News - 30.01.2017

La version intégrale du Rapport Teissier - Glavany sur le Maghreb et ce qui concerne particulièrement la Tunisie

La version intégrale du Rapport Teissier - Glavany et ce qui concerne particulièrement la Tunisie

Le rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb, présenté le 18 janvier courant devant la Commission des Affaires étrangères, présidée par Elizabeth Guigou a été adopté à l’unanimité. Elaboré sous la présidence de Guy Tessier, avec Jean Glavany comme rapporteur, il a été adopté à l’unanimité. C’est ce lundi 30 janvier qu’il a été rendu public. La mission, constituée le 27 avril 2016, est composée en outre de : Mme Nicole Ameline, M. François Asensi, Mme Valérie Fourneyron, M. François Rochebloine et M. Michel Vauzelle.

« Ce rapport, y lit-on, vise donc d’abord à comprendre les mutations intervenues depuis 2011 dans cette région, les défis auxquelles elle doit faire face, au plan sécuritaire, politique et économique. Enfin, il vise à analyser sans indulgence la manière dont la France, avec l’Union européenne, a répondu au défi de l’irruption de cette nouvelle donne. » 

Il est structuré en deux parties :

  • Le Maghreb : une des régions les moins intégrées au monde malgré des proximités évidentes entre les pays qui la composent 
  • Le partenariat euromaghrébin face aux mutations de la région

En conclusion, il « fait état des quelques lignes d’actions qui pourraient être empruntées par la France pour conserver les relations d’exception qu’elle entretient avec le Maghreb. Au premier rang des préconisations de la mission figure ici le nécessaire réinvestissement intellectuel d’une région que notre pays ne peut plus se targuer de connaître aussi bien que par le passé. L’apprentissage des langues, la création de laboratoires de recherches spécialisés sur le Maghreb et plus largement le monde arabophone et musulman, la mise en place de think tank et la valorisation des bi-nationaux comme traits d’union entre nos deux rives, sont autant d’efforts que nos autorités doivent consentir pour garantir la solidité de nos liens dans le futur. »

Certains passages concernant particulièrement la Tunisie mérite une lecture attentive.

Le compte-rendu de la séance de présentation devant la Commission

Le texte intégral du Rapport

Extraits

Une même vulnérabilité au risque terroriste 

(...) La Tunisie a été le pays le plus touché par les attaques terroristes ces dernières années. Malgré des défections au profit du courant pro-Daech, la katiba OIN reste le principal groupe terroriste actif en Tunisie. Présente dans les régions montagneuses du Nord-Ouest du pays, dans les gouvernorats de Kasserine, du Kef et de Jendouba, elle bénéficie d’un soutien logistique d’AQMI. En dépit des opérations de ratissage menées par les forces de sécurité, elle dispose encore d’une quarantaine de combattants. La katiba OIN mène principalement des attaques contre les forces tunisiennes, en représailles aux opérations qui la visent, et exerce une pression constante sur la population par des actes de pillage et des assassinats. 

Ayant prêté allégeance à Daech fin 2014, le Jund al-Khilafa Tunisie (JAK-T) est constitué de dissidents de la katiba OIN rejoints par un nombre croissant de candidats tunisiens au djihad. Ce groupe serait implanté dans le gouvernorat de Kasserine, compterait également des cellules dormantes dans plusieurs villes du pays, et bénéficierait de la profondeur stratégique offerte par le territoire libyen, notamment dans la région de Sabratah. Les autorités tunisiennes craignent à raison un renforcement du courant pro-Daech avec le retour des combattants tunisiens de Libye et du Levant (effectif estimé entre 3 000 et 5 000 hommes). 
La construction d’un système de protection le long de la frontière tuniso-libyenne ne permet toujours pas de garantir l’intégrité de cette (1) Le groupe Jund al-Khilafa avait été le premier à prêter son allégeance à Daech à travers la mise à mort d’Hervé Gourdel, en septembre 2014. — 18 — dernière contre les incursions de groupes armés terroristes. L’attaque du 7 mars 2016 de la ville de Ben Gerdane, menée depuis le territoire libyen, a démontré la nécessité pour la Tunisie d’intégrer pleinement les mutations de la situation sécuritaire libyenne dans la réorganisation de son dispositif de surveillance. Le recul de Daech en Libye fait craindre de nouvelles incursions à la frontière tunisienne.

