Opinions - 18.02.2015

Afin que l’Histoire ne nous accuse pas un jour de non-assistance à personne en danger!

Afin que l’Histoire ne nous accuse pas un jour de non-assistance à personne en danger!

Aujourd’hui, 18 février 2015, ma benjamine, fête ses 25 ans ! Aujourd’hui aussi, 4 de nos soldats ont été tués par des terroristes ! Deux de ces valeureux soldats avaient tout juste 25 ans ! Je me suis alors souvenue d’un évènement similaire qui s’est passé cet été. Voici les faits tels que je les avais écrits dans un texte, au mois de juillet !

Il y’a deux semaines, j’ai reçu un email étrange. Une collègue de travail m’a envoyée un email des Etats Unis, qui avait pour sujet : « URGENT, personnel/sans relation avec le travail ». Cette collègue m’informait que son fiancé était à Sabha (Libye) et la compagnie pour qui il travaillait, lui avait intimé l’ordre de quitter la Libye en 24 heures lui et ses 3 autres collègues. Son fiancé était de nationalité européenne ainsi que deux autres de ses collègues et le 4ème de nationalité africaine.

Je lui ai demandée de donner mon adresse skype à son fiancé avec qui je suis tout de suite entrée en contact pour comprendre la situation. Pendant les trois jours qui ont suivi, j’étais connectée avec lui 24 Heures sur 24 pour organiser leur sortie de la Libye.
Psychologiquement, je savais que le fiancé devait avoir un accès direct à mon skype à toute heure de la journée et de la nuit car je sentais qu’il était, avec ses collègues, comme des naufragés accrochés à un bateau de fortune. A ce moment-là, leur nationalité importait peu et aussi le fait que je n’avais jamais rencontré ce fiancé en question. La seule chose qui importait était l’urgence de les faire sortir d’un endroit qui s’est transformé en 24 H d’un lieu de travail sécurisé en un enfer sans nom. Un réseau composé de membres de ma famille et de mes amis et amis de mes amis s’est vite constitué afin de nous assurer qu’ils arrivent tous sains et saufs à Tunis. Plus les heures avançaient, plus l’étau se resserrait avec les pays avoisinant qui fermaient l'un après l'autre leurs frontières. La seule porte de sortie possible restait la Tunisie. Ce jour-là, je me suis sentie tellement fière de mon pays qui avait pris la sage décision de laisser cette sortie de secours pour un pays qui s’embrasait au fil des heures.

A l’aube du 16 Juillet, ils commencèrent un périple de 1000 kms où tout pouvait leur arriver… le même jour un de mes cousins RM prenait la route de Sfax pour les récupérer à la frontière libyenne, au même moment où je prenais un vol pour Melbourne. 24 heures d’angoisse dans cet avion qui m’emmenait prendre part à une conférence mondiale, toutes mes pensées étaient avec eux car j’avais la peur au ventre qu’ils n’atteignent pas notre frontière ! Dans mon dernier skype message, je disais à ce fiancé que ma collègue l’attendait le 2 Aout pour fêter leur mariage et en le taquinant, je lui ai dis que je n’accepterai aucune excuse pour son retard.

A mon arrivée à Melbourne, j’ai découvert qu’ils ont pu franchir la frontière et que RM a pu les escorter et qu’ils étaient sains et saufs à Tunis. Epuisée par 24 H de voyage et d’angoisse, j’ouvre la télé australienne, pour découvrir avec effroi que les passagers d’un vol similaire au mien transportant des participants comme moi à cette conférence mondiale n’ont pas eu le temps de dire un dernier adieu à leur famille !

Paix à l’âme de nos martyrs tombés aujourd’hui, en Tunisie et à tous ceux qui les ont précédés, eux aussi n’ont pas eu la chance de dire un dernier au revoir à tous ceux qu’ils aiment et qui les aiment!

Khadija T. Moalla