Lu pour vous - 13.03.2010

Tahar Ben Ammar

Tahar Ben ammarQue savons-nous de celui qui, le 20 mars 1956, signa l’indépendance de la Tunisie? Tahar Ben Ammar, président du conseil et homme de consensus, apposait ce jour-là à Paris, avec Christian Pineau,  sa signature sur le protocole d’accord entre la France et la Tunisie, annulant le traité du Bardo (1881), mettant ainsi fin au protectorat et ouvrant la voie à la souveraineté totale. A part ce grand fait, et encore, la plupart des Tunisiens, et plus encore les nouvelles générations ignorent tout ou presque de la vie et de l’œuvre de cette grande figure nationaliste et de l’épreuve d’emprisonnement qu’elle a subie au lendemain de la proclamation de la République. Dans un ouvrage de 333 pages, Khalifa Chater apporte des éclairages instructifs.

En préface, l’ancien premier Ministre Hédi Baccouche, évoquant d’importantes personnalités tunisiennes demeurées ignorées et méconnues écrit : « Le temps est venu de les sortir de l’ombre et de les faire connaître (…) Quand don on relit ce qu’ils ont écrit, quand on se remémore les actes qu’ils ont accomplis au début de leur engagement patriotique, on ne peut que les admirer. Maintenant que, depuis cinquante ans, nous sommes indépendants, il est temps de pardonner leurs faiblesses, de dépasser des querelles anciennes, de faire valoir leur mérite. La Patrie, à notre sens, doit être reconnaissante à tous ses enfants, quels que soient les choix qu’ils ont faits et les comportements qui les ont opposés au cours de leur vie».

Le Gentelman  Farmer qui quitte la Kasbah, puis  l’arène sur la pointe des pieds

Tahar Ben AmmarEn sept grands chapitres, l’auteur, docteur d’Etat (Sorbonne 1981) et professeur émérite d’histoire contemporaine, nous plongés, tour à tour, dans les racines de Tahar Ben Ammar (1889-1985) ce «Gentelman Farmer», la genèse du Destour, la défense des intérêts des Tunisiens au sein de la Chambre agricole et du Grand Conseil, la présentation des revendications à De Gaulle, le projet pour l’indépendance, peu connu jusque-là, conçu alors avec Edgar Faure en 1952, les deux gouvernements qu’ils a présidés (1954-1956) avant de quitter l’arène et dans quelles conditions!

L’ouvrage s’enrichit d’autres prolongements utiles notamment l’évocation de la mise en accusation de Tahar Ben Ammar et son épouse, leur procès, et le départ à la retraite en 1958 jusqu’à sa disparition en 1985 et sa décoration par Bourguiba. En annexe, Khaled Ben Ammar, en fils fidèle et dévoué, nous laisse avant sa mort, un document retraçant la genèse du conflit Habib Bourguiba / Tahar Ben Ammar.

En attendant le Tome II

S’appuyant sur une riche documentation puisée à bonne source et nombre de témoignages, Khalifa Chater lève le voile, au-delà du parcours de Tahar Ben Ammar, sur des points significatifs de l’histoire du mouvement national, loin de toute personnalisation. Il révèle la lutte des clans, la lutte menée par des nationalistes patriotes contre l’appétit d’une nomenklatura avide de privilèges, l’allégeance de certains au Protectorat, la course effrénée de quelques membres de la famille beylicale pour mieux se positionner dans ces nouvelles situations et la sérénité d’un grand homme qui entend s’élever au dessus de toute vanité.

Moins romancé, plus historique, sobre et rigoureux, l’ouvrage de Khalifa Chater vient à point nommé, 25 ans après la mort de Tahar Ben Ammar (10 mai 1985) et à la veille de la célébration, le 20 mars, du 54ème anniversaire de l’Indépendance de la Tunisie. Un Tome II est prévu, pour nous introduire dans l'intimité de cette personnalité et le vécu de cette figure marquante, nous livrer davantage de témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, et nous faire lire ces écrits. Son deuxième fils, Chedly Ben Ammar, nourri des nobles valeurs qui ont été celles de son père, veille à entretenir la mémoire de son père et y apportera sans nul doute sa précieuse contribution.

Tahar Ben Ammar

Par Khalifa Chater
Editions Nirvana, Janvier 2010, 333 pages, 20 D

Diffusion: Cérès Diffusion