Des modèles nationaux distincts

Il y a aujourd’hui trois modèles. La Tunisie a fait le choix d’une alliance à 360° entre les deux principaux mouvements politiques, incluant le parti islamiste Enahdda. Le Maroc de Mohamed VI semble lui aussi engagé dans la recherche d’un compromis historique avec les islamistes. L’Algérie, où les années 1990 ont tant marqué le pays qu’il a amené les parties à trouver un modus vivendi opérationnel. 
En Tunisie se joue la capacité d’un parti islamiste, Enahda, à jouer pacifiquement le jeu de la démocratie pluraliste. Le parti Enahdda est aujourd’hui incontestablement la première force politique du pays (depuis 2016, c’est le premier groupe au Parlement, et par conséquent un allié incontournable dans la mise en œuvre des réformes nécessaires au pays. C’est aussi la force politique la plus structurée, alors que l’alliance Nida Tounes s’effrite. C’est enfin la mieux implantée localement, notamment dans les régions défavorisées. 
Le modèle qui a été choisi au moment où la Tunisie menaçait de basculer dans la guerre civile, fut celui d’une alliance entre les deux principaux mouvements politiques. Il faut reconnaître une certaine habileté tactique au dirigeant du parti, Rached Ghannouchi. Celui-ci a tenu dès février 2011 un discours de modération, en faveur de la démocratie. S’y ajoute l’aggiornamento doctrinal du mouvement, dont les effets ne peuvent être encore prédits, mais qui est attribuable à plusieurs facteurs : l’échec politique des Frères musulmans en Egypte et les vives critiques opposées à sa pratique gouvernementale en 2012-2013, accusée à raison d’entraîner la Tunisie dans une polarisation extrême portant le risque d’un regain de violences. Ainsi, lors du dernier congrès du parti, en mai 2016, il a été acté non pas une sortie de l’islam politique, mais plutôt une « spécialisation » du parti sur l’action politique (les activités de prédication étant dévolues à une organisation extérieure au parti). De plus, Enahdda s’est clairement prononcé en faveur de la lutte du gouvernement contre Daech et toute forme de terrorisme. 
Evidemment, l’abandon d’une logique « d’islam contestataire » pour entrer de plain pied dans la démocratie pluraliste ne fait pas l’unanimité au sein du parti Enahdha. La participation du parti à l’exercice du pouvoir tend à modifier son image et sa ligne, ce qui peut porter en germe une dislocation du mouvement et une désolidarisation de la part de la plus intransigeante de sa base. 
L’hégémonie d’Ennahda sur le champ politico-religieux marque par ailleurs la fin de l’islam traditionnel insufflé par l’université Zitouna et apparaît paradoxalement comme une conséquence de la modernité bourguibienne. Ainsi, une politique visant à exclure la religion du champ politique – comme celle menée dès 1956 par Habib Bourguiba – aboutit in fine à concéder un monopole à un parti religieux sur un pan entier de l’espace politique tunisien et par là même à exclure tout retour à un islam traditionnel, certes plus empreint d’archaïsme mais moins invasif sur le corps social notamment en ce qui concerne les droits des femmes dans la cité.

Des trajectoires nationales bien distinctes

(... ) Depuis 2011 et l’onde de choc des « révolutions arabes », chaque pays tente de trouver sa voie en répondant aux attentes de la population tout en maintenant une certaine stabilité. En Algérie prédomine l’incertitude, à la fois sur la succession du président et le devenir économique du pays. En Libye plane la menace d’une replongée dans la guerre civile. La Tunisie, symbole du printemps arabe, voit sa transition démocratique fragilisée par un contexte économique et social très dégradé. Au Maroc, si le choix de la réforme semble avoir porté ses fruits, la situation économique et sociale pourrait être source d’instabilité. Enfin, en Mauritanie, l’apparente stabilité au plan sécuritaire recouvre des difficultés économiques majeures et une forte polarisation de la société. 
 
