News - 04.04.2014

Ben Guerdane dans l'œil du cyclone : l'instrumentalisation de protestations justifiés?

Que se passe-t-il à Ben Guerdane? La colère légitime de la population et des jeunes surtout devant le tarissement de leurs sources de revenus en raison de la fermeture du poste frontalier de Ras Jédir pour justifiée qu’elle soit, a-t-elle été instrumentalisée par «certaines parties» pour semer la zizanie dans une région sensible.

La question mérite d’être posée après les déclarations du gouverneur de Médenine, Habib  Chaouat qui  n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Selon lui, la situation à Ben Guerdane, est «grave» et risque de devenir incontrôlable si elle ne l’est déjà. «Certaines parties» qu’il ne veut pas nommer, ne veulent pas que les choses  reviennent à la normale  dans cette ville. Elles  «cherchent à semer le chaos dans la région pour préserver leurs  intérêts», ajoute-t-il.

Quelles sont les «parties» évoquées? Sont-elles seulement, «des bandes organisées de contrebandiers» qui veulent  continuer à  «sévir dans la région et cherchent à imposer leurs propres agendas»  dixit le premier responsable de la région. Des «parties» politiques se mêlent-elles aux «barons de la contrebande» pour  faire échouer le gouvernement de Mehdi Jomaa qui a pris à bras-le-corps deux questions qui ne sont pas dans l’intérêt des uns et des autres, à savoir la lutte antiterroriste et anti-contrebande.

Le saccage et l’incendie des bureaux de l’UGTT locale pourtant active dans la recherche des possibilités de développement de la zone frontalière laisse supposer que ce n’est pas uniquement la colère légitime des jeunes de la région qui justifierait les mouvements violents de protestation dans la localité. Selon des témoins la mise à sac du siège de de l’union locale du Travail a eu lieu sous le regard des forces de l’ordre complètement passives. D’ailleurs vendredi Ben Guerdane s’est réveillé sous un calme précaire avec la grève qui paralyse tous les services publics en réponse à un mot d’ordre de la centrale syndicale. La société civile locale s’est mobilisée pour arrêter le cercle vicieux de la violence et mettre de l’ordre dans les revendications de la population locale.

En l’absence du chef du gouvernement en visite de travail aux Etats unis, la présidence de la république veut s’immiscer de la situation, puisque l’on annonce une prochaine rencontre entre le président provisoire et les  responsables locaux. Cherchant à l’évidence à profiter de l’occasion dans la campagne électorale avant la lettre de leur chef, les dirigeants du Parti présidentiel, le Congrès pour la République (CpR)  jouent-ils les pompiers pyromanes, puisque certains analystes ne manquent as d’évoquer le «syndrome de Deraa» en faisant le parallèle avec cette ville de la frontière jordano-syrienne qui a été le point de départ de la contestation contre le régime de Damas qui s’est soldée jusqu’ici  par quelques 150000 morts et 1,5 millions de réfugiés dont la moitié est constituée d’enfants.

La fermeture  du poste de Ras Jédir à l’initiative de la partie libyenne a donné lieu à des manifestations parfois violentes à Ben Guerdane, des jeunes revendiquant le «développement»  pour leur région afin qu’ils  ne restent plus à la merci de l’ouverture ou de la fermeture des frontières pour une raison ou une autre par l’une ou l’autre des parties.

Le maintien de la  fermeture de ce poste frontalier par lequel transitent les «petits contrebandiers» qui gagnent leur vie en faisant le «menu fretin» de trafic de marchandises entre les deux pays paraît dans l’intérêt des «gros bonnets» la contrebande qui arrivent à tromper la vigilance des contrôles des deux côtés de la frontière.

Le gouverneur a ajouté que des contacts ont été établis avec les autorités  libyennes tant par la présidence de la République que par  la présidence du gouvernement pour la réouverture du poste frontalier. Certaines indications qui avaient laissé entendre que le poste de Ras Jédir serait rouvert dimanche prochain ont été démentis par le ministère libyen de l’intérieur qui a affirmé qu’aucun accord n’a été convenu pour une réouverture de ce poste entre les autorités des deux pays.

R.B.R.

Ben Guerdane : «la situation est hors de contrôle»