News - 14.06.2017

Exclusif -le conseiller économique de Y. Chahed : tout sur les engagements de la Tunisie envers le FMI

Exclusif - Taoufik Rajhi : Tout sur les engagements de la Tunisievis-à-vis du FMI

Sur quelles bases le Fonds monétaire international (FMI) a-t-il accédé à la requête de la Tunisie l’autorisant à décaisser une deuxième tranche de 377 millions de dollars ? Et quels sont les nouveaux engagements pris par notre pays vis-à-vis du Fonds ? La Tunisie est-elle capable de les tenir surtout lorsqu’il s’agit de réduire, à l’horizon 2020, le déficit budgétaire à -3% en 2020 et de stabiliser le ratio de l’endettement extérieur à un niveau inférieur à 70% ? D’ici là, il va falloir réussir la prochaine épreuve de la revue périodique fixée à octobre prochain. Les dates de réalisation des réformes retardées seront-elles respectées et la revue fonctionnelle des cinq grands ministères ainsi que les contrats de performance des cinq entreprises publiques sera-t-elle positive ? Et que faire pour ce qui est du déficit structurel des caisses de retraite devenu alarmant.

A toutes ces questions, Taoufik Rajhi, ministre conseiller auprès du chef du gouvernement nous apporte des réponses de première main.

Le Conseil d’administration du FMI a approuvé le décaissement de la deuxième tranche du Mécanisme de crédit élargie. Pourriez-vous nous rappeler le contexte

La réunion du CA du FMI fait suite au succès de la première revue du programme engagé depuis fin mai 2016. Aujourd’hui, le CA confirme l’accord des experts déclaré en Avril dernier et suit les recommandations du management. Le Conseil a affirmé par sa décision son soutien à la Tunisie.  Les intervenants ont souligné l’effort important déployé par le Gouvernement d’union nationale dans l’accélération des réformes engagés dans le cadre du programme ainsi que la récente compagne de lutte contre la corruption. Bien qu’ils reconnaissent les difficultés de la transition politique et les problèmes économiques et le défis sécuritaires, ils ont indiqué clairement que le salut de la Tunisie se trouve dans la mise en œuvre et l’accélération des réformes. C’est la question sur laquelle tous nos partenaires insistent. Leur argument est «nous, pays du G20, avons fait des réformes, il n’y a pas pourquoi vous ne faites pas autant».

Quelle est la signification financière de la décision du FMI?

Tout d’abord, elle est symbolique et signifie que le gouvernement est sur la bonne voie en matière de réformes économiques et donne un signal positif aux autres bailleurs de fonds. Aussi, c’est une bouffée d’oxygène pour le Budget et un soulagement des finances publiques. Tout d’abord, 314 Millions de dollars sont décaissés le lendemain de la décision soit 800 MDT. Le 13 juin 2017 aussi, le Conseil d’administration de la Banque mondiale s’est réuni concernant l’appui budgétaire pour la Tunisie et donc et a approuvé un décaissement de 500 Millions de $ soit l’équivalent de 1200 MDT dans le cadre de l’appui budgétaire. En plus il y aura le feu vert pour les 400 Millions d’euros de l’Union européenne, la BAD, l’AFD et les autres. Cela assurera le financement du Budget de 2017 mais aussi renforcera les réserves de change de la BCT qui ont souffert de la mini-crise de change et le creusement du compte courant. Cela fera du bien pour le dinar.

Quelles sont ces réformes?

L’accord du mécanisme de crédit élargi avec le FMI repose sur un programme économique et financier chiffré à horizon de 2020 et un programme dynamique de réformes qui s’alimente au fur et à mesure que les revues du programme sont concluantes. Le FMI a puisé les réformes en 2016 dans le programme national des réformes majeures préparé par le conseil des analyses économiques. Les réformes inscrites en mai 2016 pour la première revue d’octobre 2016 n’ont pas été achevées et ont été reportées en avril 2017.

Lesquelles et avez-vous ajouté d’autres?

Le programme repose sur trois grands axes de réformes : la stabilité monétaire et financière, la stabilité budgétaire et le climat des affaires.  Ces réformes sont au nombre de 17 sous forme de lois et des décret (code investissement, PPP et concurrence), de guide (supervisionbancaire…) de création de nouvelles institutions (comme la haute instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption), de stratégies (la fonction publique, fiscale et d’endettement). On les appelle matrice des réformes structurelles. Elle implique principalement la BCT, le Ministère des finances et d’autres ministères à niveau secondaire.  Aujourd’hui, il y’a eu un progrès important réalisé et la matrice était rouge et est devenu presque verte. Surtout en ce qui concerne le climat des affaires ou les trois lois (code investissement, PPP et concurrence) avec leurs 12 décrets d’application ont été complètement finalisés ainsi que les business plans et les contrats de performance des trois banques publiques.

