News - 10.04.2017

Taboubi :Chahed ne peut pas lutter contre la corruption s'il ne dispose pas de l'appui de la coalition au pouvoir

interview

Alors que le front social s’embrase, il est intéressant de connaître le point de vue de l’Ugtt, s’agissant des conflits sociaux qui ont éclaté dernièrement au Kef et à Tataouine et plus généralement du climat politique délétère dans la mesure où la centrale ouvrière joue un rôle capital aux  plans politique et social dans la Tunisie post révolution. La récente interview du secrétaire général, Noureddine Taboubi au journal  El Maghreb est particulièrement éclairante à cet égard (extraits):

• L’affaire de la câblerie du Kef: il faut avoir à l’esprit les spécificités de ce gouvernorat. C’est une région frontalière  qui souffre du sous-développement et  de l’absence d’opportunités d’emploi à l’exception de la fonction publique, de  l’usine de friperie et  de la cimenterie qui avait absorbé une partie des demandes d’emploi dans la région depuis la révolution, mais qui est en butte actuellement à des difficultés parce qu’elle n’a pas su moderniser son appareil de production et la câblerie. Certes, il y a les difficultés économiques, la situation sécuritaire, mais là où l’Etat a failli, c’est quand il n’a pas assuré les conditions d’une vie décente, qu’il n’a rien fait au niveau de l’infrastructure pour encourager le capital national, les investisseurs étrangers et les cadres à s’installer dans cette région, qu’il s’est désintéressé de l’agriculture. C’est ce qui explique en grande partie ce qui s’est passé avec  la câblerie. Nous nous attendions à ce que cette usine emploie un nombre comparable aux autres usines exerçant dans ce secteur dans d’autres régions du pays soit entre 3000 et 4000 personnes. Il n’en fut rien, faute de commodités, d’infrastructures, l’usine n’a pas évolué. Ce qui a décidé l’investisseur à quitter la région.
• Le conflit avec les compagnies pétrolières de Tataouine et la lutte contre la corruption: hormis ces compagnies  et les services publics, les investissements nationaux sont totalement absents dans cette région. La seule solution est de consacrer une partie des redevances payées par  les compagnies au développement dans le gouvernorat pour améliorer les conditions de vie de ses habitants et ce dans le cadre de la solidarité nationale. Malheureusement les gouvernements successifs n’ont rien fait, alors que lors des campagnes électorales, les gouvernants actuels avaient promis monts et merveilles aux citoyens. Le plus grave, c’est l’incapacité des partis et des associations à encadrer les gens dans ces régions, sans oublier le danger majeur que constitue l’absence totale de l’Etat, ce qui a permis à d’autres individus  du « deuxième rang »d’infiltrer les rouages de l’Etat et d’alimenter la sédition « fitna ». J’appelle ceux-là, « les suceurs  de sang » dont le seul but est d’accumuler les gains. A titre d’exemple, le montant des produits de contrebande avoisine les 500 millions de dinars, alors que le nombre de trafiquants n’excède pas les 200 personnes. Nous ferons tout notre possible pour nous y opposer (...)Le chef de gouvernement se dit, certes, déterminé à lutter contre la corruption. C’est un point positif. Mais cette entreprise nécessite non seulement une détermination, mais aussi des actes, une mentalité et des moyens, essentiellement une véritable révolution sociétale contre «les lobbies influents»(...) J'ai décelé chez le gouvernement de  la détermination et la fougue de la jeunesse pour lutter contre la corruption à côté des effets d'annonce politiqueshed. Mais j'ai l'impression que cela dépasse largemment la personne du chef de Gouvernement, s'il ne dispose pas d'un appui politique de la part de la coalition au pouvoir. S'ils s'abstiennent de lui donner des instructions ou de le menacer directement sur les réseaux sociaux, il pourra avancer (...)Si nous disposons d'instances de contrôle réellement indépendantes et leur donnons toute latitude  pour mener à bien leur travail, nous pourrons avancer sérieusement. J'entends par instances , celles administratives qui relèvent du chef du gouvernement à l'instar de la Cour des comptes à condition qu'elles disposent des moyens humains et matériels adéquats et bénéficient d'une indépendance totale.

• Privatisations: nous refusons catégoriquement la privatisation des secteurs stratégiques. Quant aux entreprises nationales exerçant dans des secteurs concurrentiels, , nous les traiterons au cas par cas.