News - 20.05.2016

Ghannouchi à Leaders el Arabiya : la question de l'identité résolue, place à la réconciliation nationale (Version intégrale) - Vidéo

Ghannouchi à Leaders el Arabiya : la question de l'identité résolue, place à la réconciliation nationale

C’est après cinq décennies d’activité au sein de l’université de Damas, et de multiples rencontres dans le cadre de réunions tenues à Damas sous la houlette de l’Association des étudiants du Maghreb Arabe à Damas d’abord, à Paris et à Tunis ensuite qu’il  m’est donné aujourd’hui de rencontrer le Professeur Rached Ghannouchi, cette éminente personnalité tunisienne et arabe que les épreuves du temps qui passe ont marqué, sans entamer son ardeur et sa résolution, ni lui porter le moindre ombrage.

Confiant comme à son habitude et sûr de lui, il nous a entretenus deux heures durant des multiples répliques du «séisme» de la révolution : les faux pas, les épreuves et les rendez-vous pris. Il a évoqué les sujets à l’ordre du jour du dixième congrès du parti Ennahdha, les questions sensibles à l’échelle nationale, et s’est attardé sur les difficultés qui se font jour au niveau du Maghreb et du monde arabe. La rencontre a donné lieu à un échange limpide et serré à la fois, sans englober toutefois certains sujets dont l’évocation risque de déranger alors que le parti, et le pays avec, traversent une période de transition avant de s’engager dans la voie de la coexistence, de l’intégration et de l’altérité sous ses différentes représentations. L’accent a été mis aussi sur le besoin de se protéger contre les discordes sectaires, héritées ici ou là dans certains pays arabes de régimes totalitaires et despotiques, et qui risquent, en s’étendant  jusqu’en Tunisie, de mettre en péril la cohésion sociale et la bonne harmonie confessionnelle et spirituelle qui y règnent.

Les explications du Pr Rached Ghannouchi sont souvent émaillées de métaphores et autres symboles. Sans évoquer cette fois la colombe avec ses deux ailes, il a pris l’exemple du meule  servant à moudre le blé pour l'affiner et le transformer en farine fine sans la moindre scorie, cherchant ainsi à souligner les efforts perçants et appliqués que déploie son parti en vue de la mise en œuvre des motions émanant du congrès pour les quatre années à venir.  

Au sein d’Ennahdha, explique t-il, émergent une cohésion et une solidité qui, dans un contexte national dont les contours sont à définir, ne se manifestent pas avec autant de force chez les autres partis politiques concurrents ou partenaires qui, ajoute-t-il significativement, ont  tendance à se définir et à s’identifier en bien ou en mal en rapport avec Ennahdha. A écouter attentivement les propos de M. Ghannouchi pour en saisir l’esprit, on ne manquera pas de remarquer le fait que ce dernier reprend sous un autre angle cette fois, cette image du meule pour suggérer qu’à la faveur de la recomposition du paysage politique en Tunisie, son parti se place désormais au cœur du nouveau modèle tunisien.

L’image symbolique à laquelle a recours M. Ghannouchi, ne cache sans doute pas une tendance à vouloir montrer son parti sous son meilleur jour, mais sans l’objectivité requise pourrait-on dire. Elle est néanmoins porteuse d’un message clair à l’intention des adversaires et autres contradicteurs : «Veuillez –vous renouveler pour une Tunisie plurielle et unifiée. »

 

H’mida Ennaif

L’appellation du congrès d’Ennahdha qui va s’ouvrir le 20 mai prochain, ce sera quoi ? le congrès des réformes ? De la Modernité ? Ou bien de l’Initiative...? 

Il est question, en vérité, de changer le nom du Mouvement pour rendre compte de ce vers quoi on tend désormais. Mais nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord sur une nouvelle appellation. On gardera peut être la racine actuelle, mais en la complétant ; ce sera alors « le parti d’Ennahdha Al Jadida », ou « la parti d’Ennahdha Wataniya » ou bien « le parti d’Ennahdha et Développement » ... des appellations qui, somme toute, correspondent à des préoccupations centrales qui seront débattues lors du Congrès.

Nous voulons réformer ; le pays a besoin de réformes réelles à tous les niveaux. Nous voulons aussi qu’Ennahdha puisse contribuer à ces réformes et se réformer elle-même. Notre souhait est qu’Ennahdha puisse soutenir le peuple dans sa revendication légitime et essentielle, exprimée avec force lors de la révolution, de voir le pays s’engager plus résolument dans la voie du développement, après avoir réussi notablement à gagner le pari de la liberté. La modernisation du pays est une autre revendication, non moins réelle, non moins légitime. Le mouvement Ennahdha s’engage dans un processus continu de modernisation dont le dixième congrès marque un nouveau jalon. Il en est de même de la tendance à vouloir consacrer avec plus de force et de vigueur la vocation politique du parti, et renforcer sa disposition à participer activement aux affaires politiques du pays, donc aux réformes qui sont du ressort de l’Etat, tout en laissant les activité civiles et les réformes sociales aux organisations de la société civile.

