Opinions - 21.04.2014

Tunisie 2014 : Un Plan pour notre économie

Le diagnostic financier établi  très rapidement par le gouvernement,  a été apprécié par l’ensemble de la société tunisienne et nos partenaires étrangers, même si il n’est ni enchanteur ni prometteur.

C’est bien pourquoi tout ce monde attend la suite logique à  un tel état des lieux, à savoir l’établissement rapide d’un Plan d’action pour redresser la situation  financière, économique, sociale et entrepreneuriale du pays.
Un diagnostic financier, donne un bilan à une date donnée, ce qui correspond en quelque sorte à la température d’un malade.

Il doit être complété par l’ordonnance du médecin, à savoir les médications nécessaires à son rétablissement.

C’est le plan d’action, que d’autres désormais et y compris pour les Etats appellent "business plan", qui définit les grandes orientations économiques du pays pour le moyen et le long terme.

Certes, ce plan est supposé être  tributaire du temps alloué aux gouvernants,  de leurs doctrines et tendances politico économiques.

Ce qui compte tenu de la nature de notre gouvernement supposé être de transition, pourrait faire penser qu’un tel exercice n’est pas opportun et ferait perdre du temps inutilement à l’immédiateté de l’action gouvernementale.
Le penser serait mal connaître la réalité actuelle de notre monde, globalisé, et où le facteur instant est essentiel.
Par ailleurs, ce plan existe, il a été élaboré par les précédents gouvernements. Il y a lieu de le mettre à jour,  et surtout de mettre l’action sur les projets d’infrastructures qui sont le souci essentiel de ceux qui prendront l’initiative, voire le risque entrepreneurial,  d’investir dans nos régions.

De plus, quelque soit le régime politico économique que choisiront les tunisiens, les marges de manœuvre seront faibles et  les remèdes quasiment dictés non seulement par les exigences mais aussi par  les circonstances.

Enfin,  dans les quelques déclarations faites par les membres de l’actuel gouvernement, il apparaît que leur exercice du pouvoir, même s’il est temporaire, s’inscrit fort opportunément dans une logique de continuité.
D’où la nécessité d’établir les grandes lignes d’un plan d’actions actualisé  pour la décennie à venir, qui devrait avoir l’onction des organisations professionnelles et de L’ANC, ce qui lui donnera une crédibilité aux yeux de nos partenaires étrangers.

Car qu’on le veuille ou pas, le constat économique fait par le Premier ministre montre une détérioration significative de nos grands équilibres durant les trois dernières années.

Le déficit budgétaire est un trou béant, alors qu’en 2010 il était de 3% seulement, le chômage culmine, en dépit des recrutements massifs,  non nécessaires et contreproductifs, dans la fonction publique, et notre balance des paiements est très affaiblie  par un déficit commercial record.

Le  Gouverneur de la Banque Centrale  n’a pas cessé de tirer la sonnette d’alarme, sans grande écoute de ceux qui le prenaient pour un oiseau de mauvais augure, alors que notre présent lui donne raison.
Le résultat de tout cela,  est que notre pays ne pourra pas s’en sortir tout seul, et est plus que jamais tributaire des concours financiers extérieurs.

Le business plan économique une nécessite impérieuse

Ces derniers, qui nous sont d’une grande nécessité, ne peuvent nous parvenir que si nous montrons, justement dans le business plan que nous devons établir, les grandes lignes de notre redressement économique et de  son corollaire notre solvabilité financière.

Ce qu’il est important de savoir c’est que ces concours ne seront pas exclusivement des prêts.
Certes,  de ces derniers, nous avons grandement besoin pour le bon fonctionnement immédiat des structures de l’Etat.

Mais plus que de cela, nous nous devons,  dans cette compétition mondiale effrénée, faire valoir nos compétences, notre savoir faire, ceux de nos ouvriers et de nos cadres, afin de rassurer les potentiels investisseurs étrangers, sur le niveau de notre productivité.

Car c’est de productivité qu’il est question aujourd’hui dans la compétition mondiale.

