News - 11.12.2016

C‘était Masmoudi... L'enfant terrible de Bourguiba!

C‘était Masmoudi...

"Mais, il était bon, Masmoudi!", s’exclame Mansour Moalla –guère complaisant– apprenant le décès à Tunis, le 7 novembre dernier à l’âge de 91 ans, de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Bourguiba. Et de compléter ses propos: «Du temps où on était étudiants à Paris, il était un destourien très actif, un bourguibiste très engagé. Mais après, surtout dans l’affaire de Jerba, il avait fait ses propres choix!»

Confirmation par le Dr Hamed Karoui: «Lorsque Bourguiba était en exil à l’île de Groix, Masmoudi était l’un des rares à maintenir avec lui des contacts étroits et réguliers. Il lui téléphonait très souvent, j’en ai été témoin, pour le tenir informé de l’évolution de la situation et lui rendait compte des missions dont il le chargeait. Ayant réussi à nouer contact et amitié avec d’éminentes personnalités françaises (Edgar Faure, Pierre Mendès France...), ainsi que de grands journalistes parisiens, il transmettait les messages, et portait la voix de Bourguiba. Avant de s’envoler pour Tunis afin d’annoncer le 31 juillet 1954 sa décision d’octroyer à la Tunisie l’autonomie, Mendès France avait fait venir auprès de lui Masmoudi à Genève, pour le mettre dans la confidence et lui demander d’assurer le soutien de Bourguiba à son initiative.»

«Il était connu pour son franc-parler et ses prises de position souvent avant-gardistes, lorsqu’on était à Paris. Notre amitié s’est renforcée quand il a été nommé en 1958 secrétaire d’Etat à l’Information. J’étais directeur de l’information et il me laissait une grande marge de manœuvre», témoigne Hamed Zeghal.

«Au ministère des Affaires étrangères, Mohamed Masmoudi avait ses collaborateurs préférés, n’hésitait pas à nous confier un ancien ambassadeur qui l’avait côtoyé sans être dans ses faveurs. Mais, ses pires adversaires lui reconnaissent le mérite d’avoir donné à la diplomatie tunisienne une réelle profondeur. En deux dimensions stratégiques au moins. La première, n’avait-il pas voté contre tout pronostic en faveur de l’admission de la Chine aux Nations unies, puis s’est rendu à Hanoi en pleine guerre américaine au Vietnam. C’était l’amorce de notre politique asiatique. La seconde dimension a consisté en l’établissement de relations sans cesse nourries avec les pays du Golfe, notamment les tout nouveaux émirats qui venaient d’accéder à l’indépendance. Pragmatique, doté d’une culture internationale très profonde et très concrète, il a profondément marqué la diplomatie tunisienne durant son passage».

Les nouvelles générations ne connaissent pas Mohamed Masmoudi ou, du moins, savent très peu sur lui. Depuis son limogeage par Bourguiba le 14 janvier 1974, Mohamed Masmoudi est resté loin des feux de la rampe. C’est à son décès que beaucoup de souvenirs sont remontés à la surface. Si aucun hommage officiel ne lui a été, jusque-là, rendu, le président Béji Caïd Essebsi n’a pas manqué de se rendre au domicile du défunt à La Manouba pour présenter ses condoléances à la famille.

De son côté, le président algérien Abdelaziz Bouteflika, ami de longue date, s’était empressé de dépêcher son frère, ainsi que nombre de ses proches, exprimer à Mme Masmoudi et ses enfants sa compassion.

La cérémonie du 40ème jour, prévue à Mahdia mi-décembre, tout comme celle que lui consacrera quelques jours plus tard à Tunis l’Association tunisienne des anciens ambassadeurs et consuls généraux conjointement avec les Anciens de Sadiki, seront sans doute des moments forts pour lever un coin de voile sur son parcours.

Mais qui était en fait Mohamed Masmoudi? Témoignage de Jean Daniel et Taher Sioud, parcours biographique et présentation de son livre Un Arabe dans la tempête.

Taoufik Habaieb

 

Photo: Collection Mohamed Ben Smail