News - 13.04.2015

Nos indicateurs sociaux clignotent au rouge !

Nos indicateurs sociaux clignotent au rouge !

La question qui devrait tous nous hanter: Quelle Tunisie voulons-nous laisser à nos enfants et petits-enfants?
Dans son rapport du mois de Mars, l’Observatoire Social Tunisien , va annoncer des chiffres qui m’ont interpellée et j’ai décidé de réagir sur trois d’entre eux car je pense qu’il n’est de l’intérêt de personne de les ignorer:

1. Le mois de Mars 2015, des familles tunisiennes ont eu à vivre l’horreur de 70 tentatives de suicide, donc une moyenne de plus que 2 suicides par jour ! Premièrement, une tentative de suicide est un vrai drame pour n’importe quelle famille qui le vit. C’est aussi un drame pour l’entourage et les amis. Un sentiment de culpabilité, mêlé de peine profonde et d’angoisse permanente vis-à-vis de celui qui a voulu attenter à ses jours…bref une situation trèscomplexe et ayant un impact réel et sérieux qui ne peut être guéri ou du moins soulagé sans des séances de psychothérapie. En général, il est rare que celui ou celle qui a voulu mettre fin à ses jours bénéficie de tels soins ! Or, il faut comprendre et apprécier le degré de détresse que cette personne a atteint au point qu’elle a jugé que la seule échappatoire serait le grand départ vers un monde qu’elle espère meilleur. Il est tout aussi rare que les membres de la famille et le grand entourage bénéficient d’une prise en charge psychologique, laissant ouverte une blessure qui ne cicatrisera peut être jamais. Il serait par ailleurs dramatique que nous nous habituions, en Tunisie,à ce phénomène et que cela devienne juste des statistiques. Le pire c’est que cette détresse a atteint les enfants que nous croyions prémunis contre ce danger car naïvement, nous pensions qu’ils étaient, par nature, innocents et que des idées aussi sombres ne pouvaientmême pas leur venir à l’esprit. Il est grand temps que nous arrêtions d’être naïfs et que nous prenions collectivement conscience de l’importance d’agir au plus vite. Je ne parle pas ici de ce que le gouvernement devra faire. Il est bien entendu responsable et il va de soi que la Commission interministérielle, récemment créée, devra présenter au plus vite sa stratégie et commencer à l’implémenter car il y a péril en la demeure.

Ce que je propose : c’est que les associations établissent dans chaque village un numéro de téléphone gratuit que toutes les chaines de télé et de radios devront publiciser au maximum afin qu’il n’y ait aucun tunisien qui ne connaisse ce numéro. Au bout du fil, des volontaires qui auront été au préalable formés, pour recueillir ce genre d’appel de détresse et qui feront tout leur possible pour dissuader la personne et surtout l’enfant qui les appelle de passer à l’acte mais qui en plus essayeront de faire le suivi de chaque cas afin qu’il ou elle soit pris en charge par ladite commission ministérielle, en plus de l’école, du médecin de famille, El-Omda et l’imam de quartier, etc.Tous ces efforts devront résoudre le problème qui a poussé cette personne à penser au suicide afin qu’elle ne refasse jamais aucune tentative.
Le slogan auquel nous devrons tous aspirer et nous rendre responsables serait :
Zéro tentative de suicide d’ici à décembre 2015.

2. Au mois de Mars, 81 personnes en grève de la faim : Prendre la décision de se priver de nourriture pour protester et faire entendre sa voix, est un acte tellement grave qu’il ne faut jamais le prendre à la légère et auquel nous ne devons jamais nous habituer. Un tel acte, au-delà de sa symbolique, enfui une certaine autodestruction, auquel aucun d’entre nous ne devrait être acculé à faire etcertainement pas en 2015. Car si sous l’ancien régime,où rien n’était permis, nous pouvons comprendre un tel geste, c’est un vrai déshonneur pour tous les tunisiens d’accepter que certains de nos compatriotes soient poussés à le faire. Car il faut bien le comprendre, un tel geste est vraiment le dernier recours ! Si quelqu’un décide de l’exécuter, c’est qu’il aura tout tenté au préalable et a eu à faire face à un silence total de l’administration, des politiciens et autres, et en désespoir de cause, il préfèrera y recourir. Il ne faut pas banaliser ce geste car il n’est pas normal que nos compatriotes y recourent sans qu’on se sente tous responsables.