La tenue du 10è congrès a pris du retard. Pourquoi?

Il était prévu que le 10è congrès se tienne dans les deux ans suivant le précédent, qu’il soit un congrès extraordinaire ou exceptionnel, et que les débats se focalisent autour de deux axes fondamentaux, l’un étant relatif à l’évaluation de la marche du Mouvement, l’autre au « projet islamique » ou si on veut à la relation entre la politique et la prédication.

Mais d’autres questions ont émergé au fur et à mesure des débats. Les discussions ont pris beaucoup de temps, et le délai a été finalement allongé de quatre années. Les cercles et les tribunes de discussion se sont multipliés. Plus de 350 congrès de base ont eu lieu au cours de la seule année 2015 dans toutes les délégations sans exception. On avait à cœur de revenir parfois aux même questions, de les examiner avec toujours plus de profondeur, d’élargir les cercles de débat. C’était comme si on actionnait  un de ces traditionnels moulins à meule de pierre qui sont encore à l’usage chez nous. On avait à cœur d’affiner au maximum les questions à l’ordre du jour de nos réunions; tout en prenant notre temps, en y mettant du cœur, mais on procédait sûrement.

La politique et la prédication  : séparation ou différenciation?

Quelle est la réalité de la séparation entre la politique et la prédication. S’agit-il d’un partage des rôles entre le Mouvement en tant que parti et les associations qui ont en charge la prédication?

En vérité, nous prenons le parti de ne pas parler de « séparation entre la politique et la prédication », car ceci nous ramène à un courant de pensée tout autre. Nous parlons de « différenciation », qui est la finalité de tout phénomène en croissance. Le grand arbre est noyau à l’origine, et n’acquiert son arborescence que plus tard. Nous aussi, porteurs du projet islamique, nous avons grandi petit à petit. Nous estimons que ce projet islamique est multidimensionnel. Il comporte un volet politique, un volet culturel et un volet idéologique. Le mouvement islamique dans notre pays, comme dans tant d’autres, est né en réaction à d’autres projets, totalitaires celles-là, cela vaut aussi bien pour le parti unique qui était alors au pouvoir; que pour l’opposition marxiste, que pour le nationalisme, que pour l’islamisme qui, sous cet angle, était bel et bien un projet totalitaire.

Aujourd’hui, alors que les projets intégralistes et de dictature sont abolis, et que le champ de l’action politique s’est élargi grâce à la liberté enfin acquise, point besoin de réaction hostile de la même nature. Et c’est à la faveur de cette liberté que de nombreux projets sont initiés, y compris le projet islamique  qui s’est engagé dans une nouvelle étape, celle de la spécialisation, voire de la différenciation, ou de l’indépendance en vertu de laquelle il se déploie au sein de la société dans  un champ d’action propre qui est son apanage. La constitution fait d’ailleurs l’impasse sur ces projets totalitaires. Elle interdit tout cumul de la fonction de direction dans une association civile avec celle afférente à un parti...

Il y a d’un côté l’idée intégrale et de l’autre l’organisation intégriste, deux choses qui n’ont rien de commun. L’idée islamique est intégrale dans la mesure où elle a ses propres biais et instruments au service de l’Islam, et il n’est pas besoin d’évoquer à ce niveau un quelconque partage des rôles. Il n’est point question de conspiration, ni de stratégie, ni de partage culturel. Il s’agit seulement d’une croissance parvenue à un certain degré, à une certaine étape, et nous savons que tout phénomène de croissance évolue vers la différenciation.

Ennahdha ouverte à toutes les compétences

Attendez-vous à l’émergence de nouvelles personnalités dirigeantes à l’occasion du prochain congrès ?

Notre souhait est que le congrès puisse s’ouvrir à un plus targe éventail de compétences tunisiennes et de Tunisiens issus de couches socioculturelles. Le renouvellement de l’élite au sein du Mouvement est inscrit parmi les objectifs que s’assigne le congrès. Ce qui veut dire que le militantisme  reste un élément constitutif essentiel du profil de tous ceux qui détiennent des fonctions de responsabilité au sein du parti. S’y ajoute bien entendu la compétence. En tant que parti aspirant à exercer le pouvoir, nous avons besoin de polariser les compétences tunisiennes ayant servi l’Etat à un moment ou à un autre. Le parti est prêt à accueillir en son sein ces compétences expérimentées dont la Tunisie a grand besoin.

Qu’en est-t-il de la divergence d’opinions  et de la lutte de factions au sein du Mouvement Ennahdha?

