Opinions - 22.01.2015

Que veut l’UGTT ?

La multiplication des grèves avec arrêt du travail et des services ne peut laisser le citoyen indifférent. Les secteurs de la santé, de l’enseignement secondaire et supérieur, des transports sont frappés par des grèves. L’essentiel des revendications concerne des augmentations salariales face à la montée des prix. L’UGTT se base sur des accords passés avec le Gouvernement et non encore honorés.

Aujourd’hui, dans la quasi indifférence générale, les ouvriers ayant appartenu à la société de transport du Phosphate dissoute, désireux d’être intégrés à la CPG,ne transportent plus le phosphate depuis quelque temps ( 2mois !) par camions vers Gabés entrainant l’épuisement des stocks alimentant le Groupe chimique tant et si bien que ce dernier a cessé de produire avec toutes les conséquences inhérentes à cet arrêt.

Pourquoi un transport onéreux par camions alors que le chemin de fer est moins cher ? Le Maroc vient de recourir au transport par pipe-line !
Les ouvriers de la CPG ne sont pas restés en reste et  ont enclenché, eux aussi une grève, pour que la CPG leur serve les primes de rendement de 2013 et 2014 alors que la CPG est déficitaire. Jusqu’à quand continuer à traire cette vache à lait malade ?

Cette série de grèves rend perplexe surtout que l’équipe BCE n’a pas encore à former un Gouvernement.

Que veut, au juste, l’UGTT ?

Je me pose cette question depuis qu’un adjoint de Monsieur Abassi a osé considérer que le délai de préavis de 10 jours pour déclencher une grève est une spécificité tunisienne et que la grève à la Transtu était, par conséquent, légale !

Je me pose cette question depuis que j’ai entendu le syndicaliste, si Lassaad Yaakoubi sur Nessma, le 20 janvier, développer ses arguments avec fougue, comme toujours, et nous rappeler que les enseignants du secondaire entreront en grève pour deux jours. Il nous informe, le 21 janvier, dans une conférence de Presse, que la grève a été un succès car elle a été suivie par 90% du corps enseignant.

Je dis merci à l’UGTT et au corps enseignant  de nous avoir gratifié de cette nouvelle grève par ces temps difficile que traverse le pays.
Je ne pense pas que les parents d’élèves soient heureux de voir leurs enfants perdre des heures de cours alors que leur niveau est déjà faible et que la plupart recourent au système des heures supplémentaires grassement payées, et qui ont enrichi plus d’un.

Monsieur Yaacoubi exhibe des photographies de l’infrastructure défaillante de certains établissements du secondaire pour réclamer des primes. Il insulte l’avenir en contestant le modèle de développement  du nouveau Gouvernement  en gestation car appuyé par la BIRD et le FMI en qui il n’a pas confiance car ces entités occultent l’aspect social et sont pour une économie libérale.

Parlez-moi un peu de l’économie chinoise et russe ! Du jamais vu !

Il devrait être au diapason des évolutions, car, depuis quelques années, la BIRD  tient compte des aspects sociaux .Le FMI, d’habitude rigide a également tenu compte cet aspect dans son soutien à la Tunisie.

L’argumentaire de l’UGTT, à travers si Yacoubi, me rappelle les revendications de  la Gauche ancienne et qui n’ont pas varié ce qui explique qu’elle ait choisi de rester dans l’opposition.
Est-ce que cette Gauche a investi l’UGTT et a aujourd’hui voix au chapitre pour bloquer l’action du prochain Gouvernement ?

Farhat Hached se retournerait dans sa tombe s’il apprenait une pareille orientation.

Je me rappelle que Farhat Hached se proposait de faire adhérer son organisation à la SFIO,franchement à gauche, mais après discussions avec Bourguiba, il a fini par adhérer à la CISL.
Tous les dirigeants syndicaux qui se sont succédés à la tête de l’UGTT n’ont pas dévié de cette orientation au point qu’entre le parti au pouvoir et l’UGTT , il y avait une symbiose qui a facilité l’indépendance,l’édification de l’Etat et de l’économiedu pays.

Lorsque Bourguiba était exilé à la Galite, c’est  Hached qui  a poursuivi  la lutte pour l’indépendance. Il en a,d’ailleurs, chèrement payé le prix. Paix à son âme.

L’UGTT, aujourd’hui, voudrait-elle réveiller les vieux démons qui ont secoué,à un moment donné, les relations entre le parti au pouvoir et l’UGTT et faire entrer le pays dans des luttes fratricides ? J’en ai bien l’impression et je souhaite que cette impression soit fausse vu ses conséquences graves pour l’UGTT et le pays.

L’UGTT au sein du « Quartet » nous a donné un très bel exemple de la concorde nationale qui a séduit le peuple tunisien et les pays étrangers.

La commission  interdépartementale qui a été créée et regroupant le Chef du Gouvernement,l’UGTT et l’UTICA a été pour nous une tentative originale pour préparer l’avenir et circonscrire les différends. Que fait-elle actuellement ?

Quand nous débarrasserions-nous de cette opposition dangereuse et désuète entre gauche et droite?

Quand nous débarrasserions-nous de la volonté d’entrer dans une politique de bras de fer avec les employeurs publics et privés?

Quand la société civile restera-t-elle inactive face à ces dérives?

Pour nous, il faut d’abord produire plus et mieux, puis penser à répartir.

A cet égard, une nécessaire coopération, voire une association, entre le capital et le travail doit avoir lieu. Le capital n’est pas notre ennemi et inversement.
 Le tout est de s’entendre à l’échelle nationale sur un plan de développementcomportant un accord sur un modèle de développement ambitieux et ses priorités une fois qu’on sera mis tous d’accord sur le véritable état des lieux.

Ce plan ne pourra voir le jour que grâce à une franche collaboration entre l’UGTT  (et les autres organisations qui ont vu le jour) et l’UTICA (et les autre organisations qui ont vu le jour),  l’UTICA, la société civile, avec ses experts en abondance, et l’Etat.

La réalisation de ce plan engendra la croissance dont les fruits seront répartis avec davantage de justice.

Il va sans dire que parmi les objectifs de ce plan il y a lieu de réformer graduellement notre administration pour introduire davantage de gouvernance, dejustice fiscale et de transparence de nature à supprimer certaines iniquités et certains abus.

Il est temps d’arrêter ces grèves avec des arrêts de travail préjudiciables à notre économie.

Penchons-nous, en priorité, sur les problèmes sociaux et de gestion de la CPG qui doit reprendre sa production et ses exportations et ce dans les délais les plus brefs.
C’est un devoir national pour toutes les parties et le rôle de l’UGTT est, à cet égard, capital.

Monsieur Abassi prenez vos responsabilités.Nous avons encore confiance en vous.

Mokhtar El Khlifi
Tunis le 22 janvier 2015