News - 13.12.2014

Le premier tour de l'élection présidentielle : une analyse statistique des résultats et ...

"Il semble clair que Béji Caïd Essebsi s'engage dans le second tour de la présidentielle avec une avance confortable face à Mohammed Moncef Marzouki. Cet avantage, bien que clair, n’est toutefois pas insurmontable. Une abstention massive des électorats des alliés naturels de Nidaa Tounes ainsi qu’une grande mobilisation des électeurs d’Ennahdha autour de Mohammed Moncef Marzouki constituent la clé d’un retournement de situation". Telle est la conclusion d’une excellente analyse élaborée par Anis Marrakchi, diplômé de l’Ecole Polytechnique ParisTech, Administrateur de l’INSEE– Paris, sur la base des suffrages exprimés lors du premier tour des élections présidentielle.

A la veille des élections législatives, Leaders a publié une étude probabiliste du même chercheur intitulée : A qui profite le mode de scrutin aux plus forts restes ? Le verdict des urnes est venu confirmer ses projections. Les éléments qu’il présente aujourd’hui sont les premiers résultats d’une partie d’une étude en cours, entreprise en collaboration avec le Pr Gilles Kepel, à Sciences Po.  

Le premier tour de l’élection présidentielle a eu lieu moins d'un mois après les élections législatives. Le nombre de votes valablement exprimés (donc hors votes blancs et nuls) est en légère baisse -4%-, passant de 3.407.270 à 3.267.662. Cinq partis se sont démarqués lors des élections législatives : Nidaa Tounes, Ennahdha, l'Union Patriotique Libre, le Front Populaire et Afek Tounes. A nouveau, cinq candidats sont sortis du lot lors du premier tour del’élection présidentielle : Béji Caïd Essebsi, Mohammed Moncef Marzouki, Hamma Hammami, Mohammed Hechmi Hamdi et Slim Riahi.

Malgré cette stabilité apparente, les électorats de ces différents acteurs ne couvrent pas les mêmes périmètres. Ceci est,à titre d’exemple, particulièrement flagrant pour Mohammed Hechmi Hamdi dont la formation n'avait obtenu que 40.826 voix lors des législatives et qui obtient 187.939 voix lors du premier tour de l’élection présidentielle. De même, Afek Tounes, avec ses 102.915 voix aux législatives, ne présente pas de candidat au premier tour de la présidentielle, et il est difficile de dire à priori vers quel(s) candidat(s) se sont reportés ces voix. Ces changements n’ont pas été sans effet sur les équilibres électoraux et les clivages socioéconomiques que nous avions pu observer au lendemain des élections législatives.

Dans un premier temps, nous allons comparer les électorats des différents candidats du premier tour de la présidentielle à ceux des partis ayant présenté des listes aux législatives afin d’établir les profils électoraux des candidats. Dans un second temps, nous allons effectuer une analyse des groupes de circonscriptions en fonction de leur profil de vote. Enfin, nous parlerons des enjeux du second tour.

Le jeu des transferts d’électorats

Les résultats des élections législatives nous ont permis de dégager deux axes de clivage :

  • L'axe de clivage sociétal (principal) : cet axe est l'axe principal, dans le sens où il explique une grande partie des disparités entre les circonscriptions : ainsi la différence entre les votes de Tataouine et de l’Ariana s’explique principalement par une divergence de point de vue au niveau sociétal.
    A une extrémité de cet axe, on retrouve Ennahdha qui est portée par un électorat géographiquement plus concentré au sud du pays.
    A l'autre extrémité de cet axe, on retrouve Nidaa Tounes qui est porté par un électorat géographiquement plus concentré au nord du pays.
  • L'axe de clivage économique (secondaire) : cet axe est l’axe secondaire, dans le sens où il explique une part significative des disparités entre les circonscriptions, mais de manière moins marquée que le premier axe.
    A une extrémité de cet axe, on retrouve le Front Populairequi est portée par un électorat géographiquement concentré au nord-ouest et au centre du pays.

A l'autre extrémité de cet axe, on retrouve Afek Tounes qui est porté par un électorat concentré sur la côte du pays.

