Opinions - 12.05.2014

Programme économique du Front populaire

En février dernier, les camarades de Hamma Hammami, Ahmed Essadik et Mongi Rahoui ont présenté un programme économique particulièrement courageux et  résolu: il s’agit du premier projet socioéconomique présenté par un parti politique jusqu’à présent; autant dire que le tempo des campagnes électorales des législatives et des présidentielles est donné. 
Il faut admettre, le projet s’inscrit dans la droite ligne des exigences de la révolution ; il répond donc aux aspirations économiques et sociales des Tunisiens. Il a aussi cherché à répondre aux exigences des équilibres macroéconomiques et financiers.
Le programme, ayant comme philosophie la «justice sociale», s’articule autour de trois objectifs clés avec:

  • Création de plus de 60.000 emplois,
  • Développement des régions les plus défavorisées,
  • Augmentation du pouvoir d’achat des classes les plus démunies.

Pour le Front populaire, l’Etat est le seul acteur économique et institutionnel capable de remédier aux défaillances du marché.  Le pouvoir étatique doit donc intervenir massivement pour soutenir l’investissement mais aussi pour protéger les plus faibles.  En claire, un «niet» catégorique est exprimé à l’égard de la politique d’austérité annoncée et amorcée par Mehdi Jomâa.

Le budget de développement: cœur du programme

Le Front populaire, très critique à l’égard de l’enveloppe allouée par le budget de la troïka pour 2014 au développement. Il propose de l’augmenter de 40% pour atteindre 8.150 millions de dinars.
Une vingtaine de projets sont déroulés dont les financements s’étalent de 10 millions à 500 millions de dinars. Les projets phares, pour ne citer qu’eux, sont : Une raffinerie à Skhira, la réhabilitation de l’aciérie de Menzel Bourguiba et une unité de recyclage de déchets métalliques à Kairouan.

Allocation de 200 dinars pour les chômeurs diplômés du supérieur.

Le programme du Front prévoit de renforcer l’intervention de l’Etat :

  • D’une part, en élargissant son soutien aux familles les plus démunies. Il envisage en effet de rajouter encore aux 235.000 familles, qui bénéficient déjà du programme d’aides sociales, 115.000 ménages. Ceci impliquerait un coût supplémentaire de 200 millions de dinars.
  • Et, d’autre part, en réinstaurant une allocation chômage de 200 dinars pour les 170.000 chômeurs diplômés du supérieur.

Le concept des «dettes odieuses» refait surface

Le Front populaire propose la suspension  pure et simple du paiement du principal et des intérêts de la dette en attendant un audit pour déterminer le volume des «dettes» qui incombent au régime de Ben Ali, c’est-à-dire les  «dettes odieuses».

Le professeur Alexandee Nahum Sack, écrivait déjà en 1927: "Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir".

Les responsables du Front soulignent le fait que la dette extérieure tunisienne représente 63% de l’endettement total. Ils envisagent l’émission d’un emprunt obligataire national de 2.500 millions de dinars.

Recrutement de 12.000 fonctionnaires et une augmentation des salaires de 40 dinars par mois.

Pour ce faire le Front populaire prévoit de supprimer, purement et simplement, le programme de réhabilitation et de dédommagement des fonctionnaires opprimés et lésés professionnellement pour des raisons politiques, sous le régime de Ben Ali.

Une justice fiscale pour une meilleure justice sociale

Fidèle à ses principes de partage et d’égalité, le Front populaire prévoit dans son programme une taxe exceptionnelle de 5% sur les bénéficies des entreprises pétrolières et minières. Les 495 millions de dinars engrangés grâce à une telle mesure viendraient compenser l’annulation des nouvelles mesures fiscales prévues dans la loi de fiance 2014.

La recapitalisation des banques incombe aux hommes d’affaires

Ils proposent aussi de suspendre la recapitalisation des trois principales banques publiques (STB, BH, BNA) de 500 millions de dinars en attendant l’audit de ces institutions. Ils considèrent que «la recapitalisation de ces banques devrait être supportées par les hommes d’affaires qui s’en sont servis», d’après leur propos! 
 

Ezzeddine Ben Hamida