Ennahdha est un grand Mouvement. En tant que tel, il regroupe en son sein de multiples tendances; plusieurs niveaux de pensée et de vision s’y expriment. Ce qui les réunit et les unit tous, c’est une vue globale commune de l’Islam, un Islam médian ; c’est aussi une conviction profonde qu’il y a compatibilité pleine et entière entre Islam et démocratie, Islam et valeurs actuelles authentiques, qu’il existe un consensus autour du refus de la violence envisagée comme instrument utilisé en vue d’imposer une idée, une pensée par la coercition, autour de la direction d’une quelconque entreprise. En l’absence d’un accord, force est de recourir aux instances compétentes au sein de l’entreprise qui décident en dernier ressort.Toutes les sensibilités, tous les courants ont en toute circonstance la latitude de s’exprimer dans un esprit de saine concurrence, et d’entière émulation.

«Perdra toute considération celui qui choisit de quitter le giron du parti ...», cette menace, brandie souvent jadis, est –elle toujours de mise?

Loin d’être cette citadelle que d’aucuns imaginent, le parti n’empêche pas les opinions de s’exprimer, on ne prend pas des décisions d’exclusion en raison de ses opinions. Ce n’est pas la règle au sein de notre mouvement. Et même si quelques-uns ont choisi à un moment de quitter le parti, c’était parce qu’ils n’y ont pas trouvé leur place. Mais ils sont toujours nos amis et ils n’ont pas cherché à nous faire ombrage. Quelques uns ont d’ailleurs rejoint le Mouvement après l’avoir quitté, comme Abdelfettah Mourou. Tant que le parti reste un espace où est proclamé cet islam médian et modéré auquel nous sommes attachés, un espace où c’est à l’Institution que revient le dernier mot, il y a toujours place aux sensibilités plurielles.

Ennahdha n'est pas le porte-parole de l'Islam

Comment comprendre le fait que la question religieuse suscite souvent des prises de position sans qu’Ennahdha ait apparemment voix au chapitre? On peut citer à ce propos l’exemple de l’éviction d’imams. Comment comprendre que depuis dix ans la fonction de président du Conseil islamique supérieur reste vacante? Que le parti Ennahdha ne revendique pas un quelconque parrainage de l’Islam, ça c’est une chose, mais quel mal y a-t-il à ce qu’il prenne sur lui d’émettre des avis, de proposer des alternatives?

Ennahdha répugne à s’ériger en porte-parole de l’Islam, une idée que nous nous refusons à accréditer. L’Islam se situe bien au-dessus des organisations et des partis. En Tunisie, l’Islam est affaire d’Etat. Il est doté d’institutions sensées en prendre soin. L’Etat seul est habilité à jouer ce rôle. C’est ainsi que l’Etat a promptement réagi, par le biais de l’institution des fatwas, quand la question de l’héritage a été soulevée par un député. Cette question, affirme t-elle, est précisément d’une grande limpidité. Le Coran est là-dessus parfaitement clair. C’est l’essentiel. Il revient à l’Etat, protecteur de la religion, de défendre celle-ci. Ce rôle incombe à l’Etat seul, et n’est nullement du ressort des partis.

Loin de régresser, l’Islam s’agrandit aujourd’hui. L’exercice religieux, loin de s’essouffler,  se développe au contraire. Les défenseurs de la religion sont légion de nos jours, et en plus grand nombre. Il n’est donc plus besoin d’un quelconque parti politique pour s’ériger en défenseur de la religion.

La religion ne doit pas dépendre d’un parti. Un tel lien n’est d’aucune utilité et ne sert à rien. Toute dépendance à ce niveau prend indubitablement l’allure d’une  instrumentalisation politique. Nous ne voulons pas d’une instrumentalisation de la religion dans l’arène politique, ni d’une instrumentalisation de la politique dans la sphère de la religion. Religion et politique ont évidemment leur place au sein de la société. Chacun a un rôle à jouer dans le cadre d’une certaine complémentarité.

L’Etat fait preuve d’incurie quand il s’abstient d’intervenir pour empêcher que l’une de ses institutions religieuses  reste empêtrée dans un état de paralysie. Une situation sur laquelle J’ai plus d’une fois attiré l’attention du premier ministre. Voilà une institution sans directeur depuis un bon bout de temps, un vide qui tarde à être comblé. On se demande pourquoi ?

Nous parlions tout à l’heure de différenciation, de spécialisation. Cela ne veut pas dire que nous abandonnons carrément l’action religieuse. Loin s’en faut. Nous entendons assumer les attributions qui sont les nôtres au sein de l’Etat. Cela suppose que la gestion du religieux se situe hors du cadre partisan et s’exerce au niveau de l’Etat; nous en sommes, en tant qu’institution, partie prenante. La vocation du parti est d’arriver au pouvoir et de mettre en œuvre son programme. Nous avons bien un programme en matière de religion, mais la réalisation de ce programme est en lien avec notre présence au sein de l’Etat.

Qui de la Société ou d’Ennahdha a changé l’autre?  

