Opinions - 22.09.2014

Le Président Provisoire nous coûte très cher

Après la récente augmentation, le SMIG chez nous est actuellement très proche de 348 DT tout compris, le salaire du Président Provisoire (PP pour faire court) est de 30.000 dinars. Dans une interview au journal arabe «EL Hiwar», rapportée par Busines News du 6 septembre 2014, le PP a déclaré, vidéo à l’appui, qu’il ne touche pas plus qu’un Professeur Universitaire. Comme j’appartiens à cette catégorie, j’ai le droit de réclamer le même salaire que lui, le vrai, celui indiqué sur son bulletin de salaire.

Au taux de change actuel, le PP  touche 13.160 Euros. Sachant que le Président François Hollande touche 13.500 Euros (près 30.800 DT) mensuellement, que le Mauritanien toucherait le même salaire que notre PP et que l’algérien 15,3 mille dollars, près de 27.000 DT (source African Manager du 6 Sept. 2014), on peut conclure que le salaire de notre PP se trouve dans les normes qui prévalent dans la région et qu’un tel salaire ne se situe pas parmi les plus élevés du Pays. Certes, mais les salaires des chefs d’états de par le monde ne se situent pas au sommet de la pyramide des salaires dans leur pays. Le boulot de chef d’Etat n’est pas le meilleur moyen pour ramasser une fortune, à moins de faire comme le dictateur. Et puis, quand on veut servir un Etat comme le nôtre, on peut se contenter de beaucoup moins que cela.

Par ailleurs, la comparaison doit elle porter sur la somme en tant que telle ou sur le niveau de vie des citoyens du Pays? Deux facteurs peuvent être considérés pour effectuer une comparaison basée sur le niveau de vie, ce sont le salaire minimum (SMIC) et le Produit Intérieur Brut par habitant (PIB). Le SMIG en France est actuellement de 1445 Euros, ainsi donc F. Hollande touche 9,34 fois le SMIG, alors que notre PP touche près de 86 fois notre SMIG (et non pas 150 fois comme je l’ai annoncé par erreur dans un précédent article paru dans Leaders le 4/11/2014). C’est quand même l’équivalent du revenu de l’ensemble des familles habitant un quartier populaire formé de 4 ruelles d’une vingtaine de maisons chacune. Ce n’est pas rien.

Par ailleurs, en 2013 le BIB français est de 41.421 $, le tunisien de 4421 $ (Source Banque Mondiale) – ce dernier était de 8898 $ en 2004 - nous étions plus riches. Le citoyen français est donc en moyenne près de 10 fois plus riche (plus exactement 9,37 fois) que son homologue tunisien. On voit donc que le Président du citoyen d’un Pays pauvre perçoit presque le même salaire que celui d’un Pays dont le citoyen est de 9,37 fois plus riche. Si l’on rapporte cela à la richesse globale des 2 pays, le rapport sera de 55 au lieu de 9,37, à cause de la différence entre les nombres d’habitants (65 millions d’un côté et 11 millions de l’autre).  Ainsi donc le Président d’un Pays pauvre perçoit presque le même salaire que celui d’un Pays 55 fois plus riche.  Est-ce normal? 

Enfin, mis à part les à-côtés, quelle est la contribution de chaque citoyen au salaire de son Président? Comme je l’ai dit dans le précédent article, chaque tunisien, quel  que soit son âge, contribue au salaire du PP par près de 3 millimes mensuellement (2,732  exactement), alors que chaque français ne contribue au salaire du sien que par 0,02 centime, soit 0,5 millime. Ainsi donc pour une population 6 fois moins nombreuse, donc un boulot moins prenant(*), le citoyen tunisien, qui est près de 9 fois moins riche que son homologue français, paye a son président une somme égale à 5 fois et demi  celle que paie le français au sien (**). Voilà donc le sens de la mesure et l’esprit d’équité défendus par un fervent militant des droits de l’Homme. C’est délirant. On ne peut faire mieux!

C’est la schizophrénie des intellectuels arabes dont a parlé Alexandre Adler dans une interview télévisée, qui les amène à se comporter chez eux d’une manière opposée à celle qu’ils défendent à travers les idées progressistes qu’ils affichent en occident ; interview accordée à une journaliste qui, dans l’une de ses questions, s’étonnait des atrocités commises par le régime de Bachar EL Asad en Syrie malgré les idées avancées qu’il affichait quand il poursuivait ses études supérieures en Angleterre. Je connais un autre compatriote bien célèbre qui est, lui aussi, atteint de la même maladie et qui, malgré les idées de gauche qu’il aimait afficher quand il était en France, n’a pas hésité à martyriser gratuitement ses administrés quand il  a dirigé une Institution en Tunisie.
J’espère que les candidats aux présidentielles proposeront une sérieuse réduction du salaire du Président.

Mohamed Jemal

(*) La preuve : il a trouvé le temps de rédiger deux ouvrages pendant son mandat et s’apprête à en publier un troisième.

(**) Rapportées au mois ou à l’année, ces contributions sont certes  dérisoires, mais la fonction de Président  ne se limite pas à quelques années, elle est éternelle. Et puis, c’est une question de logique, quels que soient les montants, leur comparaison est instructive.
 

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