Tunisie
La Tunisie a achevé le premier temps de sa transition, mais sa démocratie reste fragile 
Le gouvernement dirigé par Habib Essid, proche du président mais privé de soutiens parfois au sein de sa propre coalition, a fini par être remplacé à l’été 2016. Un nouveau gouvernement dirigé par Youssef Chahed a été désigné, au sein duquel l’UGTT et la gauche ont fait leur entrée, et où Ennahda a obtenu des postes importants bien que non régaliens (avec l’économie, le commerce et le numérique, ils seront en charge des secteurs qui représentent près de 60% du PIB tunisien). Le parti Ennahda, devenu la première force politique au Parlement et dans le pays, demeure le principal soutien du gouvernement et participe à la coalition gouvernementale, même s’il persiste dans sa stratégie de visibilité limitée.
Ces réajustements partisans ne peuvent pallier l’effritement de Nida Tounes et son effacement au profit d’Ennahda. Cette coalition de circonstance, a été fragilisée par la scission des partisans de Mohsen Marzouk, ce qui n’est pas sans risque pour la stabilité gouvernementale. Le président, très pris par un agenda diplomatique chargé, ne s’est pas véritablement impliqué dans la mise en œuvre des réformes, si ce n’est pour faire adopter une « réconciliation économique » controversée en faveur des hommes d’affaires et hauts fonctionnaires impliqués dans le régime de Ben Ali. Surtout, Hafedh Caid Essebsi, le fils du président, et Ridha Belhaj, ancien directeur de cabinet, constituent les personnalités mises en avant dans la nouvelle « majorité présidentielle », alors que leur légitimité est contestée au sein de la majorité. 
Les revendications de dignité et de justice n’ont pas trouvé de satisfaction et beaucoup de Tunisiens ont vu leurs conditions de vie se dégrader depuis 2011. 
La stagnation économique alimente un chômage de masse, qui touche en particulier les jeunes. S’y ajoutent d’importantes inégalités territoriales. En Tunisie, par exemple, le bassin minier de Gafsa, à la frontière algérienne, connaissait des taux de chômage compris entre 30 et 40 %, contre 14 % en moyenne nationale, lorsqu’une révolte s’y est déroulée, pendant six mois, au cours de l’année 2008. En décembre 2010, c’est à Sidi Bouzid, territoire défavorisé au centre de la Tunisie, que se produit l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, à l’origine de la vague de contestation qui gagne l’ensemble de la zone. Pour l’heure, l’effort de gestion démocratique des forces sécuritaires, constaté en janvier 2016, mais surtout la réinstauration de l’état d’urgence fin 2015, ont permis de contenir les manifestations du mécontentement populaire.
Le risque est grand de nouvelles éruptions sociales dans un contexte de « désocialisation » croissante de la colère populaire. Le FTDES, rencontré en Tunisie par la mission, se montre très pessimiste sur le contexte social. En janvier 2016, le plus grand mouvement social depuis la révolution, parti de Kasserine, a essaimé dans toutes les régions intérieures, s’est accompagné de violences contre les symboles de l’État, notamment la police, qui a répondu avec retenue.
Après la pause qui avait suivi les promesses gouvernementales faites en janvier 2016, les mouvements sociaux ont repris au printemps, avec non moins de 987 mouvements collectifs différents dénombrés en avril, puis à nouveau en septembre. Les régions les plus marginales sont les plus touchées, car à la fracture sociale s’ajoute la fracture territoriale : la région centrale de Gabes au Kef en passant par Gafsa et Kasserine. Depuis décembre 2015, les chômeurs de Sidi Bouzid manifestent devant le ministère du travail; de même qu’à l’usine Petrofac de Kerkennah depuis janvier 2016. Les scandales de corruption dans le domaine de la santé ont aussi nourri le mécontentement populaire. 
Les autorités tunisiennes peinent à apporter une réponse rapide et efficace aux besoins de la population
L’arrivée au pouvoir de Béji Caid Essebsi, appuyé par une très large majorité au Parlement incluant Ennahda, avait suscité l’espoir d’une dynamique réformatrice doublée d’un redressement économique. Mais les autorités affichent un bilan mitigé.
