Opinions - 21.02.2015

Impressions persanes, ou comment expliquer la montée en puissance de l’Iran ?

Impressions persanes, ou comment expliquer la montée en puissance de l’Iran ?

Bien que, de par mon travail au Ministère des Affaires Etrangères, je me sois rendu en Iran à de nombreuses reprises au cours de la dernière décennie du XXe siècle et la première décennie du XXIe siècle, je n’ai pu découvrir certaines particularités de la réalité iranienne que lorsque j’ai eu l’honneur et le plaisir de représenter la République Tunisienne à Téhéran entre 2011 et 2012.

Mon séjour en Iran fut court puisqu’il n’a duré qu’une année seulement. Cependant, il a été, suffisant pour changer l'image que j’avais de ce pays, et que je m’étais faite, en grande partie, à partir des informations, des reportages et des analyses  habituellement diffusés par les médias occidentaux qui prétendent être objectifs mais qui sont, souvent, en manque d’objectivité.

En ces jours où les iraniens célèbrent le trente-sixième anniversaire de leur révolution, je voudrais évoquer quelques impressions que j’ai eues sur l’Iran, et qui ont bousculé nombre de «préjugés» nourris par presque quatre décennies de «relations conflictuelles» entre la «révolution islamique» et l'occident, et, par extension, entre elle et les arabes, ou du moins une partie des arabes...

La coïncidence de l'anniversaire de la révolution iranienne avec la poursuite des négociations entre Téhéran et le groupe des cinq plus un (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Chine et Russie, plus l'Allemagne) sur le programme nucléaire iranien est, peut-être, le meilleur point de départ pour parler de mes impressions sur l'Iran.

Sans nul doute, le consentement des pays occidentaux qui jusqu'à un an et quelques mois ne se lassaient pas de proférer toutes sortes de menaces à l’encontre de Téhéran, à négocier avec lui constitue un retournement substantiel dans leur position vis-à-vis de l’Iran. Ce retournement n’est pas le produit du hasard... Il a pour origine, au moins partiellement, le fait que ces pays ont finalement changé de «lunettes» et réalisé que leurs menaces sont inutiles et que le recours à la force pour régler le problème du programme nucléaire iranien n’est plus de mise, particulièrement dans la conjoncture régionale et internationale actuelle.

Aujourd’hui et après trente-six ans de confrontation entre les deux parties, les États-Unis et les pays occidentaux semblent être satisfaits de l'Iran, et n’excluent plus que Téhéran, après avoir longtemps été leur pire ennemi, redevienne leur meilleur ami dans la région.

En effet, l'Iran pourrait, volontairement ou involontairement, constituer pour eux, un allié objectif dans la guerre qu’ils mènent contre l’«Etat Islamique en Irak et au Levant»...

Sur le plan économique, au cas où les négociations sur le dossier nucléaire aboutiraient et les sanctions seraient levées, l’Iran avec ses 80 millions d’habitants et ses immenses ressources naturelles peut représenter un marché vaste et prometteur, tant pour les produits que pour les investissements occidentaux.

À mon avis, le passage des pays occidentaux de la sphère de la menace à la sphère de la négociation constitue une réussite pour l’Iran, non seulement dans la gestion de son dossier nucléaire, mais aussi dans la gestion de ses relations complexes et compliquées avec l'occident.

C'est une conséquence logique de l'émergence de l'Iran en tant qu’une puissance régionale avec laquelle doivent compter  les pays voisins et les pays occidentaux, et à leur tête les Etats-Unis d’Amérique.

D’aucuns essayeraient de justifier le retournement de l’attitude des pays occidentaux par le changement du comportement de l'Iran à leur égard. Pour eux, l'élection du Président Hassan Rouhani connu pour sa modération et son appartenance au camp des réformistes a été dictée par la détérioration de la situation économique en Iran, suite au resserrement du blocus. Elle a donc été un facteur qui a favorisé le réexamen par les pays occidentaux de leur politique vis-à-vis de l'Iran...

 

Bien que je n’exclue pas la contribution de cet élément à la facilitation du rapprochement des deux parties,  je crois, pour ma part, que l'élection d'un modéré comme le Président Hassan Rouhani, n'est pas une première dans l'histoire du régime iranien. En fait, ce genre de «stratagème» semble constituer, comme on le verra plus loin, une partie intégrante de la ligne de conduite avisée que l'Iran a toujours adoptée dans l’approche de ses relations avec l'occident. De ce point de vue, il est l’un des nombreux facteurs qui ont contribué au succès de la politique étrangère iranienne...

