Opinions - 16.05.2017

Mohamed Larbi Bouguerra: 1967, la nakba d’israel ?

Mohamed Larbi Bouguerra: 1967, la nakba d’israel ?

Aujourd’hui, c’est le triste et douloureux 69ème anniversaire de la Nakba qui a vu un million de Palestiniens chassés de leurs terres et de leurs maisons par l’entreprise coloniale sioniste en 1948. Un million de Palestiniens contraints au départ par peur des massacres et des exécutions de nuit dans les villages par l’Irgoun et les autres milices sionistes dénoncées en leur temps par Albert Einstein.

Aujourd’hui encore, la Nakba continue et persiste devant l’inertie arabe et le silence international. Les prisonniers palestiniens en sont à leur 28ème jour de grève de la faim. Israël est impitoyable… comme tous les pouvoirs oppressifs  qui ne comprennent que le langage de la force. Marwan Barghouti a perdu 12 kg, dit son avocat Khader Shqeirat qui l’a rencontré. Le leader, le Mandela  palestinien, parle des mesures sadiques prises à son encontre et sa détermination à poursuivre son jeûne. Il a dû arrêter même de boire de l’eau pour qu’enfin les sionistes le retirent d’un cachot situé au sous-sol de la prison.

Netanyahou attend, fébrile, l’arrivée de son maître Donald Trump car nul ne sait ce qu’il a dans sa besace pour la solution du conflit israélo-palestinien. Netanyahou, très impressionné, fait des cauchemars suite au comportement du milliardaire face au directeur de la CIA démis à la vitesse de l’éclair et se demande : « Comment réagirait-t-il si je me mets en travers de son chemin ? » Car, déjà, un désaccord public est là, bien là, entre les deux hommes: la question du déménagement de  l’ambassade américaine à Jérusalem. Le nouvel ambassadeur américain en Israël David Friedman - un ami des colons va-t’en guerre - qui présentera ses lettres de créance mardi 23 mai2017, avertit les officiels israéliens : « Trump est très sérieux quand il parle de paix ».

Résistance, dénonciation et combat

Par ailleurs, à Dublin, la municipalité a décidé de faire flotter le drapeau palestinien sur les édifices officiels un mois durant, en soutien au peuple palestinien qui gémit sous la botte sioniste et les exactions des colons. L’ambassadeur israélien en Irlande,  Zeev Boker, s’étrangle et menace. De son côté, le plus grand syndicat norvégien - la Confédération des Syndicats Norvégiens (LO) qui représente plus d’un million de membres - a adopté,  vendredi 12 mai 2017, la décision de boycotter Israël sur tous les plans. LO rejoint ainsi les syndicats sud-africains COSATU, brésiliens CUT, québécois CSN et irlandais ICTU appelant à faire pression sur les firmes et les institutions qui entretiennent depuis longtemps l’occupation, la colonisation et l’apartheid. En France, la publication « Le Monde juif » n’a pas peur du ridicule quand elle titre que « le nouveau sherpa de l’Elysée, Philippe Etienne, a apporté assistance au terroriste franco-palestinien Salah Hammouri ». M. Etienne a été nommé dimanche 13 mai 2017, conseiller diplomatique de M. Macron. Par contre, « Le Monde juif » ne voit aucun inconvénient à ce que certains Français fassent leur service militaire dans l’armée d’occupation israélienne alors qu’ils tombent sous le coup d’accusation de crimes de guerre pour « leurs exploits » contre les civils palestiniens à Gaza et en Cisjordanie ! De plus, « Europe-Israël », autre grand défenseur de l’apartheid et de la colonisation, montre ses crocs contre M. Richard Ferrand, le numéro deux  d’En Marche - le mouvement du président Macron… parce qu’il est en faveur du boycott d’Israël !

Sur le plan intérieur, Netanyahou a décidé de mettre sous sa botte les médias gouvernementaux trop critiques à son égard. Brutalement, une chaîne a dû interrompre ses émissions en cours : la speakerine s’est effondrée, en larmes,  à l’antenne. Les journalistes qui n’approuvent pas à cent pour cent les actions du gouvernement de l’apartheid et du racisme sont mis au chômage, dit Charles Enderlin (France Inter, 15 mai 2017). « Le Bibiton » (le journal de Netanyahou par dérision), ce quotidien gratuit qui chante les louanges du Premier Ministre à longueur d’année,  n’est rien d’autre qu’un organe salissant les opposants à l’apartheid et au racisme comme l’ONG « Breaking the silence » qui dévoile la brutalité et les crimes commis par « l’armée la plus morale de la terre ». Il est la propriété du magnat américain des casinos,  Sheldon Adelson,  qui veut couvrir de jeux de hasard tout Israël et auquel Netanyahou ne peut rien refuser étant donné les largesses dont il l’arrose !  Certains jeunes israéliens ne veulent plus rejoindre l’armée d’occupation. La jeune Tamar Alon,  qui vient de purger 130 jours de prison pour refus de servir dans l’armée israélienne,  parlera le 20 mai 2017 à Paris,  à la librairie Résistances. Tamar Alan s’inscrit dans la lignée de ces officiers de l’Unité 8200 (unité de renseignements) qui ont refusé de servir dans les territoires palestiniens occupés en 2014, au grand dam de Mme Tzipi Hotovely, vice-ministre  des Affaires Etrangères.

