News - 02.02.2017

Karim Ghariani - CAN 2017 : L’heure est au bilan

CAN 2017 : L’heure est au bilan

Premier blog consacré intégralement au foot tunisien, Kooretna, du jeune Karim Ghriani, cartonne. A 20 ans, (né en 1996), Karim, étudiant en 2ème année Sciences Politiques à l'université catholique de Lille, est  mordu par le football et passionné par le journalisme. Incollable surtout sur le football britannique. Son bilan de la CAN 2017 est perspicace. 

Après avoir montré un visage très séduisant lors de la phase de groupe, en inscrivant notamment 6 buts en 3 rencontres, la sélection tunisienne était attendue au tournant lors de son quart de finale contre le Burkina-Faso. Malheureusement, les Aigles de Carthage n’ont pas su confirmer et se sont inclinés sur le score de deux buts à zéro au terme d’un match décevant.

Pour cette rencontre, Henryk Kasperczak et son staff technique ont choisi d’opérer un changement par rapport à l’équipe qui avait dominé le Zimbabwe. L’ancien sfaxien Ali Maaloul a donc laissé sa place à Aymen Abdennour au poste de latéral gauche, tandis que Mohamed Ali Yaakoubi a été incorporé dans l’axe de la défense aux côtés de Ben Youssef. Cette décision peut trouver son explication dans le fait que la grande majorité des occasions concédées par la Tunisie lors des trois premières rencontres venaient justement de ce côté gauche, où le joueur d’Al Ahly avait beaucoup de difficultés sur le plan défensif, laissant souvent énormément d’espace dans son dos. Un choix clairement défensif donc, dont le but était de verrouiller un couloir où évoluait Bertrand Traoré, élément le plus dangereux du Burkina Faso.

Des Aigles entreprenants mais fragiles en première mi-temps ...

Ces modifications n'ont cependant pas empêché les tunisiens de rester fidèles à ce qu’ils avaient pu montrer lors des rencontres précédentes en tentant de prendre le contrôle du ballon dès le coup d’envoi. A l’image de ses trois premiers matchs, Sliti s’est lui montré toujours aussi adroit techniquement, en cherchant à combiner avec une paire Msakni-Khazri qui est parvenue à déstabiliser le bloc burkinabé sur certaines séquences mais manquait cependant de justesse dans le dernier geste. Khenissi quant à lui a réalisé une entame intéressante en multipliant les appels et en libérant beaucoup d’espace. Celui-ci est même parvenu à se procurer quelques occasions de buts, mais a cruellement manqué de justesse à la finition ou n’était simplement pas servi dans les meilleures conditions. Comme prévu, le jeu tunisien penchait plus vers le côté droit lors de cette première mi-temps avec un Hamdi Nagguez qui n’hésitait pas à se projeter et qui est d’ailleurs à l’origine d’une des plus grosses occasions tunisiennes de cette première période, avec un centre dans la surface pour l’attaquant de l’Espérance à qui il manquait seulement quelques centimètres afin de pouvoir reprendre ce ballon de la tête. Sur le côté gauche en revanche, Abdennour s’est montré en grande difficulté à chaque accélération de Bertrand Traoré ou de Nakoulma, et s’est d’ailleurs retrouvé averti dès la 22e minute.

Déjà beaucoup critiqué après ses prestations lors de la phase de groupe, le joueur de Valence n’était vraisemblablement pas en mesure de disputer cette compétition tant il semblait encore souffrir sur le plan physique, trainant une blessure à un ligament interne selon ses propres dires. Insuffisant défensivement et à l’apport offensif proche du néant, l’ancien joueur de l’Etoile n’était cependant pas aidé par ses coéquipiers de la défense qui concèdent très vite une première grosse occasion de Préjuce Nakoulma. Celui-ci se retrouve face au portier tunisien après avoir profité d’un mauvais placement de Ben Youssef et une couverture insuffisante de Abdennour. Les joueurs de Paulo Duarte touchent ensuite la barre transversale après un bon travail du même Nakoulma sur le côté gauche, qui efface Abdennour sans grande difficulté et parvient à servir Bertrand Traoré qui tente lui de lober Balbouli sans succès. Après avoir concédé ces deux occasions, les Aigles tentent d’accélérer en fin de première mi-temps et se créent à leur tour deux grosses opportunités sur coup de pied arrêté. D’abord sur coup-franc, avec un Khazri qui sert Ben Amor dont la frappe splendide passe juste à côté du poteau droit de Kouakou. Ce frisson est ensuite suivi d’un corner où Abdennour dévie le ballon de la tête pour un Yaakoubi à qui il manque une pointure pour pouvoir pousser le cuir au fond des filets burkinabés.