Mais quels sont donc ces nombreux facteurs?

C’est à cette question que je vais essayer de répondre dans ce papier.

Me basant sur ce que j’ai vu et entendu au cours de mon séjour en Iran, je pense que ces facteurs peuvent être résumés en ce qui suit :

1/ le sage usage par l’Iran de sa situation géopolitique face aux sanctions et à l'embargo

Il ne fait aucun doute que l'Iran, qui a une superficie de 1,648195 millions de km2 (environ dix fois la superficie de la Tunisie) a su mettre à profit l’étendue de son territoire, sa diversité et sa richesse en ressources naturelles pour surmonter les sanctions qui lui sont infligées et limiter leurs effets néfastes sur sa croissance.

De même, l'Iran qui a des frontières communes avec l’Irak, la Turquie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan, l’Afghanistan et le Pakistan et qui a de longues côtes sur la mer Caspienne dans le Nord (740 km) et sur le Chatt al-Arab, le Golfe Arabique/Persique et le Golfe d'Oman, dans le Sud (1710 km) a su employer sa position stratégique pour alléger, autant que possible, le poids de l’embargo, et parfois même pour l’enfreindre,  et ce par le recours  à des formes inventées (et la nécessité est la mère de l'invention) d'échange et de coopération avec les États voisins dont les intérêts s’enchevêtrent avec les siens, et ne sont pas nécessairement compatibles avec ceux des États-Unis d'Amérique et de l'occident en général.

En d'autres termes, on peut dire que l'Iran a bien utilisé les atouts qui lui sont conférés par sa situation géopolitique pour se tailler une place centrale dans la région, et pour jouer le rôle d'un acteur incontournable dans la recherche de ses équilibres politique, militaire et économique, présentement et dans le futur.

2/ la remarquable ingéniosité de l’Iran à faire du handicap des sanctions un stimulant au progrès

A mon arrivée en Iran, une chose a tout de suite attiré mon attention. Il s’agit d’une rubrique que certains journaux iraniens ont l’habitude de consacrer, quotidiennement  dans leurs premières pages, à la présentation des nouvelles découvertes, inventions et réalisations scientifiques de leur pays dans tous les domaines.

Grâce à cette rubrique, j’ai pu, personnellement, découvrir le dynamisme et la vivacité dignes d'admiration de la recherche scientifique en Iran.

A mon avis, l'Iran à bien assimilé la signification du verset coranique qui dit «Telle chose abhorrée de vous peut être un bien». Il a, en effet, vu dans les sanctions qui lui ont été imposées, et qui, parfois, ont privé son peuple de ses besoins les plus vitaux, comme les médicaments, un facteur catalyseur, et non un facteur inhibiteur, qui l’a incité à compter sur lui-même et à développer ses capacités scientifique, technique et industrielle pour satisfaire ses différents besoins...

C’est ainsi que l’Iran a pu, malgré toutes les tentatives visant son isolement, poursuivre sa croissance, peut être avec un rythme plus rapide qu'il n’aurait été s’il n’était pas sous embargo. La preuve en est qu’aucun de ses voisins, surtout arabes, n’a pu réaliser autant d’acquis, ou bien parce qu’il n’a jamais eu l’envie de le faire, ou bien parce qu’il n’en a point senti le besoin, puisque les pays occidentaux sont constamment en compétition pour l’inonder de leurs produits, sans aucune restriction...

Les pays occidentaux reconnaissent qu’en dépit et peut-être à cause de l’embargo, l'Iran possède, aujourd'hui, une plateforme très développée d’universités, de laboratoires, de centres de recherche et d’institutions scientifiques de très haute qualité. Plus important encore, il dispose d’une légion de scientifiques dans tous domaines, parmi les meilleurs du monde...

Il convient de noter, dans ce contexte, que l'Iran avait appris de la «guerre absurde» qui l’a opposée à l'Irak durant huit ans dans les années 1980, de si utiles leçons. Le blocus militaire qui a été décrété contre lui par les pays occidentaux, lui a appris qu’un pays incapable de produire ses propres armes ne peut pas avoir les moyens de sa défense. Il a donc donné une grande importance à développer son industrie militaire, ce qui s’est répercuté, positivement, sur ses diverses industries civiles qui n’ont pas cessé d’évoluer d’une manière sensible...

Je crois que le haut niveau atteint, aujourd'hui, et par les industries militaires et par les industries civiles de l'Iran, donne la meilleure preuve de la dextérité et de l'efficacité de ce que le Guide Suprême Iranien appelle la «théorie de l’économie résistante», théorie qui repose sur une idée essentielle, stipulant que tout pays qui se respecte doit savoir traiter avec le monde, sur le plan économique, avec une souplesse minutieusement calculée afin de ne pas transiger sur son indépendance, ou de faire des concessions sur ses principes et ses objectifs nationaux...