Ne dit-on pas que « celui qui vient en Tunisie se ‘’ tunisifie’’ »? Un dicton qui peut  trouver une application dans le cas d’espèce. Nous sommes le produit d’une pensée dont on peut dire qu’elle s’est forgée bien au-delà de nos frontières, plus exactement dans l’Orient arabe, mais qui est entrée avec le temps en synergie avec l’environnement  tunisien. La Tunisie a bien eu sa part dans la maturation de cette pensée, et continue à assumer cette part, en la plongeant, peut-on dire, dans un moule qui sied à la culture tunisienne. D’un autre côté, nous avons peu ou prou marqué de notre influence la société tunisienne. Point aujourd’hui de lutte identitaire en Tunisie, une lutte qui a été bien présente par le passé.

Les débats identitaires? la cause est entendue

Croyez-vous que l’identité est désormais affaire classée et que nous sommes arrivés à un point de non retour ?

Oui. Parfaitement. On peut dire ça. Il existe bien évidemment des tentatives pour remettre sur le tapis le vieux débat autour de l’identité. Mais je suis persuadé que la constitution a tranché sur cette question qui n’est plus à l’ordre du jour. Nous étions de tout temps au cœur de cette lutte identitaire, et avons contribué à la trancher, non pas en s’évertuant à couler la société dans un moule de notre choix, mais plutôt à travers une espèce de règlement et de consensus. Entre la société et nous, il y a eu, comme je l’ai dit, tant d’interférences qui ont fait qu’aujourd’hui, il n’y a point de place pour la lutte identitaire. Notre mouvement a fait bien de concessions, la société a fini de son côté par admettre tant de choses que l’élite rejetait.
Des liens de réciprocité ont été tissés au fil des années entre le courant islamique et la société tunisienne ; chacun faisant un pas en direction de l’autre. Que quelque 1,5 million d’électeurs tunisiens portent leur choix sur les députés du Mouvement Ennahdha, sur un total de 4,5 millions d’électeurs, cela n’est pas chose aisée. Cela veut dire qu’une large frange de la société tunisienne accepte de voir Ennahdha s’ériger en parti politique.
On peut estimer que la lutte met aujourd’hui face à face principalement un courant rassembleur d’une part, et de l’autre, un courant de refus, d’exclusion, de déracinement ; et je suis persuadé que le second est en régression au profit du premier. Ce qui veut dire que les Tunisiens sont pour une Tunisie plurielle, qu’ils aspirent à plus de coexistence entre les islamistes et les destouriens par exemple.
Islamistes et destouriens se sont combattus pendant un demi-siècle ou plus, un combat qui a commencé bien avant l’indépendance du pays, peut-on dire. Aujourd’hui, on s’accepte mutuellement, un rapprochement se dessine, il y a même comme une volonté de former une espèce d’alliance pour le bien du pays. Cela contribue certes à la neutralisation du courant fondamentaliste, celui qui représente la laïcité pure et dure, au profit de l’autre courant séculier, représentatif d’une laïcité à demi teinte, modérée ou de l’islam modéré.
Ce sont les courants radicaux irréductibles qui font problème, ceux qui prétendent parler au nom de l’Islam à l’instar de «  Daech » ou d’autres partis extrémistes, comme ceux qui prônent un extrémisme laïc ou un modernisme intégriste. Tous ces courants font peser une réelle menace sur la société dans la mesure où ils rejettent l’idée d’une Tunisie plurielle, attachée à ses intérêts supérieurs, à son islam, à son histoire et à ses grandes figures. Ils rejettent toute idée de réconciliation.
Le président Beji Caïd Essebsi qui a entrepris de réconcilier Yousséfistes et Bourguibistes de l’époque s’inscrit bien dans cette lignée. Cette tendance à la réconciliation, on se doit de la développer, de l’étendre jusqu’aux familles, d’en faire l’instrument pour un meilleur rapprochement et une meilleure symbiose entre les régions. Notre pays a bien besoin de cette culture du juste milieu qui intègre et rassemble, qui est tout le contraire de la pensée totalitaire et extrémiste qui exclut, qui prône le refus de l’autre. Le port du hijab est un signe patent de l’évolution sociale du pays, de l’attachement du Tunisien à cette Tunisie  plurielle, tolérante et réconciliée. On peut citer à cet égard l’exemple d’Ennahdha qui, en acceptant le code de statut personnel, a apporté sa pierre à l’édifice de l’intégration sociale, après avoir mis en sourdine ses critiques longtemps adressées contre une partie de son contenu. C’est la preuve que la société tunisienne s’engage dans la voie de l’intégration de ses forces essentielles et rejette toute tendance de refus du juste milieu, de l’intégration et de la coexistence.

Le retour des terroristes tunisiens, une bombe à retardement

Le retour des Tunisiens des foyers de tension dans le monde, quelle appréciation portez-vous sur cette question?