Dans sa lutte pour garder le pouvoir en ferraillant contre Herzog, Lieberman et d’autres prétendants, Netanyahou a soumis un projet de loi pour faire d’Israël le Foyer National du peuple juif, même au prix de la démocratie. Face à l’opposition des ultra-orthodoxes conduits  par son ministre de la Santé Yaakov Litzman, il a dû remballer sa loi. Il persiste cependant pour éliminer la langue arabe… celle de 20% des citoyens d’Israël ! La police israélienne apprend aujourd’hui à des jeunes de 11 ans comment tuer un Arabe. Elle sème la haine dans le cœur de ces enfants (Lire Rogel Alpher, Haaretz, 14 mai 2017) au moment même où la ministre de la Culture sioniste interdit à ces écoliers de lire un roman d’amour entre une Israélienne et un artiste palestinien, œuvre de l’écrivaine Dorit Rabinyan (Samuel Rosner, The New York Times, 19 janvier 2016).

Un jubilé désastreux

Pour fêter les 50 ans d’occupation, le gouvernement israélien a prévu un budget de 2,74 millions de dollars pour les parades, les feux d’artifice et les réceptions. « 50 ans en fait pour supprimer un autre peuple. 50 ans de pourriture et de destruction interne » écrit Gideon Levy (Haaretz, 16 avril 2017). Et Levy d’interpeller les Israéliens: « Une victoire militaire peut éventuellement être fêtée mais peut-on célébrer 50 ans de conquête militaire brutale ? Que voulez-vous célébrer exactement ? 50 ans de carnage, de violence, d’exhérédation et de sadisme. Seules les sociétés sans conscience célèbrent de tels anniversaires.  Et ce n’est pas à cause des souffrances infligées aux Palestiniens qu’il faut que de telles célébrations cessent. Israël doit porter un voile de tristesse à cause de ce qui lui est arrivé depuis ce terrible été de 1967. Cet été témoin d’une victoire militaire mais au cours duquel Israël a pratiquement tout perdu.» Levy continue et insiste : «  Un grand désastre a fondu sur nous. Les kibboutz ont été vendus à des promoteurs immobiliers mettant à bas le caractère communautaire. L’embourgeoisement a piétiné les pauvres tel un cancer qui s’empare d’un corps sain.  Depuis ce funeste été 1967, Israël a continué à vivre  avec un ADN endommagé. Il suffit de regarder ce qu’est devenu Jérusalem. Jadis une charmante ville universitaire, transformée en un monstre gouverné par la Police des Frontières. Cela a commencé avec l’orgie ultra-nationaliste qui a tout submergé et qui procède au lavage des cerveaux. Israël est ainsi devenu un Etat diabolique, violent, ultranationaliste, un Etat religieux et raciste.

Evidemment, tout n’était pas parfait avant 1967 mais les graines de la calamité ont été semées…. Israël est aujourd’hui un Etat arrogant et méprisé et qui n’est admiré que par ceux qui lui ressemblent. Tout cela a commencé en 1967. Le déclin accéléré, institutionnalisé et légitimé a débuté en 1967. Ainsi est né  notre  mépris actuel pour le monde, notre vantardise et notre harcèlement vis-à-vis de toute la terre. En 1967, l’occupation a démarré. Elle a conduit à la sauvage métastase intérieure : des barrages routiers en Cisjordanie aux nightclubs de Tel Aviv, des camps de réfugiés aux routes et aux files des supermarchés. La langue d’Israël est devenue partout celle de la force. Le succès de la Guerre des Six Jours était trop gros, trop fort pour Israël et il s’est mis à brailler : « A nous, tout est permis »
Gideon Levy conclut son article - entre dénonciation, réquisitoire et regret - en écrivant : « Et c’est ainsi que les religieux sont devenus messianiques, les modérés ultra-nationalistes…. Israël a établi un régime d’apartheid dans les territoires car il n’y a guère d’autres façons d’occuper…. Depuis 1967, Israël n’a jamais été aussi fort, aussi armé et aussi riche. Israël est corrompu et pourri comme seule une puissance occupante peut l’être. C’est ce que nous sommes censés célébrer. Et c’est pourtant ce qui doit nous faire pleurer. »

Israël ressemble beaucoup à l’Algérie de Lacoste, des généraux Massu et Salan et des pieds noirs autistes méprisant « les indigènes ». Le triomphe de l’extrémisme et la radicalisation ont conduit à l’Indépendance des « trois départements français d’Algérie » ! Les signes annonciateurs du fascisme définis par Umberto Eco sont bien là, visibles en Israël.
Le 69ème anniversaire de la Nakba prouve que la résistance palestinienne est toujours là.
Debout.
En dépit des avions F-35 offerts par les Américains et des sous-marins cadeaux des Allemands. 

Mohamed Larbi Bouguerra