A titre d’exemple, une nouvelle tendance voit le jour, qui pourrait surprendre plus d’un, et  qui nous permet d’observer des relocalisations d’entreprises de Chine vers des pays européens, l’Irlande en est un, non pas parce que les salaires y sont plus bas, mais bien parce que la productivité y est plus élevée.

Nous pourrions, si notre productivité  faible aujourd’hui se développe et monte en puissance, gagner des marges de marchés, sur les continents africains et européens du fait de notre proximité, qui nous donne un avantage non négligeable dans la gestion de la chaine logistique, la fameuse "supply chain".

Mais pour cela nous devons, une bonne fois pour toutes,  gagner la paix sociale.

Combien d’entreprises, sont constamment arrêtées par les revendications salariales et combien d’autres changent  de points  de chute devant ces spectacles répétés et peu encourageants?

Nous sommes loin des grèves à ruban rouge sur le front de nos amis japonais, qui contestent sans ralentir le rythme de la production.

Et combien de nos sociétés ont souffert des atteintes à leur outil de production.

Il s’agit d’une déraison qui ne se comprend pas, même si pour nos ouvriers et nos employés, la vie est devenue intenable, en raison de la hausse du coût de la vie, et de la détérioration de la qualité des services publics, les  transports principalement.

Mais ils doivent se rendre compte, qu’ajouter de l’obstruction, voire de la violence, à la situation présente, c’est manquer de discernement et rendre leurs situations encore plus difficiles.

Les luttes sociales, sont légitimes et ont permis aux ouvriers d’améliorer leurs conditions de travail, et leur productivité,  tout au long de l’histoire.

Néanmoins, nous sommes dans une situation économique très endommagée qui requiert  une trêve, voire un apaisement des  revendications dans l’intérêt de tous, et un intérêt particulier pour  une situation financière dont on ne peut sortir que si la confiance interne et le regard externe sont de retour.

Une synthèse parlante de ce que nous sommes en mesure d’accomplir

Justement le business  plan de l’Etat devrait être le plus synthétique possible et destiné à retrouver notre  détermination et confiance et celles de nos alliés dans notre volonté et notre capacité à nous redresser.
Il devrait partir de quelques préalables nécessaires à sa mise en œuvre: retour au calme du pays, par la vigilance à l’encontre des tentatives violentes ou souterraines de sa déstabilisation,                             approfondissement et permanence du dialogue social,  répression de toute atteinte aux outils de production et équipements publics, et  sécurisation, autant que faire se peut,  de nos frontières.

Les autres points fondamentaux seront ceux relatifs à tout ce qui porte atteinte ou menace  notre faible richesse nationale, financière, productive, éducative, environnementale, et notre volonté de surmonter, et de tirer la substantifique moelle de cette parenthèse de notre histoire.

Tirer parti des difficultés  héritées du passe récent

Le business plan, devrait  surtout être imaginatif, synthétique et répondre aux défaillances structurelles héritées du passé.

Il ne s’agirait point d’un Plan extrêmement détaillé, qui est généralement une synthèse de discussions et dialogues menés à tous les échelons de nos structures administratives, mais bien d’un condensé de l’organisation et des objectif désormais dévolus à la direction des affaires économiques dans les prochaines années et en particulier  du  rôle désormais attribué  à l’Etat dans la conduite des affaires publiques qui  devra être reconsidéré.

Ce dernier, à l’instar de ce qui se passe  quasiment partout dans le monde,  est en devoir de limiter son pouvoir à ses attributions régaliennes, et à la définition des grandes orientations économiques, sociales, et éducatives  du pays.

En clair, définir une vision, et fixer des balises, et   laisser aux  représentants des divers secteurs de la vie active  s’y déployer avec détermination et liberté d’action, c’est bien ce qui lui est demandé.

L’Etat omniprésent et omnipotent, plongeant ses tentacules partout,  est désormais une caricature créée par et  pour l’histoire.

