News - 16.07.2015

L'Iran exulte, l'Arabie saoudite insulte

L’IRAN EXULTE, L’ARABIE INSULTE

Je fais partie des laïcs pratiquants. J’abhorre les théocraties et je me bats, dans mes écrits, pour débarrasser le verbe de ce que Jacques Berque appelle l’immobilisme théophore. Dès le déclenchement de la guerre Irak-Iran, l’Union des Écrivains Tunisiens a soutenu Saddam contre Khomeiny et c’est moi, en tant que membre du Bureau, qui ai rédigé le communiqué de presse relatif à cette prise de position. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors.
La République Islamique d’Iran vient de remporter un immense succès diplomatique. L’accord sur le nucléaire iranien que Jawad Dharif a patiemment et magistralement négocié avec les 5+1, depuis à peu près deux ans, mérite admiration et respect. La politique est l’art du possible et de ce possible, il a su tirer le maximum, ce en quoi, il a administré la preuve que les Iraniens n’ont pas oublié qu’ils ont inventé le jeu d’échecs. Cet accord, qui ouvre à l’Iran de larges horizons de développement et le consacre comme une puissance régionale incontournable, endeuille deux pays, Israël et sa crypto-alliée, l’Arabie saoudite.
Cette dernière est immensément riche et ne sait quoi faire de son argent. «La société arabe jusqu’à la fin des années 1960, écrit Georges Corm, n’avait connu que la tyrannie de la pauvreté. Désormais, elle devra s’accommoder de celle de la richesse ; non pas celle qui provient d’une révolution industrielle, de cet effort prométhéen que fait une société sur elle-même pour se soustraire aux déterminismes de la nature, mais celle même qui est le produit de la pauvreté et du sous-développement.»
Une partie des pétrodollars fait le bonheur des Casinos et des lupanars d’Europe et d’Asie.

L’autre partie fait le malheur des pays honnis par les États-Unis. Car les États du Golfe servent de tiroir-caisse des Services spéciaux occidentaux pour financer la subversion tous azimuts. Cela va des Contras de sinistre mémoire qui ont ravagé le Nicaragua aux abominables jihadistes qui sévissent en Irak et en Syrie, les deux pays les plus ancrés dans l’histoire de l’humanité.


De même, en bombardant ce vieux pays, le Yémen, sans qui, la culture aurait tardé à inonder la région, l’Arabie se donne l’air de frayer avec les grands. Rien n’est plus illusoire que cette impression. L’Occident, les Américains en tête, n’ont jamais caché ni leur respect pour les Iraniens, ni leur mépris des Arabes.
Ce n’est qu’après la guerre israélo-arabe d’octobre 1973, que Henry Kissinger se décida à s’intéresser aux affaires du Moyen-Orient. Avant de se rendre en Egypte, il demande à ses services de lui préparer une note la plus courte possible sur ce qu’est ce monde dit arabe. On lui pond un texte d’une page et demi où il est indiqué que cette région est fondée sur deux principes : la tente et le bazar. «La tente où tout un chacun vient n’importe quand et n’importe comment et où l’on parle de tout et de rien. Le bazar, c’est là où tout se vend et tout s’achète à coup de marchandage. On y jure qu’en vous cédant telle chose à  cent dollars, on est déjà perdant, et vous l’obtenez à un dixième du prix demandé. Cela veut dire qu’ils n’ont pas le sens d’organisation qu’exige un État moderne et que, toujours prêt aux concessions, s’ils vous demandent l’indépendance, ils seront heureux de se voir accorder la gestion de leurs communes de quartier. Autrement dit, il suffit de marchander avec une bonne dose de mépris pour qu’ils soient déboutés des neufs dixièmes de leurs revendications.» C’est précisément ce qui est arrivé à Sadate à Camp David et à Mahmoud Abbas après Oslo. Avec Jawad Dharif, l’Occident s’est trouvé face à un stratège qui a âprement discuté les points et virgules.
Last but not least, l’Iran soutient farouchement la résistance en Syrie, au Liban et en Palestine. Je n’aime pas les théocraties. Mais, entre une sunna honteusement pro-sioniste et une chî‘a qui défend une cause si chère aux Arabes encore libres, que choisir ?


Abdelaziz Kacem