Ce retour équivaut à une bombe à retardement et représente un grand défi à la démocratie naissante en Tunisie. Comment traiter ce problème somme toute marginal, bien antérieur à la révolution ? Quelque chose qui nous est venu d’un temps bien antérieur à la révolution, une manifestation issue en réalité d’une dictature fondée sur l’exclusion de l’autre. Quand Ennahdha était partie prenante dans le pays, ces créatures n’avaient aucune existence. Quand se sont-ils manifestés ? Ils ont émergé quand le pays était pris dans l’étau de l’exclusion, quand le Tunisien croyant cherchait en vain le moyen de pratiquer sa religiosité, de porter sa foi et de la vivre, à tel point que les manifestations religieuses les plus anodines, les plus courantes comme faire sa prière, comme porter le hijab etc. étaient contrariés et jugés inopportunes et extrémistes. La vague de l’exclusion n’a pas épargné des secteurs aussi sensibles que l’enseignement, l’information, la politique, la police etc. C’est tout cela à la fois qui a favorisé l’émergence de ces mauvaises herbes dans un climat pourri.

Mais le phénomène a pris de l’ampleur après le 14 janvier 2011?

Ce phénomène s’est amplifié chez nous à la faveur d’un environnement arabe favorable. On aurait pu parfaitement le maitriser, le contenir et le neutraliser après la révolution s’il n’y avait pas ce terreau propice à l’épanouissement du terrorisme qui a été trouvé en Irak, en Afghanistan, en Libye et dans d’autres pays. D’aucuns estiment qu’il est possible d’éradiquer le phénomène rien que par des moyens sécuritaires. C’est une grande erreur à mon avis. Ces gens prétendent qu’ils font partie de l’élite cultivée, qu’ils sont  porteurs d’idéologie, et qu’ils poursuivent de nobles idéaux. C’est précisément à ce niveau qu’il faut porter le combat. Il faut les amener par la persuasion à reconnaitre qu’ils se sont fourvoyés dans un chemin sans issue en se prévalant de preuves factices et en prônant une religion fausse. Faute de quoi, ils risquent d’essaimer et de se démultiplier dans nos prisons.
Pourquoi continuer à traiter ce phénomène comme s’il était parfaitement endogène ? Pourquoi ne pas profiter de certaines expériences réalisées sous d’autres cieux ? Pourquoi notre élite ne s’interroge t-elle pas sur les raisons qui font que le terrorisme gagne plus de terrains dans certains pays arabes et épargne d’autres, comme le Maroc ou la pauvreté est plus répandue que chez nous ? Le seul acte terroriste perpétré dans ce pays a eu lieu à Casablanca, dont l’un des instigateurs prêcheurs, un certain Fezzani  je crois, était un imam qui a été jugé et condamné à trois ou quatre années en prison. Il a été finalement élargi et réaffecté dans son poste d’imam dans la même mosquée où il prêchait avant sa condamnation. Le Roi Mohamed VI s’est même joint une fois au premier rang de ses fidéles. Si le phénomène ne s’est pas répandu dans ce pays, c’est parce que les Marocains ne se laissent pas duper par ceux qui leur disent que l’Etat est impie et infidèle, ou que l’Etat n’a aucun respect à l’endroit de l’islam. Tous les symboles religieux sont présents avec force autour du Roi : des théologiens, des écoles, des universités et des élites. Les oulémas vont dans les prisons, discutent avec ces jeunes dévoyés, entreprennent de les persuader et arrivent à extirper le démon de l’extrémisme qui les habite.

Qui prendra sur lui d’engager un dialogue avec ces jeunes détenus ? Et à propos de La laïcité et des laïques ! où en sommes-nous en Tunisie ? La vie religieuse y est réduite à la portion congrue, complètement asséchée. Plus d’Oulémas ! « Les ressorts de la connaissance scientifique ont cessé de fonctionner », disait Cheikh Mokhtar Sallami. L’école d’islamologie a suspendu ses activités depuis la disparition de l’université de la Zitouna. Ce phénomène terroriste en Tunisie est le fruit de cet acharnement à vouloir évacuer le facteur religieux qui est pourtant à la base de notre renaissance et de notre patrimoine.

Un nouveau cheval de bataille: la réconcilation globale

On parle beaucoup ces derniers du projet de réconciliation nationale. Vous avez lancé votre initiative sur la « réconciliation globale ». S’agirait-il plutôt d’une « transaction » comme disent les mauvaises langues?