3/ la perception positive du facteur démographique

Tout au long de mon séjour en Iran, je n’ai jamais vu ou entendu un responsable iranien se plaindre de la croissance de la population de son pays, ou des répercussions que cette croissance peut avoir sur le processus de son développement...
Ceci signifie que, contrairement à ce que nous voyons et entendons dans plusieurs pays arabes, l'Iran considère que sa démographie est une source de force et non pas de faiblesse, et que sa croissance est un moyen de stimuler son développement et non pas de le freiner.

D’aucuns pourraient dire que cette perception est liée à la richesse de l'Iran. Ceci est peut-être vrai, mais seulement dans une certaine mesure, car je pense que la perception du facteur démographique dans un pays quelconque n’est pas tributaire du volume de ses richesse mais de la mentalité de ses dirigeants, laquelle mentalité est parfois vaillante et entreprenante, comme en Iran, et parfois déficiente et faible, comme dans maints pays arabes dont les dirigeants persistent à imputer la détérioration des situations économiques de leurs pays à l’inaptitude de leurs taux de développement à suivre le rythme de la croissance de leurs populations...

L’ambassadeur Mohamed Hsairi présentant ses lettres de créance au Président Mahmoud Ahmadinejad le 30/10/2011.

4 / le caractère mouvant du système politique iranien:

Parmi les facteurs qui ont permis à l’Iran de résister aux difficultés qui lui ont été créées par les sanctions et l'embargo, il y a le système politique qu’il a adopté et qui est un système «mouvant» et non pas «inamovible» comme c’est le cas dans nombre de pays arabes.
En vertu de ce système, l'Iran a vu, durant les 36 dernières années, la succession de sept présidents.

En revanche, le Président libyen Mouammar Kadhafi a gouverné pendant quarante deux ans, le Président yéménite Ali Abdullah Saleh pendant trente quatre ans, le Président égyptien Hosni Moubarak pendant trente ans et le Président tunisien Zine El Abidine Ben Ali pendant vingt-trois ans...

En outre, il y a parmi les sept présidents iraniens, certains qui sont considérés comme conservateurs, et d’autres qui sont considérés comme réformateurs. Ceci s’applique, par exemple, au Président Mahmoud Ahmadinejad et son successeur le Président Hassan Rouhani qui est venu, ou qu’on a fait venir, non pas seulement grâce au vote des forces libérales, mais aussi et surtout grâce à la volonté ou, au moins, le consentement du Guide Suprême et des hautes autorités politiques, religieuses et même sécuritaires dont il a fait partie tout au long de sa carrière, et qui ont jugé utile de le mettre sur le devant de la scène pour casser l’isolement du pays, rompre le blocus économique international et réduire l’effet de leurs retombées sur la situation intérieure.

À mon avis, cette alternance entre conservateurs et réformateurs, entre durs et modérés n’est pas fortuite. Par contre, elle est mûrement réfléchie, et est utilisée par le régime comme un moyen pour absorber tout sentiment de mécontentement ou de colère populaire, sur le plan interne, et atténuer les pressions internationales, sur le plan externe.

En d’autres termes, c’est une ligne de conduite qui conjugue rigueur et relâchement, afin d’éviter la rupture entre le régime et le peuple, d'un coté, et entre lui et la communauté internationale, de l'autre.
Il n’est pas inepte de dire que les événements ont,  jusqu’ici, prouvé la justesse de l'approche choisie par le régime iranien dans la gestion aussi bien de ses affaires intérieures que de ses affaires extérieures... Parmi les signes révélateurs de cette justesse, je citerai, à titre d’exemple, la résistance de la révolution iranienne aux énormes difficultés internes qu’elle a rencontrées à ses débuts, puis la résilience du régime iranien face à la guerre contre l'Iraq, aux retombées régionales et mondiales de la chute du mur de Berlin, ainsi qu’aux problèmes engendrés par le dossier nucléaire.

Et puis, il faut dire que ce régime, même s'il est loin de donner satisfaction à l'ouest et de répondre à ses normes de démocratie, a pu préserver l'Iran d'un sort semblable à celui des pays arabes qui ont été secoués par les «révolutions» de ce qu’on a appelé le «printemps arabe». De même, il a pu arriver à un point qui lui permet de négocier avec l'occident, à partir d'une position forte, qui peut affecter les moyens et les méthodes, mais sans porter atteinte aux fondements et aux principes, et qui peut avoir recours au pragmatisme,  mais sans, se défaire de ses bases idéologiques...

