News - 04.04.2015

Habib Essid: Tout doit se mériter et tous doivent être exigeants

Habib Essid: Tout doit se mériter et tous doivent être exigeants

Dans la tempête, il faut savoir s’abriter. Mais pour Habib Essid, il n’a d’autre choix que d’affronter les impondérables avec les moyens du bord et des fortunes diverses. A mi-parcours de ses premiers 100 jours à la tête du gouvernement (déjà!), il se rend compte que tout s’accélère fortement. Les incidents de Dhehiba, les inondations à Jendouba et l’attaque du Bardo : il n’aura point de répit.

«Malgré ces évènements majeurs qui ont quelque peu perturbé nos programmes au quotidien, confie-t-il à Leaders, nous avons continué à travailler sur l’essentiel. Relancer sans cesse la machine, redonner confiance à l’administration, débloquer les chantiers à l’arrêt et engager les réformes, aussi douloureuses soient-elles : autant d’urgences qui exigent la restauration de la sécurité et la consolidation de la paix sociale». Arrivé au bureau à 6 heures du matin, précédant le feu follet de la journée, il profite du grand silence du téléphone pour se mettre à l’ouvrage.

Autant il peut paraître austère et peu loquace dans ses apparitions publiques —son adresse télévisée à la nation l’a malheureusement souligné en sa défaveur—, autant il est à l’aise dans les entretiens individuels et les réunions.

Habib Essid n’a jamais prétendu être un grand tribun et ne saurait rivaliser avec un Béji Caïd Essebsi passé maître en la matière. Gardant sa sérénité, vent debout, il fait face à la houle. A sa manière. Le président de la République lui a décerné publiquement un grand satisfecit. «Ce gouvernement est stable, appelé à durer longtemps, dira-t-il dans son discours du 20 mars dernier, et fait très bien son travail.» Par ces temps de fortes turbulences, l’onction de Carthage est précieuse.

La double opportunité

L’attaque du Bardo a fourni à Habib Essid une double opportunité. La première est d’intensifier le ménage qu’il a initié au ministère de l’Intérieur. Des têtes sont tombées, d’autres le seront bientôt et toutes les fois que des défaillances sont constatées. La seconde est de se réunir, pour la première fois, avec les chefs de partis.

Le soir même de l’attaque, il les avait invités à une rencontre à la Kasbah pour leur  fournir les premiers détails disponibles, et surtout les écouter. Les échanges collectifs, difficiles au début de la réunion, sous le coup de l’émotion, ont rapidement convergé vers le resserrement des rangs et la cohésion nationale, ce dont le gouvernement Essid a le plus besoin, pour combattre le terrorisme et mener les réformes. Les urgences sont nombreuses et l’appui politique est déterminant.

Le plan des 100 jours consignant plus de 130 mesures prioritaires s’avère trop ambitieux pour certains, et pas assez pour d’autres. Aura-t-il le temps de tout réaliser, lui qui connaît bien le rythme de l’administration, surtout qu’il a accusé du retard à l’allumage, comme l’ont relevé certains observateurs? «Déjà, près de 25% de ces mesures ont été exécutés, assure-t-il. D’un côté, nous devons combattre le terrorisme, et de l’autre, réussir la transition économique et le développement du pays. Chaque ministre est à l’œuvre. Je leur apporte mon soutien, gardant le cap. J’assumerai le bilan, je suis confiant.»

L’imprégnation sur terrain et la décision en concertation

La méthode de travail adoptée par Habib Essid repose sur deux grands piliers : les visites sur le terrain, son «bol d’air frais», et les séances de travail, courtes, mais bien préparées. D’emblée, il avait choisi deux sorties symboliques dans les régions. La localité d’Essaida (Regueb), en hommage au berceau de la révolution, Sidi Bouzid, et Fernana, qui accuse les indicateurs de pauvreté les plus alarmants, au milieu d’une région (la Kroumirie) richement choyée en eau, liège et autres ressources naturelles. Entre ces deux visites-symboles, il s’était rendu à Tataouine et Médenine, dans une série de déplacements devant le conduire dans pas moins de 14 autres gouvernorats durant l’année en cours. C’est ainsi qu’il compte se rendre prochainement à Jendouba, Le Kef, Kasserine, Gabès, Kebili et Tozeur, pour ne citer que les tout premiers.

Mais, il n’y a  pas que l’intérieur du pays au programme de ses déplacements. Habib Essid doit répondre à une série d’invitations à l’étranger. Pour le moment, il a fixé deux priorités : l’Algérie, «pays voisin, frère et allié», et Bruxelles, pour l’Union européenne.

Les messages sont clairs

«Dans le feu de l’action, certains ne s’en rendent pas compte, rappelle Habib Essid. En moins de 50 jours à la Kasbah, on aura tenu 5 conseils des ministres, soit quasiment une moyenne d’un conseil tous les dix jours, et pas moins de 21 conseils ministériels restreints dont deux dans les régions». Un rythme très soutenu qui met la pression sur les ministres tant pour qu’ils présentent leurs dossiers que pour qu’ils  s’assurent de la mise en œuvre des décisions prises. Ils savent tous en effet que le cabinet du chef du gouvernement s’est doté d’une cellule spéciale de suivi et d’évaluation.

Le mérite et l’exigence

Habib Essid s’inscrit sous le double concept du mérite et de l’exigence. Tout se mérite selon lui : la sécurité se paye, la croissance, la prospérité, la propreté... Tout se mérite : l’indépendance, la liberté, la rémunération... Et se partage ensemble. Quant à l’exigence, c’est pour lui la règle de base. Le laisser-aller, la nonchalance, la négligence, les abus en tous genres et tant de mauvaises habitudes prises ces dernières années n’ont plus droit de cité. L’exigence commence par soi-même. Sans aller jusqu’à prôner une tolérance zéro, Habib Essid prévient qu’il ne se laissera pas faire. Il en a déjà offert des prémices en limogeant non seulement des chefs sécuritaires, mais aussi de hauts cadres de l’administration et procédé à un premier mouvement dans le corps des gouverneurs, en attendant le second prévu cet été.

Limoger, oui, mais surtout placer les bonnes personnes aux bons endroits. Le chef du gouvernement a identifié les points critiques à renforcer, à divers niveaux, sans oublier les entreprises publiques. Saura-t-il trouver alors les grosses pointures les mieux indiquées. «Qui cherche trouve, nous répond-il. Il faut que les structures, toutes les structures, reprennent leur fonctionnement. Le plus rapidement et efficacement possible».

T.H.