« Transaction » dites-vous ! Voici un terme qui est sur toutes les lèvres aujourd’hui. C’est comme si la politique se réduisait à des « transactions ». En fait, il n’en est rien. C’est de réconciliations globales que la Tunisie à besoin aujourd’hui, plus que jamais. On s’est contenté jusqu’à présent de réconciliations partielles  isolées les unes des autres. Il y a la loi sur la justice transitionnelle qui est du ressort de l’instance Vérité et Dignité qui dispose jusqu’ici de pas moins de 38 mille dossiers, qui a épuisé presque la moitié du temps qui lui est imparti. S’y ajoute le projet de réconciliation économique proposé par le Président Béji Caïd Essebsi, en plus de l’instance nationale de lutte anticorruption. Par delà cette multitude de projets et de structures, le pays a besoin d’un projet englobant toutes ces ramifications, envisagé sous l’angle d’une approche unique. Nous avons besoin d’une réconciliation qui fait place à l’ensemble de ces ramifications et qui ouvre la voie à une thérapeutique à grande échelle permettant de panser les blessures profondes qui meurtrissent la chair des Tunisiens. Nous avons à cœur de venir à bout de cette profonde affliction qui frappe le corps social, de ce mal qui le meurtrit. Ce sont des questions qui nous interpellent aujourd’hui et sur lesquelles on est entrain de nous pencher. Il faut les envisager dans toutes leurs ramifications, dans toute leur diversité sous l’angle d’une approche intégrée.

Ce projet de réconciliation n’appelle t-il pas un paysage politique différent dans lequel l’Etat s’érige en partenaire sans prééminence ?

Ce qui s’est passé en Tunisie au lendemain de la révolution ressemble à bien des égards à une réplique sismique, car il s’agit ni plus ni moins d’un véritable tremblement de terre qui a ébranlé alors le pays, qui a fait disparaitre des reliefs entiers, qui en a engendré de nouveaux. Les partis qui occupaient la scène avant la révolution ont carrément disparu. Les secousses sismiques dévastatrices fissurent le relief et le dénaturent produisant plusieurs réajustements avant de retrouver une configuration stable. Pas étonnant alors que de grands partis voient rapidement le jour, qu’un grand parti bien en place se fissure et se disloque, les parties le composant se disjoignant avant de se disperser dans tous les sens. Le relief reste mouvant. Mais le parti Ennahdha tient en place dans ce paysage apocalyptique, bien debout, entier. Les autres formations politiques en présence se définissent en rapport avec notre mouvement ; telle formation sollicitant une forme de cohabitation avec nous, telle autre nourrissant une vive hostilité et une grande aversion à notre endroit. Mais elles s’identifient toutes en lien avec nous, non indépendamment, si bien qu’Ennahdha occupe désormais une place de premier plan dans le nouveau paysage qui a pris forme après la révolution. Notre mouvement n’est pas le produit de la révolution, ayant existé bien avant son avènement, et beaucoup milité pour son triomphe.
La réconciliation recherchée n’est pas exclusive. Elle est globale en ce sens qu’elle n’exclut personne, qu’elle s’exerce indépendamment des convictions et des appartenances identitaires d’origine. Il s’agit d’instituer le principe de citoyenneté qui n’exclut pas. Dans toutes les démocraties, il y a un noyau central qui assume le pouvoir en alternance, et des périphéries. Il y a une extrême droite et une extrême gauche qui forment ces périphéries en gardant leur autonomie vis-à-vis du noyau central, mais continuent à exister sans possibilité d’exercer le pouvoir, faute d’alliances et de compromis.

Y aura-t-il une alliance Nida-Ennahdha à l’occasion des prochaines élections municipales?

Ce n’est pas exclu en principe. Mais la question n’est pas pour le moment à l’ordre du jour. Le sujet n’est pas abordé par le parti Nida, et Ennahdha garde encore le silence sur sa stratégie électorale.
Avec qui nous allons faire alliance ? Allons-nous opter pour une coopération sur le terrain avec d’autres partis ? Y aura-t-il constitution d’alliances ? Les grands partis à l’instar d’Ennahdha s’engagent généralement  seuls dans la compétition électorale, donc sans listes communes. Nida Tounes sera peut-être amené à adopter une telle démarche. Mais cela n’exclura peut-être pas la possibilité d’une coopération entre certaines formations en présence dans certaines zones bien définies. Quand un parti estime que ses chances sont minimes dans telle ou telle circonspection, il peut être amené à solliciter un appui auprès d’un autre parti dont les chances sont plus conséquentes et vice versa.

Comment donner un contenu concret à cette notion d’intégration que vous avez évoquée tout à l’heure? Comment l’institutionnaliser compte  tenu de la nature de la pensée islamique à dominante exclusive?

Il existe deux courants qui s’affrontent, pas seulement en Tunisie, mais dans l’ensemble du monde arabe. Il y a le courant du rassemblement  d’un côté, et le courant du refus et de l’exclusion de l’autre. Refus et exclusion qui se situent au niveau de la pensée dans un premier temps, mais qui conduisent à la guerre civile ensuite. «La guerre était parole au commencement», comme on dit dans notre jargon arabe. C’est la pensée belliqueuse et exclusive qui engendre la guerre. Le processus d’exclusion de l’autre commence par la parole, avant de prendre une tournure plus dramatique et se transforme en tentative de dénégation, d’extinction et d’éradication. Mais le fait de neutraliser cet autre ne va pas mettre un terme à ce processus. C’est comme un cancer métastasique qui, après avoir affecté un membre, attaque un autre et puis un autre.. Les adeptes de la violence vont se dévorer les uns les autres et il n’y a pas de limite à ce carnage.

