, il est sensé de dire que la moitié de la responsabilité est attribuable aux humains »       

Tout le monde a donc intérêt à œuvrer pour atténuer le changement climatique.

Le nouveau gouvernement de M. Youssef Chahèd - en dépit de la multitude des problèmes auxquels il fait face - devrait accorder aux questions environnementales l’intérêt qu’elles méritent car il n’y a pas que la crise de la balance des paiements… Il nous faut aussi des relations équilibrées avec notre environnement dans l’intérêt de tous et par devoir vis-à-vis des générations futures.

Mohamed Larbi Bouguerra