News - 22.01.2010

Ce que Ben Ali exige de ses ministres : écoute, esprit d'initiative, respect de l'opinion contraire et ouverture sur les compétences

«Nous sommes dans un pays démocratique pluraliste où l'information est libre et le citoyen responsable. Nous devons, dès lors, respecter l'opinion contraire, accepter la critique constructive, tirer profit de toute suggestion judicieuse et de toute évaluation utile, et fournir, aux journalistes et aux citoyens, l'information exacte et le renseignement voulu, avec franchise et réalisme ». Une à une, les phrases sont prononcées sur un ton républicain, dans un moment qui fera date. Dans la grande salle du Conseil des Ministre au Palais de Carthage, plongée ce vendredi dans un silence attentif, le Président de la République, Zine El Abidine Ben Ali, ponctue solennellement, devant les membres du nouveau gouvernement qu’il vient de former, chaque message, murement réfléchi, clairement exprimé, fermement adressé.

Fort du verdict des urnes qui a plébiscité son programme 2009-2014, fidèle au serment qu’il a prêté, exerçant souverainement et en toute sérénité le commandement de la Nation et gardant la maîtrise de l’agenda, le Chef de l’Etat, ont relevé les analsytes, ne pouvait mieux choisir l’opportunité de rappeler les fondamentaux. Bien utilement.

Ecouter, concevoir, réaliser et interagir: le tout en 360° et profondément. «Le ministre est tenu de coopérer avec toutes les compétences et toutes les parties qui peuvent lui apporter le "plus" requis, dans les actions qu'il entreprend et les initiatives qu'il prend (…) Le secrétaire d'Etat n'est ni le rival du ministre ni l'objet de méfiance et de prudence (…) Il est, désormais, impératif de rompre définitivement avec l'hésitation dans la prise de décision concernant une question donnée, sous prétexte d'attendre des consignes ou des ordres venant d'en haut ». Chaque phrase vaut son pesant d’or.

Un véritable lexique républicain

Cadrant l'action gouvernementale pour la prochaine étape, le chef de l’Etat rappelle les règles républicaines que chacun doit observer, pour que les efforts des uns et des autres soient opérants, conformes aux choix initiés par le Président de la République, et en tout cas parfaitement adaptés aux exigences des nouvelles données nationales et internationales. Il a particulièrement cité l'effort de réflexion et de conception, l'entente parfaite entre le ministre et son secrétaire d'Etat, la concertation, la coordination, la complémentarité entre les différents départements ministériels, la capacité d'écoute de "l'opinion contraire" et notamment des critiques de la presse ou les griefs du public (le feedback est toujours salutaire à l'exercice de la démocratie) comme préalables au succès de l'action gouvernementale. Tout en insistant sur une qualité à ses yeux essentielle: le courage de prendre les décisions et d'user de ses prérogatives, sans attendre une décision qui viendrait d'en haut.

Ce qui vaut pour les membres du gouvernement, le vaut aussi pour les grands commis de l’Etat et l’ensemble des cadres du pays. Ils sont tous concernés. 

Un message à la fois concis et cohérent, un véritable lexique où transparaît à travers chaque ligne, chaque mot, la volonté de respecter les engagements pris devant le peuple de le servir tout en s'employant à mettre tous les atouts de son côté. Le Président  de la République n'affectionne pas particulièrement les envolées lyriques et les effets de manche. C'est pourquoi, ses discours suscitent moins l'enthousiasme sans lendemain que l'adhésion réfléchie. A ce titre, il nous interpelle tous.  

Ci-après le texte intégral de l'allocution du chef de l'Etat*

Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

Nous ouvrons, aujourd'hui, avec la bénédiction de Dieu, les travaux du premier Conseil des Ministres à se tenir à la suite du récent remaniement ministériel.

Il nous plaît, en cette circonstance, de vous exprimer, à tous, nos vives félicitations pour les responsabilités gouvernementales qui vous ont été confiées, et de vous souhaiter la pleine réussite dans votre mission.

