Opinions - 11.02.2015

Ennahdha, un pas de plus s’impose

Ennahdha, un pas de plus  s’impose

Le rideau est tombé. Un nouveau Gouvernement vient de voir le jour ce jeudi 05 février 2015.La Tunisie a maintenant un Parlement et un Président de la République élus pour cinq ans ainsi qu' un Gouvernement d’Unité de partis. Sans doute,une bonne nouvelle pour le pays et pour l’étranger.

Chaque Ministre a été tenu de préparer un programme d’actions urgentes en cinq points, d’ici 10 jours. Secundo, et cela nous réconforte, il y aura enfin, un Plan de développement quinquennal, élaboré de concert avec les partis politiques, les organisations nationales et la société civile, de nature à préciser le cadre, les objectifs et les moyens de ce Gouvernement.

Suivons-le pas à pas, ne lui mettons pas les bâtons dans les roues en revenant aux sempiternelles manifestations avec des arrêts de la production et des services.

Cependant pour boucler la boucle, j’aurais souhaité qu'un Conseil économique et social,  new-look, soit ressuscité pour aider, par ses avis, et l’ARP et le Gouvernement dans leurs missions respectives. 
 
Souhaitons, à ce Gouvernement plein succès.
 
On rappellera d’abord que ce Gouvernement vient d’obtenir un vote de confiance de l’ARP de 167 voix. Trente députés ont voté  contre et 8 se sont abstenus. Sur un total 217 députés, 12 se sont absentés. L’un des députés de Nidaa a voté contre et 4 se sont abstenus. Pour Ennahdha, 58 ont voté pour, 3 se sont abstenus et 8  figurent parmi les absents ( sourceBawsla/marsad.tn).
 
Ma seconde remarque et la plus importante repose sur deux interventions remarquables, faites à l’ARP, par deux députés d’Ennahdha, celle de Monsieur Ahmed Mechergui et celle de Monsieur Abdellatif Mekki.
 
Monsieur Mechergui a commencé son intervention par un geste qui m’a ému personnellement en rappelant l’état de santé de Madame Maya Jeribi, l'énergique  secrétaire générale du Parti El Joumhouri. Cela n’a rien de politique me diriez-vous. Absolument pas, car, à mon sens, il aurait pu lui rendre simplement une visite, mais il a tenu à exprimer publiquement sa sympathie à cette militante et,  à travers lui, celle des membres d’Ennahdha. C’est un geste nouveau de réconciliation des cœurs.
 
La seconde intervention est celle de Monsieur Mekki qui a demandé à l’assistance d’observer une minute de silence envers l’aviateur jordanien brûlé vif par Daech. C’est là un signe majeur de l’évolution d’Ennahdha à travers l’un de ses « faucons ».C’est réconfortant de condamner publiquement l’extrémisme de Daech qui existe tout prêt de nous en Libye prêt à semer la pagaille en Tunisie et dont "l’esprit", faut-il le souligner, existe à l’intérieur de nos frontières.(d’après le  MI)
 
Cela m’amène  à évoquer la volte-face de BCE et du parti qu’il a créé, récemment, de toutes pièces, pour contrebalancer le poids grandissant d’Ennahdha qui s’est employée, comme chacun le sait, à mettre la main sur les rouages de l’administration, à « réislamiser » le pays en introduisant la philosophie wahabite et celle des frères musulmans dans nos mosquées et dans des écoles coraniques qui ont poussé comme des champignons, sans occulter les encouragements tacites accordés aux extrémistes et le soutien direct à leur chef Abou yadh revenu victorieux à la mosquée El Fath, une fois l’ambassade US  investie.
 
J’ai personnellement cru que BCE, malgré son âge, était la seule planche de salut et c’est pourquoi plus d’un d’entre nous, sans adhérer à ce parti, lui a fait confiance et a voté pour son parti et pour lui.
 
En incluant Ennahdha dans le Gouvernement,même apparemment, à doses homéopathiques, BCE, a-t-il, un seul instant, pensé qu’en revenant sur son engagement ,il courait un risque certain de perdre une très grande partie de son électorat, composé surtout de femmes ?
 
A-t-il pris la peine d’en informer les adhérents  à Nidaa et à ses électeurs externes et de leur expliquer le pourquoi des choses ? Ils se sont sentis bernés.Certains députés de Nidaa  se sont abstenus ou ont voté contre. On les menace, parait-il, de sanctions au nom de la nécessité de respecter la discipline de parti ! Est-ce logique ?Est-ce acceptable? Est-ce démocratique ?
 
En réponse à notre déception, on nous avance, l’argument selon lequel le peuple n’a pas accordé une majorité confortable à Nidaa ce qui voudrait dire que le peuple exige que le couple Nidaa-Ennahdha nous gouverne.
 
Je n’y crois pas, car les chiffres montrent que Nidda pourrait gouverner avec une majorité,  quand bien même étriquée, et faire passer ses textes à l’ARP malgré une forte opposition, il est vrai.Respectons la  loi de la démocratie.
 
Dans son interview à un journal algérien, BCE affirme qu’il a été acculé à  faire ce choix par la faute de la gauche.
 
Je pense personnellement que l’entrevue de Paris, entre BCE et Ghannouchi, a scellé le destin de la Tunisie.
 
Les deux personnalités  sont   parvenues à s’entendre  sur la nécessité de recourir au dialogue et à la conjonction de leurs efforts pour sortir le pays de l’impasse.
 
Implicitement, ou par accord, des concessions devaient se faire de part et d’autre. Ce qui fut fait. La barre des 65 ans, pour l’éligibilité à la Présidence, a été éliminée du projet de Constitution et le projet de loi sur l’exclusion a été abandonné.
 
Ennahdha, en la personne de son chef, n’a cessé de donner des signes de sa prédisposition à honorer son engagement moral. Abandon de la mouture du 1er juin de la Constitution, démission du Gouvernement Larayedh et nomination du Gouvernement de technocrates de Jomaa. Récemment, après les élections, on a assisté, par consensus, à la  répartition des responsabilités à la tête de l’ARP et à la rentrée d’Ennadha au Gouvernement.
 
C’est un gain politique majeur pour Ennahdha d’avoir un pied au Gouvernement pour savoir ce qui se passe en son sein et pour introduire, selon les mauvaises langues, au sein de Nidaa les germes de l’implosion pour s’accaparer  ensuite le Pouvoir, peut-être même, lors des municipales et en cas d’élections anticipées.
 
Certes, Je suis pour la réconciliation des tunisiens entre eux après avoir été séparés après la prise du Pouvoir par Ennahdha.
 
Cependant, pour que ce but soit atteint, je me tourne vers Ennahdha, pour lui dire, en toute naïveté peut-être, que les pas déjà faits et les appels du pied que nous avons pu relever au sein de  l’ARP, sont pour nous insuffisants pour sceller cette réconciliation avec le peuple tunisien.
 
Oui, personnellement, je suis pour une entente avec Ennahdha, mais il faut des garanties.
 
Outre le comportement sur le terrain, il faut qu’Ennahdha tienne son Congrès pour modifier sa charte qui reconnaîtra le caractère civil de l’Etat, la séparation du religieux du politique et reniera  ses attaches aux frères musulmans et au wahabisme.
 
C’est à ce prix que la réconciliation nationale pourrait se faire, mais pas avant.
 
Ennahdha a évolué, mais il y a un pas de plus à faire pour que la sérénité se rétablisse !
 
Mokhtar el khlifi