Il restera un catalyseur de l’action du secteur privé, en lui facilitant son implantation, grâce à une politique de soutien, par le développement de l’infrastructure de base et de celle indispensable au développement des  nouvelles  technologies.

Le business plan s’inscrit dans les orientations, auxquelles doivent se soumettre les grands projets d’investissement, dont le pays a grandement besoin.

Tirer parti des difficultés du passé, c’est faire en sorte que notre nouveau modèle de développement soit, autant que faire se peut,  égalitaire entre les différentes classes sociales et  régions du pays.

C’est à ce drame de l’inégalité trop grande dans un pays trop petit que nous devons nous atteler, car ce sont bien les jeunes des bidonvilles aux portes des riches quartiers hyperluxueux, et ceux des régions déshéritées, abandonnées et sans perspectives,  qui se sont soulevés un certain mois janvier avec l’énergie du désespoir.

La cartographie des investissements dans les infrastructures

C’est à ce niveau que se situe l’essentiel du business plan de l’Etat. Il s’agit de paver le chemin qui devrait nous conduire vers une  société nouvelle plus juste, plus ambitieuse et certainement plus performante.

Ce dont nous avons le plus besoin, nous et ceux que la Tunisie pourraient intéresser, comme destination pour le tourisme, l’industrie, et les services, ce sont bien les investissements structurants : d’abord les autoroutes et les routes permettant un accès normal dans les différentes régions du pays, mais aussi ceux qui permettent de fixer les habitants, les étudiants, les entrepreneurs, les cadres de toutes sortes dans leur différents lieux d’habitation et de travail,  s’ils le souhaitent.

A cet égard, il y a lieu de prévoir la création, à moyen terme,  d’hôpitaux, d’universités, d’écoles et d’améliorer les infrastructures intra-muros,  qui feront qu’une vie normale devienne possible dans ces villes et villages devenus fantômes, et dans lesquels rôdent une odeur de poudre, et un sentiment de laisser pour compte, de frustration et d’injustice, terreau fertile à l’éclosion de la violence, et du déni de l’autorité.

Que ces régions deviennent des havres de paix n’est pas illusoire quand on connaît la nature pacifique et sociable du tunisien,  tant qu’on le laisse vivre dans l’honneur et la dignité.

Et vivement, que ces régions voient aussi l’éclosion des talents et le génie des adolescents, férus quand ils disposent du minimum de moyens,  de sciences, d’inventivité et de technologie du futur.

Elles doivent bénéficier au mieux d’une discrimination positive en termes d’investissements et au pire d’une égalité avec les grandes métropoles, car les jeunes  s’y trouvent en nombre  et n’attendent  qu’à s’exprimer et à exploser.

Cette cartographie des investissements à moyen et long terme, devrait faire l’objet d’un grand débat national et obtenir l’assentiment le plus vaste possible.

Cela aiderait à  montrer qu’il existe une détermination pour répondre dans un temps acceptable aux revendications de nos compatriotes et donnerait des gages de développement de nos infrastructures nationales et régionales aux investisseurs potentiels attirés par un pays proche de l’Europe et de l’Afrique et où la vie redevenue normale offrirait des avantages comparatifs pour le déploiement de leurs activités.

Conclusion

Le pays est attendu par tous ceux qui croient en ses capacités à rebondir.

Il a des atouts non encore exploités, et en dépit de ces trois dernières années tourmentées, conserve des partisans dans les instances internationales et les pays amis.

Il dispose d’autres réserves humaines, telles que ses différentes communautés établies à l’étranger et qui n’ont pas été,  pendant des décennies, ni associées ni sollicitées.

Lorsque le pays a fait appel, récemment, à ses représentants les plus éminents, ils ont répondu présents.
Nous pouvons élargir l’étendue de ces soutiens, car nous avons besoin de toutes nos forces vives, sans exclusive ni dosage.

Nous avons besoin surtout de tenir parole,  et d’engager résolument le pays vers les objectifs de notre plan de redressement, ce qui nous permettra, de consolider nos partenariats internationaux, dont le soutien est indispensable à notre décollement.

MG

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