Ce qui est analysé selon certains comme une forme d’inertie des structures d’État et du gouvernement concourent à alimenter la colère populaire. Les réponses tardent : le Dialogue National sur l’Emploi présenté fin mars, s’est révélé à maints égards décevant et le gouvernement a des difficultés à gérer les conflits sociaux, quand il ne refuse pas le dialogue. Le plan quinquennal censé présenter au public et partenaires internationaux les grandes orientations stratégiques du pays n’a été publié qu’en septembre 2016. 
Aux attentes de la population s’ajoutent les réformes économiques attendues par les bailleurs internationaux (code des investissements, réforme fiscale, assainissement budgétaire) qui tardent à être mises en œuvre et le sont sans ordonnancement stratégique. Le nouveau gouvernement a repris à son compte, en tant que cadre cohérent d’intervention, le plan de développement 2016-2020 élaboré par l’équipe sortante. Le plan, qui propose une inflexion du modèle économique privilégiant la reprise de l’investissement a été promu auprès des investisseurs et des bailleurs lors d’une conférence internationale qui s’est tenue fin novembre à Tunis.
Il faudrait accélérer les réformes. Le programme pluriannuel (2016- 2020) négocié avec le FMI et approuvé en mai 2016, qui prévoit de mobiliser près de 3 milliards de dollars de concours sur l’ensemble de la période est, avec le plan 2016-2020, un outil de définition et de priorisation des réformes à adopter en vue d’une mise en œuvre effective et efficace. Ce programme est un catalyseur pour affermir l’action des bailleurs multilatéraux et bilatéraux qui, en dépit de décaissements lents, notamment pour ce qui concerne l’aide-projet, restent très mobilisés pour accompagner la Tunisie dans sa transition économique. Le décaissement de la seconde tranche du programme FMI, prévu initialement pour le début de l’automne, a cependant été reporté du fait du dérapage des finances publiques et de l’absence de mesures prises par le gouvernement tunisien pour contenir la masse salariale de la fonction publique. Quelques concessions faites par le gouvernement dans ces deux domaines lors d’une mission du FMI qui s’est tenue à la fin du mois de septembre ouvrent néanmoins la possibilité d’un décaissement de la seconde tranche du programme avant la fin de l’année.
L’amélioration de l’environnement des affaires est un impératif pour restaurer la compétitivité et l’attractivité de l’économie tunisienne. L’adoption d’une loi sur les investissements visant à moderniser et à rationaliser le cadre juridique est un signe encourageant. Il importe que les réformes envisagées qui seront adoptées soient effectivement appliquées et s’appuient sur une concertation avec les partenaires sociaux et plus largement la société civile. La reprise de l’investissement public qui s’accompagne d’une demande adressée aux membres du G7 d’un effort financier exceptionnel suppose une rapide et profonde évolution de la gouvernance économique qui peut être soutenue par des programmes de mise à disposition d’experts, notamment au sein des administrations les plus vulnérables. C’est le sens de la priorité du nouveau programme du FMI fortement axé sur la réforme de l’administration. Le mécanisme de coordination dans le domaine économique mis en place conjointement entre le gouvernement tunisien et les pays du G7 peut aussi être un facteur d’accélération des réformes. 
Au plan sécuritaire : des menaces de déstabilisations majeures, et un équilibre fragile entre sécurité et transition démocratique
Les risques de déstabilisation de la Tunisie sont élevés, que ce soit par le terrorisme, qui a frappé par trois fois en 2015 et à nouveau en 2016, par les effets de crise libyenne, ou par le retour des combattants tunisiens de Syrie et d’Irak. Les trois attentats qui ont marqué l’année 2015 en Tunisie et l’attaque de Ben Gerdane en mars 2016 montrent que la situation est encore fragile. Il existe encore des maquis dans le Centre-ouest du pays. La katiba algéro-tunisienne d’AQMI « Okba Ibn Nafaa », tout comme le groupe Jund alKhilafah, composé de membres dissidents attirés par le message de l’Etat islamique, voient leur action cantonnée dans les zones montagneuses de la frontière avec l’Algérie et leur potentiel provisoirement réduit du fait de l’action des forces armées et de sécurité, qui prennent plus souvent l’initiative grâce à un meilleur rendement du renseignement et à une amélioration des capacités d’action.