L’hommage aux sortants

Nous saisissons, en outre, cette occasion pour exprimer à vos prédécesseurs, les ministres et secrétaires d'Etat qui ne font plus partie du gouvernement, nos remerciements et notre considération pour les efforts qu'ils ont déployés et les services qu'ils ont rendus, tout en les assurant de notre souci de les entourer de la sollicitude qu'ils méritent, et de mettre à profit leur expérience, dans de nouvelles fonctions.

Le sens du remaniement

Dans ce contexte, nous tenons à souligner que le récent remaniement ministériel s'inscrit dans le cadre de notre volonté de développer l'action du gouvernement, en fonction de chaque étape, de ses spécificités et de l'impératif d'adaptation permanente aux nouvelles données nationales et internationales.

Le Respect du Serment

Votre prestation de serment devant le Président de la République est une consécration aussi majeure que cruciale de l'engagement que vous avez pris de respecter le texte de votre serment, dans l'accomplissement de votre tâche, afin d'être dignes de la confiance et de la responsabilité dont vous avez été investis, et de démontrer, avec compétence et aptitude, que vous êtes du meilleur exemple.

La mission du gouvernement

Il est sans doute utile de réaffirmer, à cet égard, que la formation gouvernementale œuvre à mettre en exécution la politique générale que le Président de la République trace dans tous les secteurs et domaines spécialisés, et cela en coordination avec Monsieur le Premier ministre et sous son suivi.

Le rôle du Premier Ministre

Monsieur le Premier ministre est aussi chargé, dans le cadre des choix que définit le Président de la République, de faciliter le travail aux membres du gouvernement, dans l'accomplissement des tâches qui leur sont confiées, et de les orienter vers les solutions à prendre en cas de problème ou de difficulté.

Il est, en outre, chargé d'assurer la liaison et la complémentarité entre plusieurs ministères, lorsqu'il s'agit d'une question donnée requérant la conjonction des efforts et des moyens dans l'action du gouvernement.

Etre ministre

Quant au ministre, il est le premier responsable en charge de toutes les questions qui intéressent son département et le personnel y travaillant, aux plans de l'administration, de la gestion, de l'approche et de l'exécution.

Le secrétaire d’Etat

De son côté, le secrétaire d'Etat n'est ni le rival du ministre ni l'objet de méfiance et de prudence, mais plutôt l'assistant du ministre, étant appelé, lui aussi, à assumer sa part de responsabilité dans la gestion du ministère, dans son domaine de compétence, sous la tutelle du ministre concerné, car le ministre et le secrétaire d'Etat travaillent, l'un comme l'autre, dans un cadre collectif, fait de coopération, de complémentarité et d'harmonie.

La mission du ministre

La tâche du ministre va au-delà de la supervision du fonctionnement des rouages de son département, pour s'étendre à la coordination entre les diverses directions, les différents services et organismes qui en dépendent, à la stimulation de leurs activités, à l'amélioration de leur rendement, à la promotion de leurs prestations et au perfectionnement de la gestion des ressources humaines et des moyens matériels dont ils disposent.

Coopérer avec toutes les compétences

Le ministre est tenu de coopérer avec toutes les compétences et toutes les parties qui peuvent lui apporter le "plus" requis, dans les actions qu'il entreprend et les initiatives qu'il prend.

Pas d’hésitation, sous prétexte d’attendre les consignes

Il est, désormais, impératif de rompre définitivement avec l'hésitation dans la prise de décision concernant une question donnée, sous prétexte d'attendre des consignes ou des ordres venant d'en haut.

Car, le ministre jouit de toutes les prérogatives que nous lui avons attribuées pour qu'il puisse prendre la décision appropriée au moment approprié, concernant toute question dont il est saisi et relevant de sa compétence ; sauf dans des cas exceptionnels revêtant un caractère délicat et une difficulté donnée.

