News - 22.02.2017

Xavier Beulin : Le leader agricole qui aimait la Tunisie (Album Photos)

Xavier Beulin : Le leader agricole qui aimait la Tunisie

Président de la puissante Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), en France, Xavier Beulin, a été subitement terrassé dimanche soir dernier, à l’âge de 58 ans, par une crise cardiaque. Très proche de la Tunisie où il s’était rendu pas plus tard que mercredi dernier 9 février, il a toujours soutenu l’agriculture tunisienne. L’un de ses meilleurs amis tunisien, Leith Ben Becher, fondateur et past-président du Syndicat national agricole (Synagri), lui rend un vibrant hommage.

J’ai rencontré Xavier Beulin pour la première fois en 1999, à l’occasion d’un congrès historique de la Fédération française des oléagineux et des protéagineux « FOP » à Saint-Malo, qui allait le voir succéder Jean Claude Sabin, père fondateur de filière française des oléagineux, atteint par la limite d’âge statutaire.

Ce qui n’était au début qu’une relation d’affaires dans le cadre d’un programme innovant de développement du colza en Tunisie entamé quelques années plus tôt, allait devenir une réelle et solide amitié. Xavier était de quelques années mon ainé, mais nous appartenions à la même génération et malgré des différences qui pouvaient s’exprimer sur tel ou tel sujet spécifique, nous avions une très large identité de vue sur l’évolution de nos métiers et sur les défis de l’agriculture. 
J’ai été très vite marqué par son exceptionnelle énergie, sa disponibilité et sa capacité d’écoute. Mais ce qui m’a le plus touché, c’était la sensibilité méditerranéenne de ce céréalier qui n’avait pourtant rien de méridional. Bien plus qu’une sensibilité, c’était chez Xavier une réelle conviction qu’il se faisait fort d’exprimer chaque fois que l’occasion se présentait ou que le besoin se faisait sentir. Et ce prisme méditerranéen avait un focus tunisien. C’est ainsi qu’il a tout fait en tant que président de Sofiprotéol -qui deviendra plus tard Avril- et puis en tant que président du plus grand syndicat agricole français – la FNSEA- pour défendre la relance du colza en Tunisie, y compris face à nos pouvoirs publics, hélas souvent peu attentives. Nous devons ainsi à sa vision et à sa pugnacité mais aussi au travail de ses collaborateurs qu’il savait entrainer, les investissements réalisés en Tunisie depuis 2008, par le groupe industriel qu’il présidait au nom des agriculteurs qui en étaient majoritairement propriétaires. Cet engagement de la filière française des oléagineux s’est fait aussi bien l’industrie des aliments pour bétail (Sanders) que dans la production des huiles alimentaires. (Lesieur-Cristal).  Tout cela s’inscrivait dans un objectif majeur ; celui de la mise en place d’une véritable filière agro alimentaire intégrée, c’est à dire d’une chaine de valeurs permettant aux producteurs agricoles d’avoir une meilleure prise sur l’aval, gage d’une plus importante plus-value. 
 
Toujours progressiste, Xavier Beulin pourtant président d’un syndicat aussi ancien qu’influent qu’il n’a eu de cesse de rénover, n’a pas hésité à faire fi des pratiques habituelles en acceptant de signer dés 2014 un accord de partenariat exclusif et d’apporter son soutien au nouveau syndicat agricole « Synagri » que je présidais alors et qui avait à peine trois années d’existence.  
 
Récemment, il avait répondu en septembre 2016 à une invitation que je lui avais faite pour venir clôturer un important séminaire sur la filière blé dur en méditerranée. Il n’avait pas hésité à faire l’aller retour dans la journée, pour venir défendre cette idée qui lui était chère et que nous partagions, d’un « Label Méditerranéen » autour de produits emblématiques comme le blé dur ou l’huile d’olive.  Car pour un agriculteur dans l’âme comme Xavier Beulin, les modèles agricoles et alimentaires sont étroitement liés. 
 
L'agriculture était son combat ; évidemment en France, mais au-delà et notamment en Tunisie au Maghreb et en Afrique, en dépit des différences de trajectoires des uns et des autres. Mais une agriculture riche de sa diversité, devant permettre aux hommes et aux femmes qui ont choisi ce métier si noble, d’en vivre dignement. 
Profondément attaché à la Méditerranée, à sa diète et à ses produits, Xavier ne ratait aucune occasion de défendre ce modèle agricole familial, à échelle humaine et ancré aux territoires, sans pour autant céder à la nostalgie d’un passé révolu, ni au repli sur soi. Loin des accusations de ses détracteurs, il était de ceux qui croient que l’agriculture méditerranéenne a un véritable modèle à défendre face à l’agro business triomphant. 
 
Le 15 février 2017, malgré un agenda plus que chargé, Xavier avait tenu à venir parmi nous à Tunis, pour le lancement d’une huile de colza tunisienne. Il nous apportait une nouvelle fois une double démonstration ; celle de sa persévérance et de sa pugnacité et celle plus émouvante encore son amitié et de son attachement à la Tunisie.  Nous nous étions donnés rendez vous au Salon de l’agriculture tout proche, mais personne parmi nous ne pouvait imaginer que sa dernière mission hors de France serait celle-là. Le destin de cet homme exceptionnel a voulu qu’elle fût pour cette Tunisie qu’il aimait tant et qui perd en lui un incomparable ami et un ardent défenseur. 
 
Adieu mon ami, je me réjouis de t’avoir connu.
Leith Ben Becher
Agriculteur, Fondateur du Synagri