Opinions - 01.04.2014

J'ai lu pour vous le communiqué de la Banque Mondiale

C’est un bref communiqué daté du 27 mars 2014 que chaque citoyen devrait lire et particulièrement les membres de ce Gouvernement en place, les députés à l’ANC et les structures chargées de la lutte contre la corruption.

Ils l’ont lu me diriez-vous, c’est presque certain, j’en conviens, mais, car il y a un mais, qu’ont-ils fait pour abroger ces textes qui ont favorisé ce copinage et pour modifier le système économique à l’origine de ces dépassements?

Permettez-moi de vous rapporter quelques extraits terrifiants et accusateurs:

  • «L’ancien régime tunisien s’est servi de la réglementation en vigueur et a créé de nouvelles lois pour servir les intérêts de la famille de l’ex-président Ben Ali et des proches du régime… la réglementation a été manipulée au point que ce groupe de privilégiés avait la mainmise, à la fin de 2010, sur plus de 21 % des bénéfices réalisés par le secteur privé dans le pays.
     
  • Le «clan» de l’ancien dirigeant tunisien… a investi dans des secteurs lucratifs dont l’accès était protégé, principalement par un système d’autorisations préalables et le recours aux pouvoirs exécutifs pour modifier la législation en faveur du régime, créant ainsi un système à grande échelle de capitalisme de copinage.
     
  • Les données collectées font état de 25 décrets promulgués au cours de cette période qui introduisaient de nouvelles exigences d’autorisation préalable dans 45 secteurs différents et de nouvelles restrictions en matière d’investissements directs étrangers (IDE) dans 28 secteurs. Conséquence: plus d’un cinquième des bénéfices du secteur privé revenait aux entreprises des proches du régime.
     
  • «Nous démontrons que l’action interventionniste de l’État dans le secteur industriel profitait à la famille du président et servait en fait à camoufler un système de rentes. Il est en effet prouvé que l’État a permis aux membres du régime à la recherche de rentes d’accaparer une partie importante du secteur privé en mettant les entreprises proches de la famille à l’abri de la réglementation en vigueur ou en leur octroyant des avantages particuliers. Plus pernicieux encore, nous avons la preuve que les règlements ont été aménagés pour servir des intérêts personnels et favoriser la corruption».
     
  • L’ouverture du cadre règlementaire du pays portant sur l’investissement privé n’était qu'apparent et l’attitude favorable de l’ancien régime à l’égard du développement du secteur privé cachait les pratiques discriminatoire et les problèmes sous-jacents de l’économie tunisienne.
     
  • L’ouverture de la Tunisie a été en grande partie un mirage, de vastes pans de l’économie étant fermés et nombre d’entre eux étant aux mains d’intérêts proches du régime.
     
  • Selon les auteurs de l’étude, la structure réglementaire créée par l’ancien régime reste toutefois en grande partie inchangée aujourd’hui.»
     
  • «Le problème du capitalisme de copinage ne concerne pas seulement Ben Ali et son clan: il demeure l’un des principaux problèmes de développement auxquels la Tunisie est confrontée aujourd’hui», commente l’économiste de la Banque mondiale Antonio Nucifora, économiste principal pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA).
     
  • «Trois ans après la révolution, le système économique qui existait sous Ben Ali n’a pas changé de façon significative. À la faveur de la révolution, les Tunisiens se sont débarrassés de l’ex-président Ben Ali et des pires aspects de la corruption, mais les politiques économiques restent largement intactes et sujettes à des abus. Le cadre de politiques publiques hérité de l’ère Ben Ali perpétue l’exclusion sociale et favorise la corruption».

Ce document est un acte d’accusation grave à l’encontre de tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce cadre réglementaire pervers et c’est à la justice transitionnelle de se saisir de ces dossiers.

Mais là où je ne suis pas d’accord avec ce communiqué c’est lorsqu’il affirme que «La corruption de la familleBen Ali était notoire et constituait une source de frustration manifeste pour la population tunisienne, comme en témoigne le pillage ciblé et systématique des propriétés du clan après le soulèvement de 2011.»
Peut-être que certains avaient des informations exactes parce que ayant participé à l’élaboration de ces textes pervers  ou concernés directement par ces abus. Le reste se faisait l’écho, entre quatre murs, de certains dépassements rapportés par  « oui dire » mais n’avait pas de preuves de ce qu’on lui rapportait et  surtout n’avait aucune idée de l’ampleur de ces dépassements.Plus d’un se réfugiait derrière la moyenne de 5% du taux de croissance pour dire que tout allait bien mais les plus éclairés doutaient que cette croissance se heurtait  en fait à un frein qu’elle n’arrivait pas à cerner et que les «autorités de contrôle» n’avaient pas révélé.

Si toute la population tunisienne savait ce qui se passait, elle est composée de lâches, ni plus, ni moins, ce qui n’est pas le cas.

Mokhtar El Khlifi

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