Opinions - 11.06.2014

Ah, que lourde est la dictature des apparences!

On a tous vu les photos du roi Mohamed VI déambulant sans formalisme ni protocole dans nos rues comme un citoyen ordinaire. Et on a salué de sa part cette attitude salutaire pour un exercice du pouvoir plus proche du peuple, spontané et moins guindé que l'image qu'on en donne habituellement.

Or, il semble qua sa Majesté, en l'occurrence, n'ait procédé qu'à une opération de promotion pour la monarchie qu'il incarne et à but exclusivement extérieur au royaume. En effet, on indique que le Palais n'a pas apprécié qu'une chaîne nationale marocaine reprenne les photos tunisiennes du roi dans l'une de ses éditions d'information. Le roi a-t-eu peur que son image royale soit dévergondée en son pays, qu'il perde de son aura avec de telles photos?

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cet événement relève bien plus que de l'anecdote en ce qu'il nous renseigne sur les limites de la politique dans les pays arabes soumis à un diktat de l'image. Celui-ci est non seulement imposé par des considérations morales, souvent mal interprétées d'ailleurs, mais aussi et surtout par un atavisme arabe magnifiant l'apparence. Notre proverbe populaire ne dit-il pas qu'on peut manger, mais pas s'habiller à sa guise?

C'est l'un des multiples noeuds du problème démocratique en nos contrées où l'apparence, la forme prime toues les autres considération, y compris le fond. On le voit bien tous les jours en politique: les mesures formelles s'imposent toujours d'abord, et avec plus d'acuité, que des mesures matérielles. On ne peut que citer ici l'exemple flagrant de l'organisation d'élections nationales alors que l'essentiel de la constitution, le socle de l'État de droit, n'est pas encore mis en oeuvre.

Ainsi, l'apparence trompeuse de la démocratie prime chez nos élites et nombre de nos concitoyens ce dont elle doit emporter de lois justes indissociables d'un État de droit. De fait, toute notre vie politique est rythmée par une telle dictature de l'apparence, puisqu'il est bien admis, même en religion, que l'on peut à la limite fauter, mais impérativement en cachette.

C'est à un tel noeud gordien qu'il nous faut nous attaquer pour être en mesure un jour d'édifier un vivre-ensemble paisible démocratique où l'apparence n'ait pas plus d'importance que le fond des choses, en attendant que celles-ci s'imposent enfin comme les seules importantes comme le veut la raison et l'impose la saine appréhension des choses.  

Certes, le chemin est encore bien long; mais il l'est encore plus pour qui ne décide pas de se mettre en route sans tarder. On n'a rien sans rien et il est forcément une arrivée si l'on a déjà assuré le départ nécessaire.

F. Othman
 

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