Autrement dit, il est toujours prêt, dans l’approche de ses relations avec l'occident, à alterner coopération fondée sur le respect de ses principes et objectifs nationaux, et accrochage calculé en fonction de l’évolution des conjonctures.

5/ le recours à la légitimité internationale dans la gestion du dossier nucléaire

À un moment où les États-Unis, les pays occidentaux, et derrière eux Israël, ne cessaient pas de menacer de frapper les installations nucléaires de l'Iran pour l’empêcher de se doter de l’arme atomique, Téhéran persistait à inviter ses «adversaires» à des négociations justes et constructives, fondées sur la légalité internationale et le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires que l'ouest semble découvrir qu’il souffre de certaines lacunes qu’il n’arrive pas à combler.

Dans la défense de son programme nucléaire qui est, faut-il le souligner, politisé au plus haut point, l'Iran a recours à divers arguments politique, juridique et même religieux...

Sur le plan purement politique, Téhéran continue de rappeler à qui veut prêter l’oreille que ce programme a débuté sous le règne du Shah, avec le soutien des mêmes pays occidentaux qui cherchent aujourd'hui à le démanteler et qui punissent le régime Iranien pour l’avoir remis en route.

Ensuite, Téhéran s’emploie à mettre à nu la contradiction et la duplicité de l'occident qui veut, par tous les moyens, détruire son programme nucléaire, mais qui reste muet sur les armes nucléaires des autres pays de la région, en l’occurrence Israël,  non-signataire du TNP,  l’Inde et le Pakistan.

Sur le plan juridique, l’Iran affirme que l’accès à la technologie nucléaire pacifique est un droit légitime de tous les états membres de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique. Les pays occidentaux doivent respecter ce droit et le garantir même. Il souligne, dans ce contexte, qu’il a droit à  l’enrichissement de l’uranium à 20% d’autant plus qu’il a demandé à l’AIEA de lui procurer ses besoins en uranium enrichi mais les pays occidentaux l’ont empêchée de répondre favorablement à cette demande.
Enfin sur le plan religieux, l'Iran met l'accent sur la «fatwa» (avis consultatif) émise par le Guide Suprême sur la prohibition de la production, l’emmagasinage et l'utilisation des armes de destruction massive, principalement des armes nucléaires.
En ce qui concerne les préoccupations des pays arabes voisins au sujet de la centrale nucléaire de  Bouchehr, en raison de sa proximité et de son site sur une ligne à risque sismique, l'Iran affirme que le site de la centrale a été choisi avant la révolution, et que son choix a été fait avec minutie. Et d’ajouter qu’en tous les cas, l’AIEA supervise ses normes de sécurité et reconnait leur grande qualité...
En résumé, l'Iran considère que le règlement du dossier de son programme nucléaire ne peut se faire que par voie de négociation, car, en définitive, ce dossier constitue un différend entre deux volontés, celle de l’Iran qui défend son droit légitime d’accéder à la technologie nucléaire pacifique, et celle des puissances occidentales, qui veulent monopoliser cette technologie et empêcher les pays qui ne l’ont pas d’y accéder un jour.
Mais ce qui complique davantage ce dossier, c’est l’attitude d’Israël qui ne ménage aucun effort pour faire obstruction à son règlement, et qui ne cesse de faire pression sur les pays occidentaux afin qu’ils attaquent l'Iran et l’empêchent de poursuivre son programme nucléaire.

6/ l’ethnocentrisme ou le chauvinisme constructif des iraniens

L’ethnocentrisme qui est une forme de chauvinisme, est un sentiment partagé par tous les peuples du monde. Toutefois, il existe deux sortes de chauvinisme: un chauvinisme bénéfique constructeur et fertile, et un chauvinisme néfaste, destructeur et stérile...
Bien que le peuple iranien ne soit pas exempt de ces deux sortes de chauvinisme, je crois qu’il demeure l’un des rares peuples à avoir su canaliser son « patriotisme à outrance» et le mettre au service de ses objectifs nationaux...
Pendant mon séjour en Iran, j'ai noté que les iraniens, bien qu'ils puissent avouer leur opposition à leur gouvernement et critiquer ouvertement ses politiques, ils sont, toujours, fiers d’appartenir à leur pays, sans cesse, prêts à se sacrifier pour sa cause, et constamment, pleins d’ardeur pour défendre ses intérêts. Loin de nourrir chez eux un sentiment de fausse autosatisfaction, leur chauvinisme stimule leur esprit de compétition et de défi et les pousse à être plus créatifs, innovants, et productifs.
J'ai pu apprécier la solidité de l’attachement des iraniens à leur pays par la manière dont ils continuent, à ce jour, de célébrer leurs grands poètes tels que Ferdowsi, Saadi, et Hafez…
Nulle part ailleurs, je n’ai vu un peuple vénérer ses poètes de la sorte.