A l'issue du premier tour de l’élection présidentielle, les 3.207.662 voix valablement exprimées se sont réparties comme suit (rappels pour mémoire) :

  • Béji Caïd Essebsi : avec 1.289.381votes en sa faveur, il obtient 39,46% des voix valablement exprimées. Son parti Nidaa Tounes avait obtenu 1.279.941 voix aux élections législatives.
  • Mohammed Moncef Marzouki : avec 1.092.494 votes en sa faveur, il obtient 33,43% des voix valablement exprimées. L’ancien parti de Mohammed Moncef Marzouki, le Congrès Pour la République, ainsi que le Courant Démocrate, parti issu d'une dissidence du CPR, n'ont obtenu à eux deux que 136.190 votes lors des législatives.
  • Hamma Hammami : avec 255.536 votes en sa faveur, Hamma Hammami obtient 7,82% des voix valablement exprimées. La formation dont il est le porte-parole, le Front Populaire, n'avait obtenu que 124.054 voix à l'occasion des législatives
  • Mohammed Hechmi Hamdi : avec 187.939votes en sa faveur, il obtient 5,75% des voix valablement exprimées. Ce résultat dépasse largement le score qu'avait obtenu sa formation lors des législatives de 2014 (soit 40.827 voix) mais reste très en deçàde celui qu'avait obtenu en 2011 une autre formation qu'il dirigeait (soit 280.382 voix).
  • Slim Riahi : avec 181.406 votes en sa faveur, il obtient 5,55% des voix valablement exprimées. Sa formation avait obtenu 140.873 voix lors des élections législatives de 2014.
  • Les autres candidats : avec 260.906 votes, les 22 autres candidats à la présidentielle pèsent, ensemble, sensiblement autant que chacun les trois candidats Hamma Hammami, Mohammed Hechmi Hamdi et Slim Riahi.

Nous allons tenter de placer les candidats du premier tour de la présidentielle sur les axes de clivage identifiés lors des élections législatives. Ceci va nous permettre de comparer visuellement les électorats des candidats à la présidentielle avec les électorats des partis des législatives.

Pour cela nous allons utiliser une méthode statistique appelée l’Analyse des Composantes Principales. Cette méthode produit notamment un graphique où chaque candidat et chaque parti est représenté par une flèche.
Plus l’angle entre deux flèches est réduit, plus les électorats des acteurs qu’elles représentent se ressemblent et sont corrélés.

La taille d’une flèche représente quant à elle le lien entre les deux clivages et le candidat ou le parti concerné : plus les questions sociétales et économiquessont déterminantes pour l’électorat d’un acteur, plus la taille de la flèche qui le représente est grande.

Nous présentons ci-dessous le graphique produit par cette méthode :

 

Ce graphique nous fournit un grand nombre d'informations.
L’angle entre Béji Caïd Essebsi et Nidaa Tounes est très faible, leurs électorats sont donc très semblables.
De même, l’angle entre Mohammed Moncef Marzouki et Ennahdha est très faible, ce qui indique également que leurs électorats sont similaires.

L’angle entre Hamma Hammami et le Front Populaire est relativement grand, la flèche de Hamma Hammami s’étant déplacée vers Nidaa Tounes et Afek Tounes. Ceci indique que Hamma Hammami est arrivé à capter une part non négligeable de l'électorat des régions côtières.

Mohammed Hechmi Hamdi et Slim Riahi ont séduit des électorats que les deux clivages usuels n’expliquent pas, au vu de la taille presque nulle des flèches qui les représentent. Ainsi leurs électorats semblent insensibles aux questions économiques et sociétales, ils sont radicalement orthogonaux à ces deux axes de clivage. Les motivations de ces électorats restent donc floues pour l’instant.

Enfin, les électeurs ayant choisi l’un des 22 autres candidats, regroupés dans « autres », ont un électorat qui ressemble relativement à celui de Hamma Hammami, tout en étant moins bien expliqué par les deux axes de clivage identifiés lors des législatives.

Une deuxième information peut être tirée de ces résultats : les candidats à la présidentielle sont alignés le long du premier axe et très peu le long du second axe. Ceci nous indique donc que le clivage économique a perdu de son importance entre les élections législatives et l’élection présidentielle, au profit du clivage sociétal.