Qu’avez-vous ajouté?

La prochaine revue sera en octobre 2017, Nous avons reprogrammé les dates de réalisation des réformes retardées lors de la première revue d’avril comme l’adoption par l’ARP des lois sur le taux d’intérêt excessif, la loi organique sur le budget et la haute instance de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. De même la revue fonctionnelle des cinq grands ministères ainsi queles contrats de performance des cinq entreprises publiques sont reprogrammés ainsi que d’autres pour septembre.
Nous avons programmé 5 autres nouveaux repères structurels qui concernent surtout l’adoption par le conseil des ministres d’une loi sur la retraite d’ici septembre 2017. Le déficit structurel des caisses de retraite est alarmant et nous devons engager les réformes sans tarder.

Quelles sont les nouveaux engagements en matière de politique économique?

Nous avons présenté un programme économique et financier de consolidation budgétaire dont l’objectif principal est la maitrise des déficits et la soutenabilité de la dette. Notre objectif est de réduire graduellement le déficit budgétaire à -3% en 2020 et de stabiliser le ratio de l’endettement extérieur à un niveau inférieur à 70% à cette même échéance. La dépréciation du taux de change a gonflé mécaniquement le ratio de l’endettement car 70 % de la dette publique est dénommée en devises. D’où ce qui a été emprunté à une parité de 1.3 D/Euros ou 1.5 D/$ est maintenant comptabilisé au double ou presque. La dépréciation du dollar est couteuse en matière budgétaire.

Comment comptez-vous y parvenir?

Nous comptons réduire le déficit budgétaire à 5.4% en 2018 comparé à 6% en 2017. Cela nécessite un effort important en matière de maitrise de dépenses et d’augmentation des recettes. Nous avons pris la décision de faire cet ajustement sans toucher à l’investissement public qui sera augmenté à un niveau de 6000 MDT mais aussi en continuant l’effort de transfert sociaux qui sera une fois encore marqué par les 500 MDT pour assurer le paiement des retraites du CNRPS. Sans oublier les augmentations salariales programmées y compris la deuxième tranche de l’augmentation spécifique d’avril 2018.

Comment pourriez-vous tenir cet ajustement alors que la contribution exceptionnelle de 7.5% sur les profits est appliquée juste pour 2017 à moins que vous comptiez la maintenir en 2018.

Non, le gouvernement est clair là-dessus. La contribution comme son nom l’indique est exceptionnelle et nous l’avons estimé à hauteur de 900MDT en 2017. Maintenant, il va falloir chercher des revenus ou des économies qui permettent de remplacer les 900 MDT de la contribution exceptionnelle, financer les augmentations salariales de 2018 et les 500 MDT du CNRPS. En gros, le budget de 2018 a besoin d’un ajustement de 2000 MDT ce qui réexplique en gros les difficultés de négociation avec le FMI durant toute cette période.

Et la solution?

Ce n’est pas sorcier, toute choses égale par ailleurs et en l'absence d’un supplément substantiel de croissance, nous nous sommes orientés vers plus d’effort de recouvrement fiscal, d'économies de dépenses et de mesures fiscales permanentes et justes qui font appel à toutes les catégories économiques et sociales. Nous avons présenté des propositions qui seront discutées lors du processus de préparation de la loi de finances 2018.

Etes-vous confiant pour conclure positivement la revue d’octobre prochain?

Cela dépend de notre progression dans les réformes, la maîtrise des déficits et la loi de finance 2018 puisqu’elle sera prête juste avant l’arrivée de la mission. La maîtrise de la masse salariale reste la bête noire en l’absence de croissance économique. Nous voulons contenir les dérapages de 2017. Nous nous sommes préparés pour 2018 en envoyant un signal clair aux différents ministères dans le décret du budget de 2018 signé récemment par le chef du gouvernement de gel de recrutement à part les écoles de formation de l’Etat. Cette décision est conforme aux conclusions du dialogue sur l’emploi de l’année dernière.   De même, nous nous sommes engagés à rationaliser les négociations salariales et les mécanismes d’augmentation des salaires dans la fonction publique. Bien sûr cela dépend de l’attitude de nos partenaires sociaux et nous avons commencé à communiquer sur ce sujet avec eux et à tous les signataires de l’accord de Carthage dans la transparence et la coopération totale.

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