News - 09.01.2017

Le retour des «jihadistes» en Tunisie

Le retour  des «jihadistes» en Tunisie

Le retour des «jihadistes» en Tunisie a fait couler beaucoup d’encre, donné lieu à des débats houleux, provoqué des manifestations de rue et risque fort de constituer un facteur supplémentaire de division des tunisiens faute pour l’Etat de n’avoir pas arrêté avec les représentants de la société civile certains principes.
L’énonciation de ces principes faciliterait un accord entre les tenants à un retour au pays natal et ceux qui défendent le contraire.

Première question

Avons-nous une idée précise du nombre de ces « jihadites » et des faits qui leur sont reprochés ? Qui sont-ils (âge, sexe, nationalité initiale) ? A quels pays appartiennent-ils s’ils ont la double nationalité ? Qui les finance et les protège ? Qui les a encouragé moralement, matériellement et financièrement à quitter leur pays avec ou sans passeport et pourraient faciliter leur retour ?

Deuxième question

Quel risque, chacun d’eux, fait courir au pays?

Troisième question

Le pays est-il prêt pour les accueillir au cas où cette hypothèse serait retenue ? Dans quelles conditions matérielles s’effectuerait ce retour (par les voies diplomatiques, un retour par les voies usuelles avec ou sans passeport ou par la traversée illégale des frontières maritimes et terrestres ? Avons-nous identifié, au préalable, toutes les caches d’armes et toutes les cellules dormantes ? Seraient-ils libres de leurs mouvements, avec ou sans bracelets électronique, ou seraient-ils immédiatement incarcérés ? Dans ce cas sur quelle base juridique (traversée illégale de la frontière, passeport périmé, personne figurant sur une liste des personnes recherchées, personne objet d’une décision de justice locale ou étrangère, personne n’ayant pas pu justifier ce départ et le choix du pays d’accueil..) seraient-ils incarcérés? Seraient-ils jugés par la justice militaire ou civile ? La justice a-t-elle les moyens humains et matériels (y-a-t-il un programme précis ad-hoc) ? Est-elle en mesure de leur dispenser un jugement équitable ( juge et défense indépendants) ? Quid de la sentence ? Comprendra-t-elle la peine de mort et sera-t-elle exécutée ? Le pays est-il en mesure de construire rapidement des prisons de haute sécurité et avec quels moyens (coopération occidentale sollicitée ou non) et de garantir leur gestion notamment sécuritaire ou se limitera-t-il à les loger dans les prisons actuelles ? L’administration pénitentiaire est-elle en mesure de les prendre en charge ? Les visites seraient-elles autorisées ?

Quatrième question

Quelle sera l’attitude de leurs proches parents et de ceux qui partagent leurs idées?

Cinquième question

Avons-nous une bonne coopération avec les pays qui abritent encore ou ont abrité nos djihadistes ? La nomination d’un ambassadeur est-elle nécessaire ? Quelle est leur position, chaque Etat pris individuellement (Syrie, Turquie, Irak, Libye, Mali, Niger, Nigéria, Etats européens) ? Sont-ils pour leur refoulement immédiat s’ils sont détenus ou leur jugement et l’exécution des peines prononcées ? La partie tunisienne exigera-t- elle d’examiner les dossiers pour pouvoir accepter la sentence prononcée et sera-t-elle admise à participer aux instances en cours?

Sixième question

Quel est la cadre juridique de l’action de l’Etat tunisien (Constitution, loi sur les stupéfiants qui permettrait de libérer certains prisonniers, loi sur le terrorisme , actualisation du code pénal, réforme du système pénitentiaire, conventions internationales signées par la Tunisie)?

De la réponse qui sera faite à ces questions dépendra l’attitude à prendre.

En ce qui me concerne, j’estime que personne n’a le droit d’empêcher un tunisien de retourner dans son pays nonobstant les faits qui lui seraient reprochés. Juridiquement l’Etat tunisien n’a ni le droit, ni la force politique d’empêcher de satisfaire le demande d’un Etat étranger qui exige de refouler un national. Les terroristes surtout qui ont tué froidement des innocents et n’ont manifesté aucun signe de repentir sincère méritent la peine de mort par pendaison et c'est sur le juge que pèse cette décision, sans aucune interférence.

Le seul fait d’avoir quitté le territoire et d’avoir manifesté son allégeance à Daech ou à Ben laden et consorts justifie son incarcération immédiate et sa traduction en justice.

Le retour des terroristes devrait se faire en évitant tout contact avec la population carcérale et les cellules dormantes. L’aménagement des prisons actuelles en attendant la construction d’une prison à haute sécurité avec l’aide des USA et des pays européens et le choix éclectique des gardiens est nécessaire.

Les «jihadistes» comprennent certainement diverses catégories qui permettent aux services compétents de les classer en fonction de leur dangerosité et par conséquent on n’a pas le droit de mettre tout ce monde dans un même sac.

La Tunisie a pris le parti d’être un pays de droit, c’est pourquoi, elle se doit d’agir conformément au droit et d’assurer aux « jihadistes » un traitement humain et un jugement équitable ce qui fera accepter plus facilement les sentences par les familles, les proches et l’ensemble du pays et de la communauté internationale qui a l’œil sur nous.

Si nous reprochons à Daech ses atrocités, nous n’avons pas à le suivre dans cette voie.

Si le juge indépendant ne prononcera pas de sentences rigoureuses pour certains, l’Etat se doit d’essayer de récupérer ceux qui acceptent un repentir sincère ayant été emmené dans cette galère sans savoir ses tenants et ses aboutissants.
Les enquêtes qui se feront et l’accès aux dossiers détenus par les pays étrangers nous donneront une idée précise sur ceux qui ont favorisé le développement du terrorisme, soit en fermant les yeux, soit en agissant.

Puisse Dieu éclairer notre voie et nous aider à fermer, rapidement, ce dossier pénible car le pays a besoin de son unité combien nécessaire à la reprise d’une croissance en faveur de tous et tant attendue.

Mokhtar el khlifi
08/01/2016