News - 04.04.2016

Nejib Chebbi: Faut-il amender la constitution?

Nejib Chebbi: Faut-il amender la constitution?

Je serai le dernier à m opposer à une réforme constitutionnelle pour avoir proposé en 2009 un projet de constitution à régime présidentiel et défendu en 2011 la révision de la constitution de 1959 dans le sens d’une séparation des pouvoirs qui limiterait les pouvoirs du Président sans le cantonner dans un rôle purement symbolique. Si la classe politique avait accepté cette démarche, elle aurait épargné à la Tunisie trois longues années tumultueuses qui ont fragilisé le pays sur les plans économique, social, sécuritaire et politique ! Mais une sainte alliance s’est constituée à l’époque allant de la droite religieuse à l’extrême gauche communiste pour diaboliser cette proposition et son auteur ! On ne refait pas l’histoire, hélas, et à l’exception du conducteur les occupants d’une voiture ne regardent jamais le rétroviseur.

Aujourd’hui on nous dit que la constitution est hybride, qu’elle institue un exécutif bicéphale qui hypothèque le bon fonctionnement des institutions.

Cela est vrai et ce caractère hybride est né  d’un compromis aux négociations de Dar Edh-Dhiafa qui a conçu le projet de constitution et que l’Assemblée Nationale Constituante a entériné en juin 2013. A l’époque Ennahdha, pensant remporter les prochaines législatives et sachant ses chances fort réduites pour remporter la présidentielle, défendait bec et ongle le régime parlementaire.Les tenants du régime présidentiel, minoritaires parce que la majorité des forces politiques était encore sous l’effet de la réaction au régime présidentialiste, se sont contentées quant à elles de grignoter le maximum de prérogatives au profit du Président. C’est ainsi qu’on l’a doté d’un domaine réservé (la défense, les affaires étrangères et la Sécurité nationale) qu’il obtint le droit de présider le conseil des ministres chaque fois qu’il le jugeait opportun, qu’il eut l’initiative des lois et le droit de s’adresser directement au parlement, etc.

Le compromis n’était pas mauvais en soi et l’on peut dire que la constitution de la deuxième république tunisienne est la sœur cadette de la constitution française. Le Président français préside le conseil des ministres mais dispose en plus du droit de fixer son ordre du jour ainsi que du droit de renvoyer le parlement. Mais, le régime français demeure parlementaire, le chef du gouvernement est le chef de la majorité parlementaire et le président n’a aucun droit de le renvoyer ou de limoger l’un quelconque de ses ministres.

Amender la constitution tunisienne pour renforcer les prérogatives du Président est envisageable et souhaitable. Toutes les constitutions sont perfectibles. La constitution américaine, la première de l’époque moderne, a connu 25 amendements en plus de deux cents ans. Mais ne nous trompons pas. La question qui nous interpelle aujourd’hui n’est ni constitutionnelle ni institutionnelle, elleest purement politique.
Souvenons nous des périodes de cohabitation en France lorsque le rôle du Président était réduit à une portion congrue.  Le caractère parlementaire du régime s’affirmait au grand jour et le premier ministre occultait le président même dans les affaires internationales.

Si nous nous acheminons aujourd’hui vers une paralysie du système de la IIème république, ce n’est point en raison du caractère hybride de la constitution mais bel et bien parce que le Président, a perdu la majorité au sein du parlement, suite à la scission de Nida Tounes, le parti originairement majoritaire. Si Nida avait maintenu sa cohésion, le Président serait encore craint par le Premier ministre et par ses alliés de la Nahdha. Car à l’instar de monsieur Hollande, il n’aurait eu aucune peine à demander au Premier ministre de lui remettre la démission de son gouvernement.

La question est donc politique et à moins de reconstituer une majorité présidentielle au parlement, la paralysie du système risque de se prolonger et d’ajouter une cause supplémentaire aux causes de la crise grave que connaît le pays.
Le Président peut-il encore reconstituer sa majorité et rééquilibrer le paysage politique? Le respect de la volonté populaire telle qu’exprimée lors du dernier scrutin et l’intérêt supérieur du pays exigent que l’on y aide. 

Nejib Chebbi