Plus important encore, on remarque la déstructuration complète du vote des circonscriptions côtières : aucun des principaux candidats n'a réussi à être la « voix de la côte » (pas d’angle faible avec Afek Tounes).Ainsi, à part un désintérêt relatif pour le candidat Mohammed Moncef Marzouki, les électeurs des circonscriptions côtières n'ont pas plus privilégié un candidat à un autre par rapport à la moyenne des circonscriptions. Les seuls candidats ayant bénéficié d'un vote préférentiel des circonscriptions côtières sont Kalthoum Kannou et Kamel Morjène, mais ces deux candidats ne totalisent ensemble que 59.894 voix, trop peu pour considérer qu’ils aient pu fédérer l’électorat des circonscriptions côtières.

Ajoutons à cette première analyse des éléments numériques de corrélation afin de renforcer les résultats que nous avons exposés.

La corrélation entre les électorats de Nidaa Tounes et de Béji Caïd Essebsi est de 93%. Celle entre les électorats des trois partis Ennahdha, Congrès Pour le République et Courant Démocrate d’un côté et de Mohammed Moncef Marzouki de l’autre est de 91%. La corrélation entre l'électorat de Hamma Hammami et la coalition dont il est porte-parole (le Front Populaire) n'est que de 64%. La corrélation entre les électorats de Mohammed Hechmi Hamdi et son ancienne formation de 2011 (Aridha) est de 78%. Enfin, l'électorat de Slim Riahi est corrélé à 92% avec l'électorat de son parti (l'Union Patriotique Libre).

Ainsi, à partir de ces différents résultats, nous pouvons faire les interprétations suivantes :

  • L'électorat de Béji Caïd Essebsi : il provient, à l'écrasante majorité, de l'électorat de son parti, Nidaa Tounes. Cet électorat est géographiquement concentré dans le nord du pays.
  • L'électorat de Mohammed Moncef Marzouki : cet électorat est à l'écrasante majorité constitué des électoratsdes partis Ennahdha, Congrès Pour la République et Courant Démocrate. Cet électoratest géographiquement concentré dans le sud du pays.
  • L'électorat de Hamma Hammami : sa taille relativement grande, son taux de corrélation modéré avec l'électorat de la coalition dont il est le porte-parole et les résultats exposés dans le graphique précédent indiquent que Hamma Hammami a su non seulement capter l'électorat de sa coalition mais qu'il a largement rassemblé en dehors de cet électorat, touchant ainsi des électeurs dont les positions peuvent fortement différer des positions du Front Populaire. Ainsi, l'électorat de Hamma Hammami s'est déplacé pour relativement se rapprocher de l'électorat de Béji Caïd Essebsi, se répartissant dans toutes les circonscriptions du nord mais en gardant un léger déséquilibre en faveur des circonscriptions de l'ouest et du centre.
  • L'électorat de Mohammed Hechmi Hamdi : la taille relativement faible par rapport à celle de l’électorat de sa formation en 2011 et le taux de corrélation entre eux qui reste malgré cela relativement élevé montrent que Mohammed Hechmi Hamdi a réussi à rassembler une partie de son électorat de 2011. Cet électorat est presque orthogonal aux deux axes de clivages (sociétal et économique) ainsi qu'aux axes géographiques (Nord/Sud et Côtes/Ouest). En pratique, son électorat est principalement concentré au centre du pays, mais garde une présence homogène quoique faible dans l'ensemble des autres circonscriptions.
  • L'électorat de Slim Riahi : il est fortement corrélé à l'électorat de son parti. Slim Riahi a réussi à rassembler autour de la base électorale de son parti, augmentant la taille de son électorat sans en changer la composition. Slim Riahi est un candidat centriste par excellence.Son électorat, géographiquement réparti de manière homogène dans l'ensemble des circonscriptions, est aussi radicalement orthogonal aux deux axes de clivages principaux qui étaient apparus lors des élections législatives.

Le profil de vote des différentes circonscriptions

Nous utilisons ici une nouvelle méthode statistique dérivée de la première : l’Analyse Factorielle des Correspondances. Cette technique produit une représentation visuelle des candidats et des circonscriptions en fonction des votes exprimés. Cette représentation place sur un même plan les candidats et les circonscriptions de sorte que plus une circonscription est proche d’un candidat, plus elle vote préférentiellement pour lui (par rapport à la moyenne), respectivement, plus une circonscription se détourne d’un candidat, plus elle en sera éloignée.

