Opinions - 07.10.2014

A quel jeu joue-t-on ?

Alors que nous vivons notre toute première expérience électorale présidentielle, que nous traversons un moment historique plein d’espoir ; alors que nous nous devons tous de contribuer au bon déroulement des choses et à  la crédibilité des résultats, voilà que l’ISIE jette le trouble et nous fait entrevoir un séisme politique dont les répercussions ne peuvent être que dévastatrices.

Huit candidatures à la présidentielle sont concernées par des dossiers dits irréguliers qui ont été transmis par l’ISIE au tribunal administratif pour enquête.  C’est ce qu’a affirmé Nabil Baffoun, membre de l'ISIE, lors d’une conférence de presse tenue  mardi 30 septembre.

Pour être en train de suivre de près le processus électoral qui mène à l’élection présidentielle, je peux dire que si irrégularités il y a, elles sont dues en grande partie à des procédures très mal conçues et introduites au fur et à mesure des besoins. Comme je peux aussi affirmer qu'il nous est loisible de relever autant d’irrégularités du coté de l’ISIE.

Le problème c’est que les sanctions prévues envers les candidats en cas d’irrégularités sont autrement plus lourdes que l’inexistence totale de sanctions concernant l’ISIE. Après des décennies de dictature, les mentalités ne vont pas subitement changer en faveur de citoyens rêvant d’assurer démocratiquement la relève au détriment de ceux qui se sont miraculeusement retrouvés au pouvoir.

Nous ne sommes pas à une déception près mais nous tiendrons bon !

Lorsque l’ISIE se donne  le droit d’exercer en amatrice non expérimentée et de faire toutes sortes d’erreurs sans avoir aucun compte à rendre, les candidats à la magistrature suprême, sont eux, d’emblée humiliés et nommément accusés de fraude par une société civile encore plus inexpérimentée.

Quel meilleur moyen d’intimider les citoyens et  de leur ôter toute ambition  de vouloir exercer ce droit ! Quoi de mieux pour semer le doute dans l’esprit des électeurs en discréditant toute l’opération électorale.
On finit par se demander si le tout n’est pas sciemment  prévu et planifié de sorte à pouvoir jouer en façade un jeu démocratique, alors qu’en réalité toutes sortes de pièges sont tendus afin de pouvoir éliminer tout candidat qui se croirait au dessus des protocoles imaginés par le pouvoir en place.

En effet, l’ISIE a toujours été très en retard pour communiquer sur les procédures mises en place. La communication n’a jamais été suffisamment claire et fluide pour faciliter la pratique des procédures. De ce fait, les équipes de campagne naviguaient à vue. Au fur et à mesure de leur avancement, les anomalies et les défaillances des procédures apparaissaient. Pourtant que de citoyens ont tenté en vain d’alerter les responsables de l’ISIE sur des défaillances élémentaires.

La défaillance la plus importante a été la non-obligation de certifier les signatures de parrainage. Des signatures certifiées auraient supprimé toute tentative de fraude ou de falsification que l’on se permet aujourd’hui d’accuser huit candidats d’avoir personnellement ordonné. C’est précisément le genre de procédure-piège que les régimes non démocratiques tendent à leur citoyens pour se donner une certaine marge de manœuvre afin d’éliminer de potentiels  adversaires. Sachant que de l’autre côté, personne n’est en position de pouvoir vérifier les affirmations de l’ISIE.

J’ai personnellement été témoin d’une remise de dossier de parrainage dont l’ISIE a prétendu ne pas en avoir reçu une partie. Mieux encore, sur une région prétendument  non reçue, un citoyen prétend à son tour, ne pas avoir accordé son parrainage. Que d’incohérences !

Si l’ISIE a autant de mal à gérer quelques 800 000 parrainages, peut on sincèrement lui faire confiance pour gérer cinq millions d’électeurs ?

Sans compter que l’ISIE  n’a pas hésité, pour couvrir ses erreurs et sous prétexte de transparence, d’en commettre une autre encore plus grave,  en publiant sur son site les données personnelles des parrains afin qu’ils vérifient par eux-mêmes si on n’avait pas manipulé leur identité sans leur consentement.
Mais qui nous garantit, nous, citoyens, la bonne foi de l’ISIE ?

Lorsqu’on constate, par ailleurs, l’excès de zèle d’une HAICA qui cherche à sanctionner des médias à la veille de ces premières élections, un gouvernement qui refuse les négociations sociales alors que sa mission première est d’assurer un environnement favorable au bon déroulement de ces élections, un parti au pouvoir qui ne cesse de réclamer un Président consensuel au mépris des aspirations démocratiques populaires, permettez-moi de penser que toute une stratégie a peut-être été mise en place pour orienter les résultats de ces élections ou à défaut de carrément les empêcher d’avoir lieu en poussant à l’anarchie.

Ce n’est sûrement pas avec ce type de comportement que nous construirons la confiance vis-à-vis de l’Etat, que nous évoluerons vers la démocratie et que nous aboutirons à la stabilité nécessaire pour pouvoir gouverner dans la sérénité.

Neila Charchour Hachicha

 

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