... Avant une deuxième période aux signes alarmants

Au retour des vestiaires, les Aigles semblent revenir avec les mêmes intentions et tentent de prendre à défaut l’adversaire dès la reprise en parvenant à rentrer dans la surface des burkinabés avec une tête de Khenissi qui trouve directement les gants de Kouakou. Cette semi-occasion sera malheureusement la dernière pour des tunisiens qui ont arrêté de produire du jeu dès la 50e minute et se sont alors mis à subir. Le match a donc logiquement perdu en rythme avec une équipe tunisienne qui est retombée dans ses travers en cherchant à évoluer en contre-attaques mais dont les éléments offensifs étaient clairement en souffrance sur le plan physique. C’est alors que Kasperczak fait le choix d’incorporer Hamza Lahmar à la place de Wahbi Khazri qui semblait pourtant encore en mesure de faire des différences, au contraire d’un Msakni qui paraissait lui épuisé dès la 60e minute. Si le staff technique avait pour objectif de reprendre le contrôle du milieu de terrain en faisant entrer un joueur évoluant en position de relayeur et capable de distiller de très bons ballons pour ses attaquants, cela devait néanmoins s’accompagner d’un deuxième voire d’un troisième changement, avec l’incorporation d’un élément comme Saber Khalifa capable de redynamiser une attaque stérile à travers ses capacités d’accélération et d’élimination en un contre un. Malheureusement, il a fallu attendre que son équipe encaisse le deuxième but fatal avant que Kasperczak ne se décide à faire entrer les attaquants Khalifa et Akaichi. En refusant totalement le jeu en deuxième mi-temps, les tunisiens se sont donc mis à subir les assauts de burkinabés bien au-dessus sur le plan physique. S’ils ont encaissé un premier but sur coup-franc puis un deuxième sur une contre-attaque où il n’y avait étrangement aucun défenseur à la couverture, les tunisiens ont été bien inférieurs en seconde période. Et même si le match paraissait pouvoir basculer d’un côté comme de l’autre, le score est au final logique et l’heure est venue pour les Aigles de Carthage et leur staff de tirer les conclusions de cette élimination précoce.

Des choix techniques discutables

Commençons d’abord par les choix du sélectionneur qui furent beaucoup critiqués lors de cette compétition. S’il a décidé d’un changement de système et le passage d’un 3-5-2 à un 4-2-3-1 seulement lors de l’avant dernier match de préparation contre l’Ouganda, Kasperczak et son staff ont cependant composé une liste constituée pour évoluer dans un système à 3 axiaux. Ainsi, celle-ci comportait 5 défenseurs centraux et le seul Saber Khalifa comme alternative au trio Msakni-Sliti-Khazri qui s’est formé lors de cette compétition. Cela nous laisse donc penser que le sélectionneur franco-polonais était encore dans le flou concernant le dispositif qu’il allait mettre en place lors de la CAN à seulement quelques jours du premier match des Aigles au Gabon. En plus de témoigner d’un manque de clairvoyance certain de la part du staff, cette décision fut également préjudiciable pour une équipe tunisienne qui paraissait extrêmement émoussée physiquement lors de la deuxième période contre le Burkina Faso. Nous pouvons alors penser que l’incorporation dans cette liste d’éléments comme Idriss Mhirsi, Anis Ben Hatira ou encore Abdelkader Oueslati capables de faire souffler certains éléments offensifs et d’apporter de la variété dans le jeu des Aigles n’aurait pas été de trop.

Un secteur défensif à revoir

Au niveau de la défense, certains choix peuvent également être discutés dès lors que le nombre d’occasions concédées est beaucoup trop important avec 7 buts encaissés en seulement quatre rencontres. Cela peut tout d’abord trouver son explication dans le fait que les deux défenseurs centraux titulaires lors de cette compétition étaient tous les deux hors de forme. Tandis que Ben Youssef a disputé seulement 6 matchs de Ligue 1 cette saison et n’a plus rejoué après avoir été sanctionné par son club au début du mois de Décembre, Abdennour était quant à lui à cours de condition physique et à participé à son premier entrainement avec la sélection à seulement deux jours du premier match contre le Sénégal. Aligner ces deux éléments dès la première rencontre et pour l’intégralité de la compétition n’était donc pas le choix le plus judicieux, surtout que le groupe bénéficie d’éléments performants qui étaient aptes à disputer une telle compétition. On peut notamment citer Chamseddine Dhaouadi ou encore Yaakoubi qui était d’ailleurs dans le onze pour le match contre le Burkina Faso. Ces éléments auraient d’ailleurs permis à la sélection tunisienne de profiter d’un atout considérable au niveau de la relance dans la mesure où ceux-ci bénéficient d’une qualité technique qui leur permet d’assurer sur le jeu long et donc de casser les lignes adverses en allant directement chercher les éléments offensifs tunisiens. En effet, durant cette compétition, la Tunisie fut dans la majorité des cas contrainte de construire depuis l’arrière avec des milieux récupérateurs qui venaient chercher le ballon dans les pieds de Abdennour et Ben Youssef, ces-derniers étant en difficulté sur le plan de la relance.

