News - 19.04.2017

Gualezrio Zamparini, Consul honoraire de Tunisie à Florence : les détenus tunisiens en Italie se sentent abandonnés par leur pays

Gualezrio Zamperini: Un grand manque d’assistance et un haut risque de récidive

Cela fait des années déjà que je porte une attention toute particulière aux ressortissants tunisiens détenus dans la région de Toscane, périmètre de ma circonscription consulaire. Sans cesse, je leur rends visite dans les 15 prisons où ils sont écroués. A la mi-juin dernier, ils étaient au nombre de 215, condamnés pour la plupart d’entre eux pour consommation et trafic de drogue, et quelques rares autres pour vol, violence et homicide. Lors de mes visites, je me fais souvent accompagner par le Tunisien Mohsen Hosni en tant que médiateur culturel. Les détenus sont libres de me rencontrer ou pas, en groupes ou à titre individuel.

Il s’agit souvent de jeunes émigrés clandestins, sans famille ici, dépourvus de qualifications professionnelles spécialisées, qui s’enlisent facilement dans la criminalité sous diverses formes. Malheureusement, les prisons italiennes sont beaucoup plus des établissements d’accomplissement que des centres de réhabilitation et de préparation à la réinsertion. Aussi, l’encadrement socioculturel est-il peu développé et le nombre d’éducateurs et de médiateurs culturels est-il bien réduit. Du coup, le taux de récidive est élevé.

Peu de visites, peu de réconfort

De par ma connaissance des activités des différents consulats et consulats honoraires, les agents consulaires et les attachés sociaux, au nombre réduit, rendent très peu visite aux détenus. Cela est dû également au manque de moyens et pour certains pays à l’absence d’une réelle politique en la matière et d’une vraie volonté.

C’est pourquoi, pour ce qui concerne les Tunisiens, on trouve un grand nombre de détenus qui croupissent dans les prisons sans bénéficier de l’assistance psychologique, économique et judiciaire nécessaire. A l’expiration de leur détention, ils sont remis en liberté et sommés de quitter le territoire italien sous cinq jours. La plupart d’entre eux ne rentrent pas au pays et iront errer sans papiers et sans autorisation de séjour, privés de tout soutien et de toute ressource financière, ce qui les fera tomber de nouveau dans le crime.

Remis en liberté, sans la moindre prise en charge

Lors de mes multiples entretiens avec le coordinateur général des prisonniers de la municipalité de Florence et un représentant de la région de Toscane, j’ai proposé que les détenus non dangereux, une fois remis en liberté, puissent bénéficier d’un permis de séjour provisoire pour une durée de six mois, d’une allocation sociale et d’un hébergement dans un centre d’accueil ainsi que d’une orientation professionnelle leur permettant de trouver un emploi. J’en appelle aux autorités tunisiennes pour qu’elles appuient cette démarche et la généralisent et  redoublent d’attention en faveur des Tunisiens détenus.
Pourquoi les consulats prennent des mois pour les autoriser à appeler leurs parents ?

Aussi, il conviendrait que les services consulaires répondent avec beaucoup plus de célérité aux requêtes des détenus, notamment en ce qui concerne la validation des numéros de téléphone des familles qu’ils souhaitent appeler. Ces demandes restent en souffrance durant de longues périodes pouvant se prolonger parfois à plusieurs mois avant qu’un accord ne soit donné. Le détenu reste cependant coupé de sa famille alors qu’il a le droit de l’appeler régulièrement, une fois par semaine.

Les détenus tunisiens me font souvent part de leur sentiment d’être abandonnés par leur pays, livrés à eux-mêmes. Il est hautement recommandé, pour briser leur solitude et leur apporter le réconfort, qu’ils réclament que les attachés sociaux leur rendent visite régulièrement, quitte à se faire accompagner par des amis des détenus et des volontaires. Cela permettra en outre de préparer leur sortie de prison et leur réinsertion sociale et de les prémunir contre la radicalisation et la récidive.

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