News - 27.01.2017

Agrumes: pourquoi les agriculteurs du Cap bon ne s'orienteraient-ils pas vers d’autres produits plus rémunérateurs

Les oranges en Tunisie et  dans le monde

La production mondiale d’agrumes en cours,s’élève à 110 millions de tonnes, sur 7,5 millions d’ha, soit plus du  double que les quantités annuelles récoltées à la fin des années 1980.

Le rendement mondial moyen s’élève à 6 tonnes par hectare. Pour les pays aux cultures intensives, les moyennes nationales varient entre 11 et 15 tonnes à l’ha, avec des pointes de 25 t/ha.

Le Brésil est en tête des pays producteurs avec  près du quart de la production mondiale d’agrumes dont 75% sont transformés en jus. La Chine et les USA sont aussi des producteurs de taille, avec respectivement 17 et 11 millions de tonnes.

Les pays méditerranéens produisent près de 20 millions de tonnes, destinées essentiellement à la consommation locale en frais. Les principaux producteurs sont: l’Espagne et l’Italie, ainsi que: la Turquie, la Grèce, l’Egypte, et les pays de l’Afrique du nord.

Baisse de la récolte brésilienne

La dernière récolte brésilienne, du 2ème semestre 2016, a enregistré une baisse de l’ordre de 20%. Ceci s’est traduit par un quadruplement des prix à la production du fruit, qui sont passés à 4,39$ la caisse contre 1,14$ en 2015.

Ceci a eu une répercussion immédiate sur le volume et les prix du concentré d’orange, dont les destinataires sont les fabricants de jus, notamment ceux des pays de l’Europe occidentale, où la consommation par tête est des plus élevées.

Les oranges de Tunisie

La Tunisie dispose d’une large gamme d’oranges, dont la plus réputée et la plus demandée à l’étranger, est la variété: Maltaise de Tunisie.Au cours des 15 dernières campagnes, la production et l’exportation d’oranges fraiches ont évolué comme suit:

Campagnes Production Marché local % Marché Local/Prod Exportations % Export/Prod
1999/2000 225 500 198 510 88 26 990 12
2000/2001 240 000 216 523 90 23 477 10
2001/2002 240 000 217 944 91 22 056 9
2002/2003 224 000 206 768 92 17 232 8
2003/2004 209 000 190 423 91 18 577 9
2004/2005 243 000 223 795 92 19 205 8
2005/2006 262 000 242 689 93 19 311 7
2006/2007 247 000 230 679 93  16 321 7
2007/2008 300 000 272 555 91 27 445 9
2008/2009 297 000 273 583 92 23 417 8
2009/2010 308 500 282 273 91 26 227 9
2010/2011 352 000 328 702 93 23 298 7
2011/2012 360 000 341 905 95 18 095 5
2012/2013 330 000 309 470 94 20 530 6
2013/2014 355 000 333 647 94 21 353 6
2014/2015 440 000  415 600 94 24 400 6
2015/2016 380 000 359 400 95 20 600 5
2016/2017 560 000(*)  534 000 95 26 000(*) 5
Totaux 5 573 000 5 178 466 93 394 534  7

(*) Estimations
En l’absence de statistiques précises, nous avons considéré que la consommation globale est égale à la différence entre la production et les exportations pour chacune des campagnes considérées.
Evolution des principaux indicateurs quantitatifs au cours de la période:

Campagne Production Marché local/consommation Exportation
1999/2000 225 500 198 510 26 990
2016/2017 560 000 534 000 26 000
Variation + 170% + 170% -3,8%

L’analyse des tableaux ci-dessus fait ressortir que:

  1. La production et la consommation ont évolué au même rythme enregistrant une augmentation similaire de 170% ;
  2. Les exportations ont connu des fluctuations importantes, et s’établiraient à la fin de la campagne en cours, au même niveau que celui de la campagne 1999/2000;
  3. Entre le début et la fin de la période considérée, la part des exportations par rapport à la production annuelle est passée de 12% à 6%.

La première conclusion qui vient à l’esprit, est que les produits proposés à l’exportation, ne se sont probablement pas bien adaptés aux besoins des marchés extérieurs, soit au niveau de la gamme, soit au niveau des prix.

L’évolution récente de la production locale et des prix

Au cours des dernières campagnes, les apports d’orange ont connu une croissance notable et ce en raison de l’entrée en production de nouvelles plantations aussi bien au niveau des zones traditionnelles (le Cap Bon), qu’au niveau d’autres régions à savoir: Béjà, Jendouba et Sidi Bouzid.