C’est une bataille qui vaut la peine d’être engagée, une bataille contre cette pensée unique et ravageuse qui exclut et extermine. L’altérité et la diversité sont des fondements essentiels de la civilisation. Voyez ce qui se passe en Irak aujourd’hui. Les Irakiens sont les héritiers d’un pays aux multiples visages, une myriade de cultes y ont trouvé refuge. C’est à l’image d’un musée historique des religions. Il existe des religions qui ne se trouvent nulle part ailleurs qu’en Irak. De petits groupements religieux sont chassés des cathédrales et des églises. Leur présence est la preuve que l’Irak abrite de grandes civilisations. Maints peuples fuyant la persécution y ont planté leurs pénates. C’est en Irak que la civilisation humaine a vu le jour. Ce pays est aujourd’hui le théâtre de guerres atroces d’extermination, où la civilisation a disparu, où règnent le sous-développement et sévissent les guerres civiles sur fond d’exclusion. L’autre devient l’ennemi à abattre. Point d’alternatives à cette crise irakienne hors d’une concorde basée sur le compromis, la modération, la pluralité et l’acceptation de l’autre. L’intégration de toutes les diverses composantes nationales est fortement requise.   

Cette culture de la diversité, de la différence, de l’intégration n’est pas en régression. Nous sommes les représentants d’un courant qui est de plus en plus accepté dans le monde arabe. Au Maroc à titre d’exemple, au parti de la justice et du développement, les militants reconnaissent qu’ils prennent  leurs sources d’inspiration dans l’idée islamiste en Tunisie et dans le modèle islamique  tunisien. Les mêmes sources inspirent le courant du centre en Algérie. En Mauritanie, le courant islamique modéré se considère comme le prolongement de l’école tunisienne. En Libye, le courant que représente  le parti de la justice et de la construction est proche de cette même école islamiste tunisienne, une école prise pour modèle dans le contexte de la pensée islamique. Elle se pose comme une alternative à « Daech », à l’esprit terroriste et à l’extrémisme. Pour vaincre le terrorisme islamiste, les moyens sécuritaires ne suffisent pas. Le tout sécuritaire ne suffit pas. Le terrorisme est la plus grande incarnation de la pensée unique, mais il y a à côté moult  courants représentatifs de cette pensée. La solution consiste à approfondir la pensée inclusive et de juste milieu qui prône le principe de citoyenneté pour tous.

Comment voyez-vous les relations avec l’Algérie et avec la Libye?

Les rapports que nous entretenons avec l’Algérie sont excellents. L’Algérie est pour nous la grande sœur avec laquelle notre rapport ne peut être qu’un rapport stratégique. La sécurité de la Tunisie est inséparable de la sécurité de l’Algérie et réciproquement. On ne peut envisager  un avenir de la Tunisie loin de l’Algérie  et de la Libye, deux pays qui sont à la fois notre profondeur et notre prolongement premier nonobstant les gouvernants en place, et avec lesquels nos relations doivent être stratégiques. Qu’est-ce qui empêche que le ministre tunisien des affaires étrangères soit la première personnalité à se rendre en Libye. J’ai personnellement attiré l’attention sue cette question. Le premier ministre a dû se rattraper. Son déplacement dans ce pays a été un total succès. Nous devons considérer la Libye comme une affaire tunisienne. Ca vaut aussi pour l’Algérie.

La Turquie continue t-elle d’être un modèle pour le parti Ennahdha?

Nous sommes attachés au modèle tunisien et tirons profit de tous les autres modèles. Chaque pays a ses spécificités et conditions particulières. L’histoire de la Turquie a ses caractéristiques propres, comme le rapport qu’entretient  l’armée turque avec le pouvoir en place. Nous nous inspirons de l’expérience avant-gardiste de ce pays. La Turquie occupe la 17 è place au classement des Etats du monde; elle était dix ans plus tôt à la 80è place. Ce pays ne produit ni pétrole ni or. Il est donc normal que nous portions un intérêt particulier à l’expérience de la Turquie sans être amenés pour autant à la copier.
Les expériences réalisées ici ou là dans le monde en matière de développement suscitent  un grand intérêt de notre part. Nous sommes en mesure d’en tirer le meilleur parti pour enrichir notre expérience propre.
On peut citer à cet égard, en plus de la Turquie, l’exemple d’autres pays comme la Corée du sud,  la Malaisie, l’Indonésie et Singapour.

Que pensez-vous de l’expérience iranienne?