Gestion des affaires de l’Etat, mais aussi réflexion, conception et esprit d’initiative

D'un autre côté, la mission du ministre ne se limite pas au règlement des problèmes existants ni à l'accomplissement des tâches courantes, mais va bien au-delà pour s'étendre à l'impératif d'effort de réflexion, de conception et d'initiative, dans le contexte d'une stratégie pratique exhaustive dans le traitement des problèmes posés, l'élimination des obstacles et difficultés, la définition des perspectives, l'élaboration des approches, la présentation de suggestions et l'introduction du dynamisme et de l'esprit d'effort collectif dans les activités de son ministère.

A l’écoute du Citoyen

Notre pays ayant à entamer, durant l'année en cours, l'exécution de notre programme pour le prochain quinquennat, sous le slogan " Ensemble, relevons les défis ", le devoir vous impose, à tous, d'assurer la mobilisation requise pour le suivi de la mise en œuvre de ce programme et de veiller à la concrétisation de ses objectifs, chaque ministère dans le domaine qui lui revient et en coopération avec toutes les parties concernées, en vue de doter la Tunisie d'un surcroît de progrès et d'invulnérabilité et de la hisser au rang des pays développés.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler à Messieurs les Ministres, la nécessité d'accorder l'attention qui s'impose aux " Bureaux des relations avec le citoyen ".

Car, nous voulons que ces bureaux aient pour vocation d'être ouverts aux citoyens pour les accueillir, les orienter et leur permettre d'avoir accès aux prestations administratives dont ils ont besoin, et cela avec la diligence et l'efficience requises, loin de tout aspect de routine et de nonchalance et dans le cadre de la loi et des réglementations en vigueur.

Eu égard à l'importance particulière que nous attachons aux préoccupations des citoyens et à notre souci de satisfaire leurs demandes et de répondre à leurs besoins, nous avons assigné au ministre lui-même la supervision directe des "Bureaux des relations avec les citoyens", afin qu'il en confie la gestion, sous son contrôle, à un haut cadre nanti d'une connaissance approfondie et précise de tous les rouages du ministère et des filières à suivre pour accéder aux prestations requises.

C'est pourquoi nous appelons Messieurs les Ministres à assurer le suivi et le contrôle des activités des "Bureaux des relations avec le citoyen", à leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour accomplir au mieux leur tâche, et à intervenir énergiquement, au besoin, en cas de manquement, d'incapacité ou de négligence.

Nous vous appelons, en outre, à accorder la plus grande attention et le suivi voulu aux observations, rapports et requêtes émanant du Médiateur administratif, de la Cour des Comptes, du Tribunal administratif et du Citoyen superviseur, en vue de les étudier et de trancher à leur sujet, tout en veillant à intervenir auprès des administrations sous votre tutelle, pour qu'elles répondent sans retard et dans les délais légaux et réglementaires en vigueur, à toute plainte, motion, demande ou requête de manière à préserver les intérêts du citoyen, à sauvegarder ses droits et à faire en sorte que l'Administration soit au service du citoyen et non pas à sa charge.

Nous tenons à rappeler, d'un autre côté, que le ministre est tenu de suivre le fonctionnement des divers rouages de son ministère et d'être au fait des lacunes, besoins et griefs éventuels, signalés par la presse ou par les citoyens.

Une interaction avec les médias

Nous réaffirmons, une fois de plus, l'importance que nous attachons aux "Bureaux d'information" des ministères et à leur rôle d'orientation, d'information et de réponse aux questions, observations et critiques portant sur les activités du ministère concerné, sans que cela puisse donner lieu à une quelconque gêne ou embarras.

C'est que nous sommes dans un pays démocratique pluraliste où l'information est libre et le citoyen responsable.
Respecter l’opinion contraire, accepter la critique positive, tirer profit de toute contribution judicieuse et communiquer en toute franchise

Nous devons, dès lors, respecter l'opinion contraire, accepter la critique constructive, tirer profit de toute suggestion judicieuse et de toute évaluation utile, et fournir, aux journalistes et aux citoyens, l'information exacte et le renseignement voulu, avec franchise et réalisme.

En conclusion, nous vous réitérons nos félicitations les plus chaleureuses, en priant Dieu de nous accorder, à tous, la réussite en tout ce qui profite à notre pays et à notre peuple.


(*)NDLR : les intertitres sont de la Rédaction