Opinions - 02.02.2015

Tunisie : alliances contre nature, avenir incertain et lendemains difficiles

slah sellami
Aujourd'hui la sentence est tombée, le gouvernement Essid sera demain devant le parlement, une large majorité des députés voteront la confiance à ce gouvernement. On ne peut que lui souhaiter la réussite puisqu'il y va de la stabilité du pays. Nous attendrons avec impatience les réformes , les promesses urgentes des cent premiers jours qui doivent viser avant tout la vie quotidienne des couches défavorisées , les mesures nécessaires sur le plan sécuritaire et dans la lutte contre le terrorisme , nous verrons si les promesses  de la campagne électorale  (faire toute la lumière sur les assassinats politiques sur les filières mafieuses , les filières d'envoi de nos jeunes en Syrie et démasquer les filières parallèles au ministère de l'intérieur). Ennahda sera présente au gouvernement, certains appellent cela la realpolitique, d'autres sont scandalisés car BCE et Nida n'ont pas tenus leurs promesses électorales basées sur l'absence d'une alliance entre Ennhdha et Nida, d'autres enfin pensent que des pressions étrangères sont à l'origine de cette alliance et que c'est le prix à payer pour voir les crédits, dons et investissements promis par ces puissances se concrétiser.
 
Trois points doivent être soulignés:
 
1) Une chose est certaine Nida Tounes payera cash les promesses non tenues. Une partie de ses électeurs ne lui fera plus jamais confiance. Je suis par ailleurs inquiet pour l'avenir de ce parti hétérogène dont les dix membres de l'instance constituante ont été nommés à des postes soit au palais soit au gouvernement laissant un vide difficile à combler jusqu'à la tenue du congrès. On a tenu à faire de cette instance la seule instance légitime. En nommant tous ces membres à des postes qui ne leur laissent pas le temps de s'occuper du parti, on affaiblit ce parti déjà miné par les divergences entre les divers courants. On a voulu sciemment faire de  toutes les autres structures centrales ( bureau exécutif , conseil national ) des instances purement décoratives, comme le montre la réunion du samedi 31 janvier où une motion votée par pratiquement tous les présents a été tout simplement ignorée , ce qui laissera obligatoirement des séquelles.
 
2) Il faudrait répondre à la question pourquoi Ennahdha , deuxième parti de l'assemblée  a accepté cette représentation, que certains qualifient de modeste ? Et quelle est le prix que nous devrons payer pour son soutien au gouvernement ? la réponse facile et non convaincante, c'est pour l'intérêt de la nation.  
 
3) En espérant que le pays sera le grand gagnant de la formation de ce gouvernement, on peut d'ores et déjà dire que le front populaire sera le grand gagnant. Il reste dans l’opposition, il profitera des erreurs de ce gouvernement et surtout des mesures impopulaires qui seront nécessaires et imposées par le FMI et la banque mondiale pour mobiliser la rue et le syndicat. Il se présentera aux tunisiens comme la seule formation qui n'accepte pas la compromission, qu'il n’a été intéressé par le pouvoir que pour servir le pays. il fera un score incroyable aux prochaines échéances électorales, si jamais on continuera à organiser encore des élections libres et transparentes. Le deuxième gagnant sera Ennahdha car sa présence au gouvernement lui permettra d'éviter l'ouverture de plusieurs dossiers gênants pour ses leaders. Elle pourra menacer de sortir du gouvernement à chaque fois qu'elle se sentira menacée, car elle sait très bien que sans elle ce gouvernement qui a coupé les ponts avec certaines autres formations et même au sein de Nida sera très fragile. 
 
Nida Tounes risque d’être malheureusement le grand perdant, ainsi et aussi paradoxal que cela puisse paraître, le gagnant des élections risque d'être le plus grand perdant de cette période et il risque même d'imploser. il aura suivi d'autres partis qui ont fait le même raisonnement et les mêmes alliances et il aura été un parti à usage unique (les élections de 2014). Reste l'éternelle question posée même avant la révolution : est ce que les partis dits socio-démocrates vont retenir la leçon de leurs énième échec ?
 
Slaheddine Sellami