News - 19.02.2017

Hédi Bouraoui, célébré à Sfax : Quatre devoirs dont il faut s'acquitter envers le chantre du "transcultura-lisme"

Hédi Bouraoui, célébré à Sfax : Quatre devoir à l'égard d'un Emérite

«Hédi Bouraoui entre l’ancien et le nouveau » : c’est le thème d’un colloque international organisé la semaine écoulée par le Professeur Mustapha Trabelsi de l’Université de Sfax. « La culture nous unit et Sfax nous rassemble », lancé par la ville est déjà fort engagé, il est partagé par tant d’hommes et de femmes de cultures et de langues qui sont l’âme, le cœur, l’espoir et l’espérance des sociétés et des peuples, valeurs incarnées, entre autres, par Hédi BOURAOUI, universitaire et auteur canado-franco-tunisien, né à Sfax, chantre de la créativité-critique, de la paix, de l’échange dialogique entre les cultures, de l’humanisme moderne et du transcultura-lisme.

Bouraoui, ancien Master du collège universitaire Stong (1978), Professeur distingué de l’Université York de Toronto (1982), est fondateur d’un programme de langue, littérature et linguistique maghrébines, africaines et antillaises francophones en rapport avec la mosaïque canadienne qui aboutit, en mai 1988, à un colloque international universitaire sur la « Créativité-critique des littératures d’expression française » dont la publication des actes sortit seulement en 2016 aux éditions CMC/VAILLANT (ouvrage dirigé par Frédéric-Gaël THEURIAU). Il fut donc honoré et ses actions furent saluées unanimement. Après plus de trente ans d’enseignement et de fonctions à l’Université York, Hédi BOURAOUI y fonda même le Canada Mediterranean Center (2002) et y vit actuellement en tant qu’écrivain en résidence à vie depuis 2005 où son bureau lui est conservé, ce qui est un honneur suprême.

Dans "Vers et l'envers" (1980), Hédi Bouraoui écrit:

La culture est le chemin de la tolérance

Et la tolérance est le premier pas vers l’acceptation totale de la Différence

Mais l’ignorance ne peut être que source de violence 

Et la violence est la destruction du tissu social dans l’outrance. 

Quatre devoirs à son égard sont à éspérer

  1. que l’Université de Sfax honore les travaux d’Hédi Bouraoui en baptisant peut-être un de ses laboratoires de recherche du nom de l’auteur canado-franco-tunisien ; 
  2. qu’un fonds Hédi Bouraoui plus important s’y constitue dans les plus brefs délais, soit en livres matériels soit en numérique, de manière à permettre aux étudiant(e)s de thèses doctorales de finaliser leur travail sur lui et, à ceux qui le souhaitent, de com-mencer une nouvelle recherche ; 
  3. qu’il soit reconnu officiellement, par le Ministère de la Culture, comme personnalité culturelle en 2017 ; 
  4. enfin que le flambeau olympique transmis à la ville égyptienne de Louxor poursuive la noble tâche qui lui incombe désormais : entretenir la flamme de la Paix.

