News - 17.06.2015

D’Alema, Jaziri et Kouchner : Une Europe qui ferme ses frontières aux immigrés est en défaite de ses valeurs

D’Aléma, Jaziri et Kouchner : Une Europe qui ferme ses frontières aux immigrés est en défaite de ses valeurs

«Une Europe de 480 millions d’habitants qui refuse d’accueillir 100 000 immigrés en détresse et partager avec eux sa prospérité, les laisse en naufrage et accepte de faire de la méditerranée, maculé de sang, la mer de la mort, est une Europe qui est en défaite de ses valeurs»! L’ancien chef du gouvernement italien, Massimo D’Alema ne se retient pas pour laisser s’exprimer toute son indignation. «Souvenez-vous, poursuit-il, la moitié des Argentins sont d’origine italienne, comme 25 millions de Brésilien, comme l’actuel maire de New York. Et voir que l’Italie s’oppose aujourd’hui à accueillir des réfugiés! C’est quoi 100 000 immigrés par rapport à 480 000 d’Européens, dans cette région la plus riche ? Fermer les frontières, ce n’est pas seulement inhumain, c’est une bêtise!»

Face aux autres panélistes du débat sur l’immigration intitulé : «D’une rive à l’autre: la question des migrants», lors des Journées de Tunisie organisée lundi à Tunis par l’Obs, il monte au créneau. Houcine Jaziri, ancien secrétaire d’Etat de l’Immigration (2012 – 2013) et député à l’Assemblée des Représentants du Peuple opine de la tête. Bernard Kouchner, ancien ministre français des Affaires étrangères et européennes (2007 - 2010), se rappelle l’action conjointe menée au Kosovo. Quant à Marie Memonnier, journaliste de l’Obs qui modère les débats de ce panel, demande à aller encore plus loin dans l’explicitation. 

D’Alema s’indigne de «cette attitude cynique de la droite populiste européenne qui profite de la situation pour faire propager les sentiments de peur et d’insécurité et veut verrouiller les frontières». «Il nous faut une politique européenne d’asile, lance-t-il. Je n’ai pas le rêve, mais le souvenir d’une autre Europe, rappelle-t-il. Pendant la guerre du Kosovo, Bernard Kouchner en témoigne, nous avons accueilli 300 000 réfugiés, sur de simples coups de fil. J’étais président de conseil en Italie et j’ai appelé moi-même, mais homologues. Nous avons immédiatement réglé la question. Sans attendre, c’est nous qui avons envoyés nos avions et nos bateaux les chercher».

Kouchner acquiesce mais ne se rallie pas aujourd’hui à cette position. «Nous devons apporter plus de souplesse dans l’octroi des permis de séjour pour les réfugiés et leur offrir mieux d’accueil».

Houcine Jaziri rappelle le drame des migrants clandestins, des perdus de vue, de ceux qui, sans papier, s’exposent à la précarité et à l’exploitation. S’il souligne la vigilance de la Tunisie pour surveiller ses côtes, lutter contre les organisateurs des traversées clandestines et empêcher les départs à partir de ses rivages, il déplore que l’Europe ne fasse pas les gestes qui s’imposent à l’égard des réfugiés. «Nous faisons tout, nous les Tunisiens, pour nous rapprocher de l’Europe, mais nous n’avons pas le sentiment que l’Europe se rapproche de nous», martèlera-t-il.
D’Alema rebondit à juste titre sur la question de la main d’œuvre clandestine exploitée en Europe. «Vous savez qu’en Italie, les immigrés sans papier produisent 12% du PIB, sans la moindre reconnaissance, ni protection. S’ils partent du jour au lendemain, imaginez alors ce qui peut se passer. Si nous voulons maintenir un rapport équilibré entre population active et retraités, nous avons besoin en Europe, d’ici 2100, de pas moins de 30 millions d’immigrés ? Où irons-nous les chercher?».
Dans sa plaidoirie en faveur des «boat people»  africains, D'Alema a oublié de rappeler qu'au  début des années 50 du siècle dernier, des rafiots bondés  accostaient sur les rivages du Cap bon pour y déverser les centaines de sans-papiers sicilens qui fuyaient la misère qu régnait dans leur ile.