News - 25.08.2017

Slaheddine Sellami : Proverbes, citations et actualité politique tunisienne

Proverbes, citations et actualité politique tunisienne

«L’élection présidentielle est la rencontre entre un homme et un peuple» avait dit le général De gaulle en 1962 après avoir échappé à un attentat suite à sa décision d’accorder à l’Algérie son indépendance et qui a justifié l’élection présidentielle au suffrage universel. C’est un droit constitutionnel et personne ne peut empêcher un citoyen de se présenter à cette élection. Le problème en Tunisie après la révolution c’est qu’on a inventé de nouvelles règles pour la démocratie afin de justifier le principe du compromis. Mais «le compromis, ce n’est pas la compromission c’est l’envers du fanatisme» disait «Adam Michnick» historien et journaliste polonais. La décision de BCE de ne pas se présenter aux élections de 2011 ainsi que les membres de son gouvernement était une décision et un choix personnel justifié par l’état dans lequel se trouvait le pays. Pour Mehdi Jomaa, il s’agissait d’un accord préalable à sa nomination  mais aujourd’hui rien ne justifie la déclaration de Rached Ghannouchi de demander au chef du gouvernement d’annoncer son retrait de la course à la présidentielle de 2019 sauf la volonté d’éliminer un éventuel concurrent.  

Dans les démocraties le peuple ne peut s’exprimer que lors des élections et même si on a inventé les sondages, cet instrument peut mesurer le degré de satisfaction de la population, mais tout le monde sait que ces sondages sont souvent dirigés, commandés et même destinés à orienter les choix du peuple.

Le chef du parti islamiste doit savoir «qu’on ne fait pas d’élection avec des prières» disait un proverbe québécois mais avec des actions, des programmes et éventuellement sur un bilan; malheureusement le parti islamiste n’a jamais présenté un programme crédible pour sortir de la crise et son bilan alors qu’il était au pouvoir est le moins que l’on puisse dire négatif. 

La déclaration du Cheikh pourrait s’expliquer par sa volonté de donner un coup de pouce au fils car il croit comme Bonaparte «qu’il y a plus de chance de rencontrer un bon souverain par l’hérédité que par l’élection». Mais il a oublié que la vérité du dix-huitième siècle n’est pas celle du vingt et unième. Il est vrai qu’il n’est pas à deux siècles prés lorsqu’on veut retourner 14 siècles en arrière.

La réponse de Youssef Chahed au journaliste qui lui demandait un avis sur cette déclaration montre qu’il a bien réfléchi à la question et qu’il a agi en homme d’état puisqu’il est plus occupé par les incendies qui menacent la population que par son propre avenir politique et qu’il a suivi la célèbre citation de James Freeman Clarke «La différence entre un politicien et un homme d’Etat , le premier pense aux prochaines élections le second à la prochaine génération».

La situation de la Tunisie aujourd’hui est difficile, nous avons passé trop de temps à discuter et on a oublié que le pays a besoin de décisions et de réformes. Balzac disait «Il n’y a pas de politique possible avec la discussion en permanence».

Il est temps d’agir de résoudre les vrais problèmes quotidiens de la population, s’occuper du pouvoir d’achat, réduire la dette, réformer l’administration, améliorer la qualité de notre enseignement, améliorer le parcours de soins de nos malades, réduire notre déficit. Nous avons perdu trop de temps et nous avons tous peur de l’avenir. Georges Clemenceau disait «c’est l’Etat qui doit intervenir directement pour résoudre le problème de la misère sous peine de voir la guerre sociale éclater au premier jour».

Il est temps d’agir, les bonnes intentions ne suffisent pas car comme le souligne le proverbe populaire «L’enfer est pavé de bonnes intentions».

Notre problème depuis ce fameux 14 Janvier, c’est la faiblesse de l’état et l’impunité totale et comme disait Paul Valery «Si l’état est fort il nous écrase, s’il est faible nous périssons». Trouver un juste milieu est un exercice difficile, il est encore plus difficile avec un régime politique mi présidentiel, mi parlementaire où les centres de décisions sont dilués entre Carthage et La Kasba, et avec  un grand nombre d’élus qui n’honorent point leur mandat. Malheureusement «En démocratie où le suffrage universel l’emporte toujours, on n’a que les élus que l’on mérite» disait Romain Guilleaumes, écrivain et moraliste français.

Depuis six ans, nous tergiversons, nous avons peur de prendre les bonnes décisions à temps, nous espérons que la fameuse phrase de Georges Clemenceau ne s’applique pas à la Tunisie : «En politique on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables».

L’un des problèmes majeur de la Tunisie est sans aucun doute la lutte contre la corruption, la malversation, la contrebande et l’abus des biens sociaux. Tous les sondages mettent ce problème parmi les plus grandes préoccupations des tunisiens. Nous avons tous applaudi au moment du lancement de cette campagne par le chef du gouvernement car «Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait il faut avoir le courage de le dire et quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire» disait Georges Clemenceau. Malheureusement on a l’impression que cette campagne ne trouve pas le soutien politique nécessaire, les tunisiens ont peur que cette campagne n’aille pas jusqu’au bout, qu’elle ne touche que les petits malfaiteurs sans soutien et que les gros poissons échappent comme toujours. La lutte contre la corruption doit être une véritable guerre avec une vraie stratégie. Ne dit-on pas «que la valeur d’un général réside dans sa stratégie et non dans son courage», proverbe chinois. Sachez monsieur le chef du gouvernement que «au début, ils vous ignorent ensuite ils vous raillent puis vous combattent mais à la fin, c’est vous qui gagnez si jamais vous persévérez», citation du Mahatma Gandhi.

On soulève de faux problèmes, on crée des polémiques mais nous ignorons les vrais problèmes qui touchent la population particulièrement les couches les plus modestes donnant ainsi raison à Talleyrand qui disait «La politique, ce n’est qu’une certaine façon d’agiter le peuple avant de s’en servir». On l’a vu en 2011 , lorsque le problème de l’identité a été au centre de la campagne pour l’assemblée constituante , on en a souffert aussi en 2012 et 2013 au moment de la discussion de l’article 1 de la constitution et pour imposer l’égalité entre les deux sexes dans la constitution alors que ces problèmes semblaient être résolus. J’ose espérer que le problème de l’héritage et celui du mariage de la tunisienne avec un non musulman ne constituera pas un sujet de polémique qui ne divisera pas encore plus la société et ne sera pas utilisé comme moyen pour influencer la campagne pour le municipales de 2017. Le Tunisien a besoin d’un gouvernement qui se penche sur ses problèmes quotidiens et sur la relance de son économie défaillante. 

Pour conclure, on peut citer cette phrase de Coluche en l’adaptant à la réalité tunisienne «Ennahdha a gagné les élections, Nida a gagné les élections. Quand est-ce que ce sera la Tunisie qui gagnera les élections?»

Docteur Slaheddine Sellami