Ce que je propose : Le gouvernement doit nommer un médiateur, pour qui la médiation et une passion et résoudre les problèmes, une vocation. Il devra rapidement rétablir la confiance entre les deux parties, comprendre le bien-fondé de l’affaire, proposer une solution et fasse le suivi jusqu’à la résolution de toute l’affaire, avec à la clé un point de presse pour expliquer les tenants et les aboutissants ainsi que les leçons apprises. Ceci fera comprendre à l’administration comment traiter de cas pareils dans le futur afin de ne plus croire qu’ils peuvent pousser qui que ce soit à une grève de la faim en toute impunité. Car, comme le savons tous:l’une des plus grandes menaces à la démocratie et à la liberté c’est l’impunité.
Le slogan auquel nous devrons tous aspirer et nous rendre responsables serait :
Zéro grève de la faim d’ici à Décembre 2015.


3. Au mois de Mars, 160 mouvements sociaux improvisés, (n’incluant pas les secteurs de l’éducation et du transport) pour réclamer du travail ou la régularisation de leur situation sociale. Nous ne réussirons pas à résoudre ce genre de conflit, si nous continuons à le faire au coup par coup. Le peu de patience que tout le monde avait le jour du départ de Ben Ali, s’est envolé au fil des jours, durant les quatre dernières années. Imaginer que les revendications sociales vont s’arrêter magiquement est naïf, les laisser se poursuivre de la sorte est suicidaire. Il y a tellement de propositions que beaucoup de tunisiens sont en train d’offrir presque quotidiennement sans qu’il semble qu’il y ait qui que ce soit à l’écoute, prêt à les discuter et à en implémenter les meilleures. Que des citoyens compétents continuent à proposer des idées prouve qu’il existe une catégorie de tunisiens qui a encore de l’espoir et une foi en l’avenir de la Tunisie. Malheureusement c’est une catégorie qui est en voie de disparition car un jour, elle va se lasser et décider de se taire ne voyant pas le moindre signe d’une volonté réelle de changer la réalité. Pire, en faisant cela, ils laisseront la place à ceux qui voudraient voir la situation pourrir jusqu'à un point de non-retour! La Tunisie connaîtra alors plus de violence de toutes sortes, plus de jeunes attirés par le discours de haine, plus de candidats à l’émigration clandestine, plus d’usagers de drogue et une situation économique et sociale encore plus cauchemardesque qu’elle ne l’est maintenant, si tant est que cela soit possible !

Ce que je propose: Chaque Ministre doit, premièrement, comprendre que son équipe, seule, ne pourra pas résoudre des problèmes accumulés depuis plusieurs années. Il devra aussi comprendre qu’il n’y a aucun mal à demander de l’aide quand on en a besoin, bien au contraire, c’est d’ailleurs le premier cours que j’ai appris en Leadership, il y a quinze ans de cela. Chaque Ministre devrait faire un appel aux compétences tunisiennes, basées à Tunis ou à l’étranger, jeunes ou moins jeunes, ou à la retraite, qui ont des idées immédiates pour résoudre un problème urgent sans que cela nécessite un investissement important (ou ramener une promesse de cet investissement) et se porter volontaire pour assurer le suivi jusqu’à la résolution complète de ce problème. Ces multitudes d’actions entreprises, au même moment, dans différents secteurs, contribueront à résoudre les problèmes urgents et à restaurer la confiance dont on a tous besoin durant cette période très spéciale de notre histoire.
Le slogan auquel nous devrons tous aspirer et nous rendre responsables serait :
Redessiner 11 millions de sourires sur le visage de chaque tunisien et tunisienne d’ici à Décembre 2015.

Khadija T. MOALLA, PhD
P.S : Je ne le répéterai jamais assez : « Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard, gouverner, c’est prévoir »P. M. France.