Les nouveaux apports ont porté aussi bien sur des variétés traditionnelles, - dont le marché est saturé en Tunisie, et peu élastique au niveau des destinations étrangères traditionnelles (principalement la France)-, que de nouvelles variétés telles que la Clémentine.

La campagne en cours enregistrera un record de production estimé à près de 560 000 tonnes.

En raison de l’insuffisance de la demande extérieure, cette abondance de l’offre s’est répercutée négativement sur les prix.

Ainsi, la comparaison des prix actuels du marché de gros de Bir El Kassaaavec ceux de l’année 2016, fait ressortir  une baisse notabledes prix pour les catégories ci-après :

  • Thomson: - 30%
  • Maltaise: - 33%
  • Clémentine: - 45%

Les consommateurs diront que cette baisse a touché sensiblement les producteurs, mais n’a été répercutée que partiellement sur le prix de vente au public, ce qui est vrai.

A ce rythme, il est possible que certains producteurs désabusés,abandonnent la culture de l’oranger,  pour s’orienter vers d’autres cultures, avec les pertes que l’on peut imaginer.

Au niveau des exportations, il y a lieu de signaler queles variétés actuellement cultivées voyagent mal, du fait qu’elles doivent être consommées dans les jours qui suivent la récolte.

S’agissant d’un produit frais, et dans les conditions optimales, le délai entre la récolte et le consommateur final ne doivent pas dépasser cinq jours. Autrement, le goût et l’aspect extérieur sont altérés.

Ainsi, nos marchés les plus importants sont les plus proches géographiquement et en particulier,le Sud de la France.
Pour les destinations éloignées, seul le transport aérien est envisageable. Or, ce mode de transport est exclu en raison de son coût prohibitif par rapport à celui du produit à transporter.

De ce fait, et dans la situation actuelle des choses, les marchés extérieurs les plus recommandés sont ceux de la France et de la Libye, une fois la situation politique stabilisée dans ce pays.

Pour la sauvegarde de la filière

Au niveau de la distribution locale

En plus des actions déjà engagées par la profession et les pouvoirs publics en la matière, les entreprises desGrandes Surfaces qui disposent de réseaux étendus sur l’ensemble du territoire, peuvent apporter une contribution utile.

En effet, et en plus de la gamme d’agrumes disponible sur les rayons de fruits et légumes, les magasins concernés peuvent organiser, en concertation avec les structures professionnelles de la filière, des promotions, dégustations, communications, et autres actions promotionnelles spécifiques.

Au niveau de la transformation

L’appel récent à l’investissement dans la production de concentré de jus d’orange est à prendre avec précautions. En effet, l’implantation d’une nouvelle unité moderne et intégrée, nécessiterait un investissement qui dépasserait les 200 millions de dinars, et ce pour une activité saisonnière.
L’unité partira dès le départ avec un handicap de taille, à savoir:

  • Le prix d’achat de l’orange fraiche qui est nettement plus élevé que celui des principaux pays grands producteurs de concentré d’orange (cf. le cas du Brésil cité plus haut);
  • L’irrégularité de l’offre;
  • La courte saison de production, qui se répercutera sur les coûts.

Pour ces mêmes raisons, les unités qui ont vu le jour en Tunisie après l’indépendance ont toutes  périclité.

Il serait néanmoins possible d’intéresser, les entreprises locales intervenant dans le secteur du conditionnement des jus de fruits à partir de concentré importé. Un investissement complémentaire leur permettrait de se positionner sur ce créneau, pour produire du concentré à partir de la Maltaise de Tunisie, qui jouit d’une bonne image aussi bien sur le marché local que sur les marchés extérieurs.

La fabrication de concentré à partir d’autres variétés et fruits, pourrait alors être envisagée, en fonction de la régularité des apports et des contrats à conclure avec les producteurs.

Entretemps, les pouvoirs publics et les structures professionnelles, gagneraient à sensibiliser les agriculteurs à limiter l’extension des plantations d’orangers, et à utiliser l’eau si précieuse, à la culture d’autres produits plus rémunérateurs.

(1) La famille des agrumes comprend trois sous-familles: les oranges (63% du volume global), les mandarines, clémentines, et similaires (23%), le reste est constitué de citrons, limes, pamplemousse et pomelos.
(2) La Caisse contient 44,8 kg d’oranges.
(3) Source: Site du gifruits, page portant sur la comparaison entre les prix pratiqués en date du jeudi 19 janvier 2017 et ceux du jeudi 21 janvier 2016

Taoufik Ben Salah

Consultant en Commerce International