News - 27.07.2017

Comment restaurer l’éthique dans la Fonction publique?

Comment restaurer l’éthique dans la Fonction publique?

La récession économique et la tension sociale en Tunisie sont principalement dues à un cumul de problèmes d’ordre éthique : la corruption, l’économie parallèle, l’inégalité des chances et le déséquilibre social notamment dans les régions intérieures. La Tunisie a plus que besoin aujourd’hui de rétablir l’éthique et d’instaurer de nouvelles règles de bonne gouvernance. L’objectif de cet article est de proposer une série de mesures qui peuvent être mises en place par le gouvernement pour restaurer l’éthique qui constitue, à mon avis, la clé de voute de la relance économique.

Une charte d’éthique de la fonction publique

Afin de rétablir la confiance du citoyen tunisien dans ses institutions publiques, le gouvernement gagnerait à adopter de nouvelles règles de gouvernance fondées sur l’éthique et la transparence et diriger le pays en donnant l’exemple. Pour ce faire, il doit mettre en place une charte d’éthique pour le gouvernement, l’assemblée nationale et toute la fonction publique. Celle-ci doit fixer les règles déontologiques, d’intégrité et de conflits d’intérêts. Elle devrait aussi définir les obligations générales des fonctionnaires et les valeurs fondamentales de la république devant être respectées par tous les fonctionnaires. La satisfaction du citoyen (quel que soit son statut et son niveau social) et l’amélioration des services doivent constituer les objectifs ultimes de l’Etat et ses administrations publiques.

Une autorité de transparence surveillant la vie publique

L’Etat devrait aussi à créer, à l’instar de certains pays européens, une autorité surveillant la transparence de toute la fonction publique. Cette autorité aurait la charge de centraliser les déclarations de patrimoine et les situations d’intérêts des membres du gouvernement, des députés et tous les hauts responsables de la fonction publique. Elle aurait aussi la charge de suivre l’évolution de leurs patrimoines, et de prévenir les situations de conflits d’intérêts ou d’incompatibilités. Cette autorité aurait enfin la charge de publier ces données pour tous les citoyens et de les contrôler, en parfaite coordination avec les administrations fiscale et de conservation foncière.

En France cette autorité, est baptisée « La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique ». Elle est composée d’un président (un juge de la cours de cassation), de 2 élus, 2 conseillers de la cour de cassation, 2 conseillers de la cour des comptes et 2 personnalités publiques. Elle est gérée par un effectif global de 35 salariés (y a compris 7 contractuels) et dispose d’un budget de 8 millions d’euro. Il me semble que l’on peut s’inspirer du modèle français pour instaurer de nouvelles pratiques de gouvernance dans notre pays. Le budget de cette autorité ne doit pas à notre avis être très important étant donné les niveaux des salaires en Tunisie. Les membres du gouvernement devraient passer un signal fort de confiance en instaurant cette autorité et en étant les premiers qui lui déclarent leurs patrimoines. Cette mesure peut être par la suite étendue à l’Arp et toute la fonction publique. Elle permettrait d’assainir la seine politique et obligerait toutes les personnalités publiques se trouvant dans des situations de conflits d’intérêts de faire leurs choix ou de démissionner. Le retour à l’éthique est devenu aujourd’hui une exigence de toutes les nations du
monde et ce qui s’est récemment passé en France à l’occasion des élections présidentielles (le cas de François Fillon) et après les élections (démissions de certains ministres pour des problèmes d’éthique) ne peut qu’en être qu’un bon témoignage

Une commission de déontologie de la fonction publique

La deuxième mesure importante à mettre en place consiste dans l’instauration d’une commission de déontologie de la fonction publique qui assurerait deux principaux rôles.
-Un rôle préventif d’information et de formation des fonctionnaires publiques sur les nouvelles règles déontologiques, de conflits d’intérêts et les grands principes de leur mise en oeuvre. Cette commission pourrait, le cas échant, infliger des sanctions disciplinaires (retard de grade, privation de primes…) à l’encontre des fonctionnaires récalcitrants.
- Un rôle de contrôle des départs des fonctionnaires pour exercer une activité concurrentielle dans le secteur privé. Il s’agit en l’occurrence d’un juge qui devient avocat, un fonctionnaire de l’administration fiscale qui devient directeur ou responsable fiscale d’une entreprise privée, un haut cadre de la douane qui devient transitaire ou directeur d’import-export d’une entreprise privée, ou tout simplement d’un ancien ministre qui devient directeur général ou conseiller d’une entreprise privée.
Cette commission garantie l’application des règles d’éthiques et viendra corroborer le rôle de l’autorité de surveillance des patrimoines des personnalités publiques en prévenant les situations de conflit d’intérêt.

Règlementation du financement des partis politiques

Le gouvernement devrait également réglementer les sources de financement des partis politiques et les soumettre à un contrôle annuel des commissaires aux comptes et/ou de la cours des comptes. Cette réglementation devrait principalement clarifier le principe de financement de nos partis politiques (public ou privé ?), le mode de contrôle des flux de financement, les règles de transparence financière, l’équité entre les différents partis et les mesures de contrôle et de sanctions à mettre en oeuvre. Aussi, le gouvernement devrait imposer aux partis politiques des règles démocratiques dans leurs statuts constitutifs. En effet, si la Tunisie veut fonder les bases d’une vraie vie démocratique, il est impératif pour les différents partis composant le tissu politique du pays de se conformer aux règles démocratiques notamment en ce qui concerne les modalités d’élection de ses représentants à l’assemblée et/ou au gouvernement. L’attribution des rôles et des responsabilités doivent émaner d’un processus électoral transparent et démocratique. Cette mesure éviterait entre autre que le parti politique ne devienne la propriété privée d’une personne ou d’un groupe de personnes qui détiennent les commandes et les pouvoir les plus absolus.

Voilà trois mesures importantes qui peuvent être mises en place par le gouvernement pour instaurer de nouvelles règles d’éthiques et de transparence de la vie publique en Tunisie. Ceci permettrait de restaurer la confiance et créer les conditions nécessaires pour la relance économique. Gouverner en donnant l’exemple encouragerait les citoyens à adhérer aux règles de transparence et consolide l’union nationale.

Riadh Manita
Docteur en sciences de gestion et Expert-Comptable