7/ la légendaire patience iranienne

Ceux qui visitent le «Musée des tapis» à Téhéran ne peuvent que ressentir émerveillement et admiration devant le doigté et la patience des artisans qui ont produit les chefs-d’œuvre exposés qui, par l’harmonie de leurs couleurs et la finesse de leurs détails, n’ont rien à envier aux tableaux des plus grands peintres du monde.

C’est la patience qui semble être une qualité avérée de l’iranien qui lui a permis d’exceller et de surpasser le reste du monde dans ce domaine. Cette qualité est devenue une deuxième nature chez l’iranien et a imprégné les divers aspects de la vie en Iran, au point que les Iraniens se plaisent à dire que, contrairement à ce que dit le fameux proverbe, ils sont capables de «creuser un puits avec une aiguille».
Force est de constater que cette patience que je qualifie de «légendaire» a, à coté des divers autres facteurs, aidé l'Iran à bien gérer ses relations avec l'occident et à amener ses protagonistes occidentaux à renoncer au langage des menaces et à revenir à une position plus conciliante et plus conciliatrice.

Conclusion

Pour conclure, je voudrais souligner que l’objet de cet article, n’est pas de  faire l'éloge de l'Iran, car je ne pense pas que l'Iran ait besoin d’éloge. Mon objectif est d’attirer l’attention sur deux faits :

Le premier est que l’expérience iranienne a des aspects qu’il est utile d’explorer et, le cas échéant, d’en tirer profit.

Le deuxième est qu’il est nécessaire pour les arabes qui sont avides d’imiter les occidentaux, de ne pas déroger à leurs habitudes et de confirmer, encore une fois, la règle  générale qui, dans la fameuse Muqaddima d’Ibn Khaldoun, désigne que «le vaincu a tendance à s’identifier à son vainqueur dans son comportement, ses traditions, ses valeurs et sa culture».

En effet, ils doivent suivre l’exemple des pays de l’ouest qui ont changé leur vision et leur attitude vis-à-vis de l’Iran.

La nécessité pour les arabes de revoir leur position à l’égard de l'Iran est d’autant plus pressante que leur vision actuelle de ce pays est extrêmement dangereuse pour les deux parties...

Le maintien du statu quo n'est plus raisonnable, en particulier en ce moment où se multiplient les tentatives d'attiser les feux de la guerre entre sunnites et chiites... Sa persistance ne fera que nourrir chez les iraniens le sentiment anti-arabe qui est en train de devenir plus fort que le sentiment anti-sioniste. En revanche, il risque d’approfondir chez les arabes le sentiment anti-iranien, au point que certains semblent considérer qu'Israël leur est plus proche que l’Iran, et n’excluent plus qu’ils pourraient, un jour, s’allier avec les israéliens pour faire face à ce qu’ils appellent «le danger Iranien»...

Les arabes doivent garder présent à l'esprit que leurs relations avec l'Iran ne sont pas seulement le produit de la proximité géographique, mais aussi des interactions de l'histoire, des liens de la religion commune et des affinités culturelles et sociales entre les peuples de la région. Qu’ils le veuillent ou non, ces relations sont condamnées à se perpétuer  dans l'avenir qui peut être envisagé de deux manières: ou bien comme un avenir de paix, de sécurité et de stabilité, ou bien comme un avenir de crises, de guerres et de conflits...
Il va sans dire qu’il sera sage que les deux parties fassent tout leur possible pour que les relations évoluent dans le bon sens, et ce en essayant d’avoir une vision partagée de l’avenir de la région et en déployant, chacun de sa part, les efforts nécessaires pour assainir la situation actuelle et régler les différends qui les opposent par le dialogue et la négociation.

Toutefois, une telle issue ne sera possible que si les arabes et les iraniens comprennent que leurs relations futures doivent être fondées, non pas sur la défaite de l’une ou de l’autre partie,  mais sur une logique de gagnant/gagnant qui sera avantageuse pour eux, et pour l’ensemble de la région du Moyen Orient, longuement meurtrie par les guerres cruelles et les conflits sanglants et destructeurs.

 

M.I.H