Cette technique statistique va nous permettre d’analyser les votes exprimés au cours du premier tour des élections présidentielles.Les circonscriptions de Silyana et de Sidi Bouzid ne sont pas représentées pour des raisons qu’on explicitera plus tard. La figure ci-dessous nous donne les résultats de l'Analyse Factorielle des Correspondances.

On remarque que Hamma Hammami est parfaitement aligné sur le premier axe (qui oppose Béji Caïd Essebsi à Mohammed Moncef Marzouki), ce qui confirme à nouveau l'évolution qu'a connue son électorat. Ainsi, le Front Populaire a rassemblé un électorat autour d’une vision et d’une opposition économique, alors que Hamma Hammami rassemble plus largement autour d’une vision sociétale.

 

A partir de cette figure, nous utilisons un algorithme de classement (Classement Hiérarchique Ascendant non supervisé). Cet algorithme va constituer, à partir des votes exprimés pour chaque candidat, des groupes de circonscriptions. Un groupe contient des circonscriptions qui se « ressemblent », dans le sens où elles ont des profils de votes relativement semblables.

Nous présentons donc le résultat de cet algorithme de classement :

 

Ce graphique nous indique trois groupes de circonscriptions. Les trois groupes sont disposés le long de l'axe de clivage sociétal. Le premier groupe de circonscriptions (à gauche) sont les circonscriptions acquises au candidat Mohammed Moncef Marzouki, alors que le dernier groupe (à droite) est constitué des circonscriptions acquises au candidat Béji Caïd Essebsi. Le second groupe de circonscriptions sont l'équivalent tunisien des "Swing States" américains. Ces circonscriptions sont celles où l'écart entre les deux candidats est le plus réduit et qui risquent le plus de basculer d'un côté ou de l'autre au second tour.

Regardons comment se placent ces circonscriptions sur une carte (les deux circonscriptions de Sidi Bouzid et de Silyana seront ajoutées au second groupe pour des raisons qu'on exposera plus bas) :

 

Ainsi, le nord, dont une grande partie des circonscriptions côtières (mis à part les circonscriptions de Sfax), est acquis à Béji Caïd Essebsi, alors que le sud est acquis à Mohammed Moncef Marzouki. La totalité des circonscriptions « indécises » sont situées au centre du pays. Le clivage Nord/sud est non seulement clair, mais aussi graduel. Notons que la grande majorité des circonscriptions de l’étranger sont dans le groupe des « indécis».

Silyana et Sidi Bouzid : l'analyse de deux exceptions

Les deux circonscriptions de Siliana et de Sidi Bouzid sont particulières : toutes deux ont voté pour un candidat minoritaire avec une ampleur inhabituelle.

Ainsi, Silyana a accordé 34,31% des voix valablement exprimées à Hamma Hammami, soit plus de 26 points au-dessus de sa moyenne nationale. S'il est vrai que Silyana est une circonscription favorable pour le Front Populaire, la coalition dont Hamma Hammami est le porte-parole, cette formation n'avait obtenu que 11,56% des voix de Silyana en 2014. L'évolution spectaculaire du score de Hamma Hammami par rapport à celui du Front Populaire à Silyana témoigne d'un ralliement fort autour de sa personne et de sa personnalité dans cette circonscription, ralliement qui dépasse largement un simple transfert d'électorat. Ce ralliement est étonnant à plusieurs égards. Si Silyana a une relation particulière avec le Front Populaire, notamment après les manifestations brutalement réprimées en 2012, on a un certain mal à imaginer pourquoi le ralliement autour de Hamma Hammami a été beaucoup plus fort que celui autour du Front Populaire. La réponse la plus évidente tient au fait que Hamma Hammami, personnalité forte, très visible et influente au niveau national, est originaire d’El Aroussa à Siliana.Est-ce suffisant pour expliquer cet engouement ? Il y a là une véritable interrogation.

De même, Sidi Bouzid a accordé 58,66% des voix valablement exprimées à Mohammed Hechmi Hamdi, contre 5,75% au niveau national. Sidi Bouzid a toujours été favorable aux formations du candidat Mohammed Hechmi Hamdi, ainsi, au pic de sa popularité, sa formation avait obtenu 37,20% des voix à Sidi Bouzid contre 6,92% au niveau national. La forte progression du candidat dans cette circonscription témoigne ici aussi d'un très fort ralliement autour de la personne de Mohammed Hechmi Hamdi dans la circonscription de Sidi Bouzid, et ce ralliement dépasse encore une fois un simple phénomène de transfert d'électorat. Il y a là les mêmes interrogations que celles que nous nous sommes posées au sujet de Hamma Hammami et Silyana. Il y a là aussi les mêmes éléments de réponse : Mohammed Hechmi Hamdi est originaire de Sidi Bouzid.