Ce faisant, les milieux de terrain tunisiens pouvaient très vite se retrouver sous pression et en cas de perte de balle, c’est les deux défenseurs centraux qui se retrouvaient directement exposés. Même si Ben Amor et Sassi ne se sont quasiment jamais retrouvés dans ce genre de situation grâce à leurs qualités techniques (et physique pour Ben Amor), cela ne permettait pas de varier le jeu d’une Tunisie qui était devenue trop lisible et facile à mettre en difficulté par un pressing plus appliqué de la part des adversaires. Pour remédier à cela, il était nécessaire d’incorporer un troisième milieu relayeur tel que Hamza Lahmar, ou comme dit précédemment de titulariser un défenseur central avec davantage de qualités techniques capable de casser les lignes à travers sa qualité de passe.

Cet aspect est d’autant plus important dans une compétition comme la CAN dans la mesure où la majorité des sélections évoluent avec un bloc-équipe en grand manque de cohésion et manquant énormément de compacité. Cela nous donne donc des rencontres avec des sélections laissant énormément d’espaces entre les lignes, et il suffit d’avoir la qualité technique nécessaire pour en profiter. C’est justement ce qu’a réalisé le Sénégal lors de cette CAN avec deux défenseurs centraux très performants à la relance. Lorsqu’ils ne jouaient pas court sur leurs milieux récupérateurs, ceux-ci profitaient de leur qualité et du manque de compacité du bloc adverse pour aller chercher directement Sadio Mané et Keita Baldé qui, à leur tour, parvenaient à se mettre dans le bon sens du jeu grâce à leur qualité technique.

Sur ce schéma, l'incorporation d'un défenseur central plus à l'aise sur le plan technique comme Dhaouadi va permettre, sur certaines phases de jeu, d'aller chercher directement les milieux excentrés Khazri, Sliti, ou Msakni (ceux-ci permutant énormément) en profitant du manque de compacité du bloc adverse. Ces derniers pourront alors s'orienter dans le sens du jeu grâce à leur qualité technique. Même en cas de perte de balle de leur part, les milieux récupérateurs Ben Amor et Sassi seront alors à l’affût afin d'exercer un contre-pressing qui permettra de récupérer le ballon très haut et de déclencher une nouvelle offensive.

Voici maintenant comment la Tunisie a évolué dans la grande majorité des cas. Les centraux, dont la qualité technique n'est pas le point fort, choisissent logiquement de relancer court sur leurs milieux récupérateurs qui se retrouvent alors très vite sous pression.

Le staff technique des Aigles a donc privilégié la qualité athlétique en ce qui concerne la défense centrale, même si les éléments la composant étaient en manque de compétition ou à cours de forme.

Des motifs d'espoir

Désormais, l’heure est venue pour le sélectionneur et son staff de tirer les conclusions nécessaires et d’apporter les changements qui permettront de faire progresser un groupe extrêmement prometteur. Car si la Tunisie a beaucoup souffert sur le plan défensif lors de cette compétition, l’attaque a quant à elle montré des séquences très intéressantes avec un trio de milieux offensifs qui s’est imposé au fil de cette CAN comme l’un des plus performants. Sans prendre en compte la deuxième mi-temps catastrophique contre le Burkina Faso, les trois feu-follets que sont Msakni, Sliti et Khazri ont montré un visage très intéressant en permettant notamment aux Aigles de finir meilleure attaque du premier tour. Ceux-ci devront cependant confirmer dans les mois à venir en donnant un nouveau tournant à leur carrière pour la plupart d’entre eux. En effet, si Sliti commence tout juste à s’imposer avec le LOSC, Msakni devra lui trouver un point de chute hors du Qatar où il évolue depuis maintenant beaucoup trop longtemps, ce qui influe fortement sur ses capacités physiques. Khazri quant à lui aura pour but de quitter un club de Sunderland qui a de grandes chances d’être relégué en Championship et où il ne bénéficie que très peu de temps de jeu. Dans ce secteur, les carences sont donc moins importantes que celles présentes dans le secteur défensif, avec une équipe tunisienne qui a d’ailleurs fini première de la phase de groupe en terme d’expected goals (3,93xg par match). Cela en dit long sur la capacité de l’attaque tunisienne à mettre en difficulté n’importe quelle défense du continent.

Si le dispositif tactique semble donc aujourd’hui enfin trouvé et ne nécessite que quelques retouches (néanmoins conséquentes), la sélection tunisienne et son staff doivent impérativement construire sur cette CAN 2017 qui fut malgré tout prometteuse. Les prochaines échéances des Aigles auront lieu les 28 Août et 2 Septembre 2017 avec une double confrontation plus que décisive pour la qualification au Mondial 2018 contre la RD Congo. Il n’y a donc pas le droit à l’erreur et une élimination sera fortement préjudiciable pour une génération qui dispose assurément des capacités nécessaires pour disputer une nouvelle Coupe du Monde. Pour cela, notre équipe nationale aura plus que jamais besoin de joueurs au top de leur forme et bénéficiant de temps de jeu régulier avec leurs clubs respectifs.

Karim Ghariani