L’expérience iranienne a elle aussi ses spécificités  et comporte des réussites et des échecs.

Comment peut-on en tirer parti?

Cela est parfaitement possible. Les Iraniens ont une grande capacité à préserver leur indépendance et à assumer leur progrès scientifique en toute indépendance. On peut parler à ce niveau d’une expérience modèle.

Le prosélytisme chiite dans les pays arabes est intolérable

Comment voyez-vous la lutte qui oppose l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe d’un côté et l’Iran de l’autre?

Nous estimons que le danger que représentent l’expansion et l’hégémonie de l’Iran dans la région suscite l’appréhension des Etats du Golfe. L’Iran est une grande puissance régionale. En tant que telle, ce pays nourrit  des ambitions d’expansion, ce qui suscite chez ses voisins du Golf beaucoup de crainte. Les Etats du Golf sont en droit de se défendre et de se protéger. Nous sommes persuadés que l’expansion iranienne dans la région fait peser une menace sur la paix dans le Golf, et ne sert pas en définitive les intérêts de l’Iran, car elle ne fait que raviver les conflits confessionnels et peut en conséquence engendrer des guerres de religion ravageuses dans la région. L’Iran qui a des visées sur l’Irak voisin, qui appuie le gouvernement confessionnel de ce pays, qui soutient les Houthis au Yemen, qui se range résolument aux côtés d’un régime dictatorial et barbare en Syrie, poursuit des politiques qui ne peuvent conduire qu’aux guerres confessionnelles dans la région. « Daech » est le fruit de cette politique confessionnelle. Du temps de Saddam Hussein,  il n’y avait ni «el  Qaida », ni « Daech ». Quand ces deux organisations terroristes ont-elles pris pied en Irak ? C’est quand les tribus sunnites ou « Achaïer » dans ce pays se sont rendues compte de l’hégémonie qu’exerçait le courant chiite sur le pouvoir et sur les richesses en Irak. Ce qui les a amenées à tisser des liens privilégiés avec « el Qaida et avec Daech qui faisaient croire qu’ils prenaient la défense les Sunnites. C’est précisément cette prétendue protection qui a favorisé l’avènement de  « Daech » et mis le monde sens dessus dessous.
On peut dire la même chose s’agissant de la Syrie, un pays historiquement sunnite. Comment alors expliquer que des Sunnites s’y soient persécutés et que des reconversions au Chiisme y deviennent possibles. J’ai étudié à Damas. Je n’y ai pas décelé une présence chiite. Une telle présence aurait suscité la méfiance des populations autochtones. Damas a été de tout temps une capitale sunnite, comment se fait-il alors que les Damascènes  s’y sentent étrangers. C’est ce sentiment qui les a poussées précisément à se jeter dans les bras  d’ « el Nosra », de « Daech » et d’ «  el Qaida » cherchant à se protéger par tous les moyens. Mais ces organisations terroristes ne pouvaient pas en réalité assumer ce rôle. Je suis persuadé que la politique iranienne dans la région ne peut que conduire à une guerre de religion.

Comment voyez-vous l’expansion chiite en direction de la Tunisie et de l’Afrique du nord?

Nous sommes face à une expansion de nature confessionnelle en Tunisie et en Afrique du nord. Nous ne voulons pas d’une telle expansion. Nous ne jetons pas l’anathème sur le chiisme, mais nous n’acceptons pas cette prédiction confessionnelle au sein de la Nation, ni les tentatives d’intrusion et de pénétration dans les sociétés sunnites pour y favoriser des flux confessionnels sunnites. Nous nous élevons contre de telles tentatives dans un sens ou dans un autre. Je ne suis pas pour une « sunnisation » au sein des milieux chiites. La Nation est confessionnellement structurée de telle façon qu’il ne sert à rien de vouloir aujourd’hui changer l’ordre des choses. Qui a à cœur à élargir son obédience et sa secte, libre à lui de le faire ailleurs plutôt que dans nos  contrées. Sur cinq (5) personnes dans le monde, il y a un (1) musulman. Qui veut étendre sa secte, qu’il le fasse au Japon, en Chine, en Corée ou en Amérique. Là-bas l’espace est disponible. Pourquoi choisit-il de venir en Tunisie avec l’intention d’y semer la discorde et d’imposer un courant confessionnel qui n’est pas la nôtre.
La prédication confessionnelle est une futilité, elle relève en fait d’une volonté morbide de semer les graines de la discorde. Les luttes confessionnelles en Tunisie et en Afrique du nord du temps du règne des Fatimides ont fait couler du sang en abondance. Il ne sert à rien de semer les mêmes graines qui risquent de reproduire les mêmes résultats. Ceux qui entreprennent de répandre une croyance confessionnelle là ou il y a une autre croyance, cherchent en réalité à favoriser les conditions propices aux soulèvements et aux luttes sanguinaires.