Mais la menace prend davantage le visage d’un terrorisme urbain, interagissant avec le djihadisme international et de plus en plus aligné sur la stratégie de l’Etat islamique. La présence de cellules dormantes, réparties principalement autour des centres urbains, constitue la menace la plus structurée et la plus sérieuse. La tentative de prise de la ville de Ben Gerdane par un groupe affilié à Daech semblait avoir été préparée de longue date. Si elle a pu être repoussée par les forces de l’ordre tunisiennes, aidées par une partie de la population, c’est peut-être parce que son lancement aurait été précipité par le bombardement par l’aviation américaine, le 19 février, d’un camp de Daech à Sabratha, à 100 km de la frontière libyenne. Selon un interlocuteur de la mission, il est « évident que les terroristes veulent voir le modèle tunisien tomber, il faut donc s’attendre à ce que les menaces s’accroissent ».
S’y ajoutent les répercussions de la crise libyenne, qui inquiètent à raison les autorités tunisiennes. Celles-ci ont entrepris de creuser une tranchée de 450 km le long de la frontière. De plus, ils ont fait appel aux américains et aux allemands pour l’achat d’équipements de surveillance.
Enfin, la présence de quelque1500 djihadistes tunisiens en Libye et la perspective du retour de milliers d’autres en Syrie ou en Irak est un sujet de préoccupation majeur. S’y ajoute la résilience de maquis d’AQMI dans les montagnes proches de l’Algérie, et la persistance de cellules de soutien en zone urbaine et péri-urbaine démantelée régulièrement. Certes, la violence reste de basse intensité et les services de sécurité s’efforcent d’en maîtriser les manifestations. Mais ce sont non moins de 90 membres de forces armées et de sécurité qui ont été tués depuis décembre 2012.
Les forces de sécurité, malgré un effort conséquent de mise à niveau, n’ont pas toujours les capacités ou l’organisation adaptée pour répondre aux menaces terroristes et contrôler leur frontière avec la Libye. Les autorités tunisiennes recherchent donc de nombreux soutiens, à commencer par celui de l’Algérie, avec laquelle une coordination satisfaisante est en place pour le contrôle de leur frontière mutuelle. La Tunisie place également beaucoup d’espoir dans un partenariat revitalisé avec les Etats-Unis, à la faveur de sa désignation comme allié majeur hors OTAN, et avec les pays européens et l’Union européenne. Tous sont réunis au sein du groupe G7+3 créé à l’été 2015 afin de mieux coordonner l’assistance sécuritaire des pays occidentaux et qui a effectivement permis de faire progresser la coopération, tant au plan quantitatif que qualitatif, en matière de protection des sites touristiques et sensibles, de lutte contre le terrorisme, de protection des frontières et de sécurité des aéroports.
Les problèmes de sécurité fragilisent de plus la transition démocratique tunisienne. Tout d’abord en faisant regretter à certain « l’ordre » qui régnait sous Ben Ali. En effet délinquance et la criminalité ordinaires, dont le niveau était relativement faible jusqu’à la révolution, ont considérablement augmenté du fait de l’incapacité des forces de l’ordre, durablement démotivées et mal considérées, mais aussi de la libération ou de l’évasion de milliers de criminels de droit commun en janvier et février 2011, à quoi s’ajoutent peut-être les effets d’un climat général plus permissif depuis la chute de Ben Ali. En revanche, jusqu’au dernier assassinat commis au mois de juillet, les violences politiques dont s’était accompagnée la polarisation de la vie politique tendaient finalement à décroître par rapport au niveau atteint à la fin de l’année 2012 et au début de l’année 2013. Mais certains groupes qui se sont notamment signalés par des agressions contre des partis de l’opposition, des syndicalistes de l’UGTT et des journalistes, ont été créés dans la foulée de la révolution en 2011, existent toujours.
Par ailleurs, le Parlement a adopté en juillet 2015 une loi de lutte contre le terrorisme qui prévoit la levée du moratoire sur la peine de mort observé depuis 1991. 200 individus ont été déférés à la justice sous des chefs d’inculpation relevant de cette loi. L’état d’urgence, rétabli par le président en novembre 2015, a été prolongé jusqu’à aujourd’hui. Il ne faudrait pas que la lutte contre le terrorisme ne se traduise pas un retour des pratiques abolies par la révolution de 2011.