News - 31.07.2016

De la démocratie en …Tunisie

De la démocratie en …Tunisie
Par Slaheddine Dchicha -  Le 2 juin, Béji Caïd Essebsi (BCE) lance son initiative pour un gouvernement d’union nationale; le 13 juillet, trois organisations nationales et neuf partis signent « l’accord de Carthage » et ce 30 juillet, lors d’une assemblée plénière, les Représentants du Peuple retirent sa confiance à Habib Essid et à son gouvernement. 
 
A ces trois dates s’ajouteront, dans un délai constitutionnel de 40 jours, deux autres : celle où sera choisi et nommé un nouveau Premier Ministre et celle où sera formé un nouveau gouvernement. 
 
Cinq actes comme dans une tragi-comédie classique car en effet, les évènements que vit la Tunisie relèvent des deux genres à la fois. Le côté tragique réside dans la situation de M. Essid qui incarne l’homme fragile aux prises avec des puissances qui le dominent, l’humilient et en font un bouc-émissaire à sacrifier. 
 
Comme dans la tragédie classique, pour rompre la routine et mettre fin à leur ennui, les Dieux, drapés dans leur supériorité et leur béatitude olympiennes, en l’occurrence la Présidence et les Partis de la coalition, décident arbitrairement du sort d’un simple mortel ou d’un groupe humain, dans le cas d’espèce M. Habib Essid et son gouvernement. Et comme dans la tragédie, malgré les avertissements et malgré la préséance, le héros tragique se dirige aveuglément et inexorablement vers l’accomplissement de son destin aussi funeste soit-il. 
 
Bien qu’au fait que son destin était scellé depuis la signature de « l’accord de Carthage » et malgré la connaissance de l’attitude des quatre partis de la coalition, l’ancien Chef du Gouvernement, afin de garder un minimum de dignité, n’a pas eu d’autre choix que de se présenter devant l’ARP qui, tel le chœur antique, n’a fait que confirmer le verdict déjà décidé, devenue ainsi une simple chambre d’enregistrement. 
 
Cet aspect tragique se trouve accentué par la solitude de la victime expiatoire face à une meute dont le cynisme le dispute à l’ambition dévorante. Quant à la comédie, elle s’observe dans des attitudes, des procédures et des paroles qui vident la démocratie de tout sens et la réduisent à une forme voire à une caricature. Pressions de toutes sortes sur l’ancien Premier Ministre pour obtenir sa démission, dénigrement de sa personne et de son action, annonce tonitruante des intentions hostiles au gouvernement par les responsables des quatre partis de la coalition et lors de l’assemblée plénière, applaudissements, éloges et flagorneries en complète contradiction avec les annonces, les paroles et les actes… 
 
Etrange spectacle que celui qui a été offert par les Représentants de la Nation : un spectacle qui relève du psychodrame et du jeu de rôle : alors que les jeux sont faits, que les dés sont jetés et que les décisions sont prises de façon parallèle et opaque, on fait semblant, on fait comme si, croyant ainsi qu’en sauvant ainsi les apparences, on sauverait le débat démocratique ! 
 
Et l’on oublie ainsi ce que l’on nous dit à satiété et ce nous répétons volontiers et avec fierté « la jeune démocratie tunisienne constitue une exception …, c’est un laboratoire pour le monde arabe », or, cette jeune démocratie, pour se renforcer et pour ne pas décevoir et remplir son rôle de laboratoire, elle est tenue à un devoir d’exemplarité et se doit d’éviter la caricature pour ne pas dire l’imposture !
 
Slaheddine Dchicha