Mon 1er patron - 11.07.2014

Un grand patron nous a quittés : A l'école de «Si Amor»…

Amor Belkheria fait partie de cette génération de pionniers de la Tunisie indépendante , qui ont posé les premiers  jalons  sur la voie du progrès.

Pour lui , le destin avait choisi un journal. Pas n’importe  lequel…. «La Presse de Tunisie», une vénérable institution de presse, en perdition . Il en avait fait le premier journal  moderne de Tunisie , y a  créé  une pépinière  de journalistes de talent et  a laissé, dans ses mûrs et chez ses hommes, des traces indélébiles .

Si Amor fut un patron, un journaliste et un homme  d’une trempe exceptionnelle…. Un «Kmach»  de la grande et belle époque de la Tunisie bourguibienne.

Le patron qu’il était, avait une autorité naturelle, un  sens  de l’écoute,  une proximité des hommes et une bienveillance imperturbable  ….Grâce à ces qualités humaines indéniables  il a su sauver «la Presse» du  gouffre au bord duquel l’avait placé son fondateur Henri Smadja, avant de l’abandonner, à la fin des années soixante.  Il  l’a reconstruite  , refaçonnée pour en faire en quelques mois  le premier journal moderne du pays….Il a créé la «société nouvelle d’impression et de presse et d’édition» (SNIPE) et en a fait la première institution de presse en Tunisie où le journaliste et l’employé sont actionnaires.

Le Journaliste  qu’il était , s’apparentait plus à l’artisan qu’au  technocrate high tech. Le destin l’avait conduit au métier du journalisme, après un début de carrière diplomatique  prometteur, Il en avait fait un sacerdoce et une activité passionnante exaltante et attractive.

Chasseur de jeunes compétences, jusque sur les  bancs de  l’université,  il s’était  acharné de  prendre la relève  des hommes  de Smadja , partis avec lui… Il avait réussi à créer une  pépinière de jeunes talents,  à y insuffler  ferveur et passion.

C’était lui le fondateur de  «l’école de La Presse», lui «l’homme du parti unique» qui  avait su adopter l’esprit  du journalisme  moderne, fait  de rigueur , de diversité  et de tolérance… Il encourageait l’innovation, déléguait, faisait confiance et cultivait l’esprit de contradiction . Quand son rédacteur en chef prenait la défense de  Sadate  après la visite historique  d’Elqods   sous le titre «réponse à ceux qui disent non»  et que son adjoint  à côté, à la Une,  pourfendait «Le traitre de la nation arabe», Si Amor savourait la  plume des  «contradicteurs  en chef»,  dans un  journal, pourtant censé être  le «porte parole du gouvernement»!

Il fut un patron de presse protecteur pour  ses poulains  face à l’ire  du pouvoir …. Elizabeth Badi, s’en était souvenue  jusqu'à sa mort , quand le pouvoir exigeait  «sa tête» après la publication d’un document «top secret»  (en manchette et à la une , SVP) sur le litige  du plateau continental  avec la Libye. «Je partirais avant elle » fut la réponse dissuasive   de Si Amor.

Chez l’homme, la rondeur et la bonhommie cachaient une quête implacable de la rigueur et du travail bien fait. Avec le  sens du partage et du don de soi.

Il ne  ratait pas une  occasion  pour mettre  un de ses journalistes en contact avec  le grand Bourguiba «afin d’apprendre…. et de saisir le sens de l’histoire» Il savait écouter, conseiller, répondre et rassurer…. Il avait formé une génération de journalistes, en esprit d’équipe ;  en avait  fait des noms brillants, des plumes talentueuses   et une famille  à toutes épreuves .
La bonne nature et le bon sens se rejoignaient bien dans sa singulière démarche patronale.

Si Amor fut mon premier et dernier patron: un vrai, celui qui te prend par la main, qui te montre le chemin, et qui ne te veux  que du bien ...  Je lui dois reconnaissance et gratitude.
Paix à son âme.

Slah Maaoui

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