Des Universitaires du monde entier

Le Professeur Mustapha Trabelsi, directeur de l’Unité de Recherche en Littérature, Discours et Civilisation (URLDC) à l’Université de Sfax (établissement inscrits au Top 1000 des universités mondiales, selon le World University Rankings 2016-2017), pro-posa un colloque international sur « Hédi Bouraoui entre l’ancien et le nouveau ». Il faisait ainsi un bel écho à celui organisé en France (à Dierre), en juin 2016, par le Centre d’Études Supérieures de la Littérature (une Unité Indépendante de Re-cherche à Tours), sur « Réfléchir sur l’œuvre d’Hédi Bouraoui », dirigé par le Docteur Frédéric-Gaël THEURIAU, et qui donna lieu à la publication d’un livre, en cours de pa-rution, aux éditions Vaillant.
Malgré une aide financière promise par le Ministère de la Culture chargé de promou-voir « Sfax, Capitale arabe de la Culture » mais non honorée à l’heure actuelle, Mus-tapha Trabelsi, sur les subsides de la Faculté vit là une ambitieuse et réussie occasion, les 17 et 18 février 2017, de mettre en avant de nobles idées humanistes, pacifistes et réflexives autour d’un thème culturel. Il a rassemblé des personnalités universitaires venant du monde entier, des trois continents, pour faire écho au transculturalisme bouraouïen : Afrique (Tunisie, Maroc), Europe (France) et Amérique (Canada) : « L’Afrique, l’Europe et l’Amérique du nord cohabitaient en moi, non seulement en bon voisinage mais en parfaite symbiose » (Hédi Bouraoui, Transpoétique : Éloge du nomadisme, Montréal (Canada), éd. Mémoire d’encrier, 2005, p. 62).
Chercheurs, enseignants, étudiants, adhérant à l’esprit général, se pressèrent dans la salle de conférences Ibn Khaldoun pour écouter les allocutions d’ouverture du Secré-taire général de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, du représentant de la Délégation Régionale de la Culture de Sfax, puis du directeur de l’URLDC. En moyenne, une bonne cinquantaine de personnes intéressées assistèrent à l’ensemble des deux journées dont certaines posèrent des questions et demandè-rent des informations complémentaires sur l’œuvre bouraouïenne injustement mé-connue en Tunisie et que beaucoup découvraient avec bonheur.
Vinrent ensuite quatorze communications autour de l’auteur du roman Retour à Thyna (1996) et du recueil poétique Sfaxitude (2005). Ce dernier, dans un film docu-mentaire qu’il avait envoyé, ne pouvant se déplacer en personne, rappelait de sur-croît ses attaches à sa ville natale et quelques éléments sur son parcours de vie. Dans l’ordre ensuite : « Mixité et brachylogie du mot dans la poésie bouraouïenne » par Mansour M’HENNI (Université de Tunis el Manar, lu par Raoudha Allouche ; « Thyna romanesque et Sfaxitude : l’image de Sfax » par Elisabeth SABISTON (Université York à Toronto, lue par Frédéric-Gaël Theuriau) ; « Éclate-Module ou l’éclatement et de l’Ancien et du Nouveau » par Akila ZOUARI (Université de Sfax) ; « Apport ethnologi-co-linguistique de Tales of Heritage I & II » par Frédéric-Gaël THEURIAU (Université François-Rabelais à Tours) ; « Poétique et la transculturalité dans Bangkok Blues » par Arselène Ben FARHAT (Université de Sfax) ; « Morphologie modulée et syntaxe écla-tée : mots recomposés et syntaxe bifurquée dans Éclate-Module et L’Icônaison » par Rafika Ben AMOR (Université de Sfax) ; « Le mot, une icône de l’écriture de la béance » par Sonia MAZIOU (Université de Sfax) ; « l’ancien et le nouveau dans Re-tour à Thyna » d’Ikram BARKALLAH (Université de Sfax) ; « La figure de l’intellectuel dans Retour à Thyna » par Sanda MESTOURI (Université de Sfax) ; « L’hybride dans Sept portes pour une brûlance » par Mustapha TRABELSI (Université de Sfax) ; « La médiation en œuvre dans les récits poétiques » par Samira ETOUIL (Université Mou-lay Ismail à Meknès) ; « L’Icônaison : hybridation et subversion » par Raoudha AL-LOUCHE et Emna HANCHI (Université de Sfax) ; « Nomadisme et nomaditude dans Puglia à bras couverts : modes de progression évènementielle et procédés d’esthétisation du texte littéraire » par Chedia DEY (Université de Sfax).
Les mots de la fin furent laissés à Aïda et Essia Bouraoui, respectivement nièce et sœur d’Hédi Bouraoui qui parlèrent, émues, de l’honneur qui rejaillissait sur toute la famille grâce à une telle respectable personnalité, et à Mohamed Ben-Madani (édi-teur londonien) et Frédéric-Gaël THEURIAU (chercheur tourangeau) qui évoquèrent leurs relations amicales avec l’universitaire et créateur citoyen du monde en préci-sant certaines orientations notionnelles et conceptuelles bouraouïennes évoquées ou non durant le colloque.
Pour synthétiser l’ensemble des moments forts de ces deux journées, furent soulignés particulièrement la sfaxitude, la francophonie, le phénomène identitaire, l’écriture nomade, la paix, la béance, l’humanisme, la binarité infernale, la question du sens, le transculturalisme, la problématique de l’hybride, le récit de voyage, la cause féminine, les mots-concepts, la marge et l’écriture interstitielle liée aux di-verses cultures : « Écrire dans l’entre-deux, l’entre-trois, c’est laisser les traces civili-sationnelles inscrites en soi, durant son itinéraire personnel, resurgir librement » (H. B.,Transpoétique : Éloge du nomadisme, ibid., p. 138). Un livre rassemblant l’essentiel des textes, soumis au comité d’évaluation scientifique et littéraire, est prévu dans les prochains mois afin de parachever le travail de chaque chercheur et pour la postérité des idées.
 
Frédéric-Gaël THEURIAU
Université François-Rabelais de Tours