Ces deux circonscriptions sont classées avec les circonscriptions dites « indécises » car, dans la perspective d'un second tour, il est très difficile d'anticiper comment se feront les reports de voix vers Mohammed Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi, ces électorats n'ayant pas eu d'équivalents dans le passé.

Elles n’ont pas été intégrées à l’Analyse Factorielle des Correspondances car leur profil est tellement atypique qu’il masque les autres résultats.

Le second tour

Que peut-on anticiper sur le second tour à partir des différents points que nous avons identifiés ?

  • Une grande proportion de circonscriptions indécises : 13 circonscriptions sur 33 sont classées comme «indécises». Sur le troisième graphique, parmi le groupe du milieu, plus une circonscription est excentrée, plus grandes sont ses chances de se décider pour le candidat dont elle est le plus proche, et plus l'ordonnée d'une circonscription est grande (plus elle est en « haut »), plus l'effet de son basculement d’un côté ou de l’autre serait grand. Ainsi, Gafsa, tout à gauche du groupe des « indécis », a de grandes chances de se décider pour Mohammed Moncef Marzouki, tandis que Sfax2 peut basculer d’un côté comme de l’autre. Mais le basculement de Sfax2 n'aurait que peu d'effet vu le faible nombre de voix indécises en jeu, tandis que le basculement de Kasserine ou Kairouan aurait un effet beaucoup plus sensible.

A cause des raisons citées précédemment, Silyana et Sidi Bouzid font partie des circonscriptions indécises dont le basculement aurait un effet extrêmement important ; ainsi, les voix obtenues au premier tour par les candidats qualifiés au second tour n'atteignent que 29,38% à Sidi Bouzid.

Globalement, Sidi Bouzid, Silyana, Kasserine et Kairouan sont les 4 uniques circonscriptions où les deux candidats au second tour ont obtenu moins de 70% des voix à eux deux. Ce sont donc les circonscriptions qui auront la plus grande influence sur l’issue du second tour.

  • Des candidats au premier tour avec une structure d'électorat plus proche de celle de Béji Caïd Essebsi que de celle de Mohammed Moncef Marzouki :comme on l'a vu dans les deux premières figures, Hamma Hammami ainsi que la somme des « petits candidats » ont une structure électorale proche de celle Béji Caïd Essebsi, et opposée à celle Mohammed Moncef Marzouki. On imagine donc que leurs électorats se reporteront préférentiellement (bien que partiellement) vers Béji Caïd Essebsi. En ce qui concerne Mohammed Hechmi Hamdi et Slim Riahi, leurs électorats étant pratiquement orthogonaux aux deux clivages sur lesquels se placent les deux candidats du second tour, il est très difficile d'anticiper un report préférentiel vers l'un ou l'autre de ces deux candidats.

Notons aussi que parmi les 25 candidats éliminés au premier tour, le seul candidat ayant un électorat conséquent et potentiellement discipliné (donc apte à suivre de manière massive une consigne de vote) est probablement Slim Riahi. En effet, les résultats des législatives de 2014 nous prouvent que Mohammed Hechmi Hamdi n’a pas un contrôle suffisant sur son électorat, et le fait que l’électorat de Hamma Hammami soit hétéroclite et rassemble, entre autres, des électeurs d’horizons divers et étrangers au Front Populaire indique que cet électorat ne suivrait pas massivement une consigne de vote de la coalition.

Il semble clair que Béji Caïd Essebsi s'engage dans le second tour de la présidentielle avec une avance confortable face à Mohammed Moncef Marzouki. Cet avantage, bien que clair, n’est toutefois pas insurmontable. Une abstention massive des électorats des alliés naturels de Nidaa Tounes ainsi qu’une grande mobilisation des électeurs d’Ennahdha autour de Mohammed Moncef Marzouki constituent la clé d’un retournement de situation.

Anis Marrakchi

PS : les éléments présentés ici sont les premiers résultats d’une partie d’une étude en cours, entreprise en collaboration avec le Pr Gilles Kepel.

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