News - 20.10.2016

Plaidoyer pour la jeunesse tunisienne… Jeunesse lève-toi !

Plaidoyer pour la jeunesse tunisienne… Jeunesse lèves-toi !
Près de six ans après la révolution en Tunisie rien n’a changé pour les jeunes tunisiens qui s’étaient soulevés du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011 et avaient par leur mobilisation, fait tomber un régime dictatorial. Aujourd’hui, la situation est pire, car cette jeunesse n’a jamais été aussi désintéressée et cynique vis à vis de la chose publique. Elle n’a plus confiance en cette classe politique qui ne la considère que comme un réservoir de voix lors des consultations électorales, et ne l’envisage pas comme l’avenir de la Tunisie. Pour les politiciens, la jeunesse tunisienne est plus une rhétorique de communication qu’un enjeu politique qui nécessite des solutions concrètes, pour engager l’avenir.
 
La jeunesse tunisienne qui est une force effective dans l’édification de la nation ne rêve pourtant que de partir à l’étranger, de préférence en Europe ou à défaut, dans les pays du Golfe. Il y plus de neuf mois, le président Béji Caïd Essebsi annonçait en grandes pompes la tenue d’un “Congrès National de la Jeunesse” pour l’été 2016. L’ancien chef de Gouvernement Ministre Habib Essid avait même confirmé la date du 12 Août pour la tenue de ce congrès qui aurait été précédé par le lancement du dialogue national sur la jeunesse. Quant au nouveau chef de Gouvernement, Youssef Chahed (41 ans), adoubé avec enthousiasme comme le plus jeune chef de gouvernement de l’histoire de la Tunisie, a certes fait allusion aux jeunes dans son discours d’investiture. Mais ses priorités se concentrent sur la crise économique profonde qui frappe le pays : climat social tendu, croissance très faible, dégringolade du dinar, surendettement public avec remboursement des dettes contractées en 2011 qui arrivent à échéance en 2017 et risque d’effondrement du système financier.
 
En Tunisie, 57 % de la population a moins de 35 ans 1. Près de la moitié d’entre eux ont entre 15 et 29 ans. 32% des 20-29 ans sont au chômage, contre une moyenne nationale globale de 15,2% en 2015.
Que ces compétences et cette énergie soient confinées et reléguées au rôle de simples spectateurs au niveau politique, économique et/ou social est un véritable gâchis. Ainsi, cette population qui représente l’avenir de Tunisie est désemparée et en pleine crise de confiance envers l’avenir, la politique et l’engagement citoyen. Pour une génération éduquée dans l’expansion des réseaux sociaux et les communications virtuelles, seuls 5% de ces jeunes s’engagent dans la société civile. Il est vrai que cela représente une très légère amélioration depuis 2009 (4,2%)2 , mais c’est encore nettement insuffisant pour une jeunesse pourvue de tous les moyens de liberté et d’expression depuis l’année 2011. L’engagement citoyen, politique et entrepreneurial fait cruellement défaut au sein de cette catégorie de la population tunisienne pourtant ambitieuse et très compétente, dotée, de surcroît, d’une intelligence et d’une capacité d’adaptation impressionnante.
 
Cela est dû avant tout à l’absence de rajeunissement des classes dirigeantes et le manque de volonté politique. Celles-ci ne sont pas à l’écoute des vraies problématiques et des enjeux auxquels font face ces jeunes et se trouvent par conséquent déconnectées des aspirations de la jeunesse tunisienne. Pourtant l’implication des jeunes dans l’identification, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques, des programmes et des actions ne peut que favoriser la construction du présent et d’un avenir tenant compte des besoins et des ambitions de chacun. De plus, la jeunesse tunisienne représente un vivier en ressources humaines qu’il faut à la fois intéresser et valoriser afin qu’elle soit le moteur de la construction de l'Etat tunisien moderne.
 
Aujourd’hui et plus que jamais, nous, jeunes tunisiens, sommes appelés à nous rassembler, à nous unir et à travailler ensemble pour l’avenir de notre pays, notre avenir. Peu importe nos idéologies, nos appartenances politiques ou nos divergences, nous devrions organiser des communautés locales afin de plancher sur les différents enjeux et défis que nous rencontrons. Au sein de ces regroupements locaux les membres seront en mesure de discuter des problèmes propres à leurs régions et de participer activement à la proposition ainsi qu’à la mise en place des solutions nécessaires à travers l’entrepreneuriat social et l’innovation technologique. Les efforts louables du gouvernement Chahed pour l’accélération de la mise en place d’un cadre juridique adéquat pour l’économie sociale et solidaire doivent réconforter les jeunes dans leur volonté de se regrouper et de proposer des solutions qui entrent dans ce registre. Toutefois, ces efforts ne doivent pas être uniquement ponctuels et il est primordial pour l’État de désigner un interlocuteur afin de travailler étroitement avec les communautés locales sur le long terme. 
 
Bien que le coup d’envoi du dialogue sur les préoccupations des jeunes ait été donné le 30 septembre par la nouvelle ministre de la Jeunesse et desSports, sans présenter un calendrier précis. Plus grave encore, les rivalités entre les partis politiques dominants affectent la tenue de ces réunions et hypothèquent les résultats escomptés. Raison de plus pour les jeunes d’ignorer les partis et de s’unir pour travailler ensemble. Une fois que la communauté locale sera créée, elle aura pour mission d’organiser des rencontres pour engager des réflexions sur les différentes problématiques soumises par ses membres.
Durant ces rencontres, des workshops et des brainstormings ayant pour objectif de faire émerger les problématiques locales prioritaires seront animés. Après avoir recensé toutes les problématiques lors de ces exercices, les membres choisiront celles ayant le plus grand impact social dans la région et proposeront des solutions et un plan d'action à adopter. La finalité principale de ces sessions est d’aboutir à l’adoption de solutions concrètes aux problématiques choisies et de s’assurer de leur mise en place.
 
Nous sommes aujourd’hui dans un contexte historique qui nous incite, nous les jeunes, à sortir du statut de consommateur passif auquel les différents décideurs politiques nous ont associés et de participer activement à l’élaboration de l’État de demain. Il en va non seulement de notre avenir mais aussi et surtout de notre présent qui se trouve chaque jour hypothéqué de plus en plus.
Chère jeunesse lève-toi ! Comme le chante Damien Saez : “Puisqu'ici il n'y a qu'au combat qu'on est libre, de ton triste coma, je t'en prie libère-toi”.
 
Khalyl Bouzayène

1- http://www.ins.tn/
2- UNDP Strategy on Civil Society and Civic Engagement. 2015