News - 28.03.2014

Arabie saoudite : Un « coup de palais » de l'homme-lige du roi Abdallah ?

À la veille de la visite du président américain Barack Obama à Riyad, prévue le 22 mars, la cour royale d’Arabie saoudite a annoncé la nomination du demi-frère du roi Abdallah, le prince Moqren ben Abdel Aziz, « vice-prince héritier », un poste inédit et une décision qui le place deuxième dans l’ordre de succession au trône.

Cette nomination n’est pas de nature à mettre un terme aux sempiternelles spéculations sur la succession du prince héritier Salmane et ministre de la Défense (79 ans), puisque les fins connaisseurs des intrigues du palais ne doutent pas qu’elle porte la signature de l’homme fort du royaume, Khaled Al-Twaijri, le chef de cabinet du roi Abdallah et son bras droit.

Le décret du cabinet royal diffusé jeudi soir par la télévision officielle et annonçant la nomination du prince Moqren (69 ans, le plus jeune fils du fondateur du royaume Abdel Aziz (Ibn Saoud), et chef du renseignement de 2005 à 2012), précise qu’il continuera d’assumer ses fonctions de deuxième vice-président du conseil des ministres et de conseiller du roi.

Selon le décret, Moqren sera proclamé roi "en cas de vacance simultanée aux postes de prince héritier et de roi". Le décret précise que la décision a été prise par le Conseil d'allégeance "à plus des trois quarts" de ses 34 membres, des princes de la famille royale, et souligne que cette décision est «irrévocable et ne peut en aucune manière être modifiée ou remaniée ou interprétée par quiconque».

Conformément aux règles de succession en vigueur dans le royaume, le pouvoir se transmet d'un frère à l'autre, en respectant le droit d'aînesse, parmi les fils du roi fondateur. C’était le roi Abdallah en personne qui avait établi le «Conseil d'allégeance» en 2006 pour assurer une transition pacifique du pouvoir ‎dans cette monarchie ultraconservatrice du Golfe, première puissance ‎pétrolière mondiale.

Or, le roi Abdallah avait déjà procédé à deux nominations aux fonctions de prince héritier sans se conformer aux règles de succession depuis son accession au trône en 2005: celle du prince Nayef, ex-ministre de l’Intérieur, après le décès du prince Sultan, également ex-ministre de la Défense, en octobre 2011, et celle du prince Salman après le décès de Nayef en juin 2012.

La nomination du prince Nayef, ultraconservateur, avait irrité le prince libéral Talal Ben Abdel Aziz, un demi-frère du roi Abdallah, au point de démissionner deux semaines plus tard du "Conseil d'allégeance", sans ‎toutefois préciser les raisons de sa démission, un acte rare dans le royaume saoudien.‎

Le prince Talal, connu pour ses actions en faveur du développement humain, ‎préside le Programme arabe du Golfe pour les organismes de développement ‎des Nations Unies (AGFUND), dont les interventions sont axées sur la ‎promotion de l'éducation, de la santé et de la condition féminine dans les pays en développement.‎ Il avait fait partie au début des années 1960 d'un mouvement des ‎princes libres. Son fils, le prince Al-Walid, est un milliardaire à la tête du ‎Kingdom Holding et réputé pour son libéralisme.‎

Aussitôt après l’annonce de la nomination du prince Moqren comme vice-prince héritier, le frère aîné d’Al-Walid, le prince Khaled, connu pour sa proximité avec le courant religieux conservateur, a menacé sur Twitter de révéler «les détails ignominieux » de l’instigateur de cette désignation, « le guide suprême du Diwan (palais royal) qui, avant la visite d’Obama, a mené d’intenses contacts à l’intérieur et à l’extérieur du royaume, voyageant entre  pays arabes et européens, pour conforter sa position et assurer ses intérêts personnels et ceux de ses alliés et leur avenir politique », dans une allusion évidente à Khaled Al-Twaijri.
https://twitter.com/s_2O17_/status/448952266343464960/

Khaled Al-Twaijri (54 ans) est le fils de cheikh Abdelaziz en Abdel Mohsen Al-Twaijri qui avait voué sa vie jusqu’à sa mort en juin 2007 au service de la famille régnante saoudienne et occupé plusieurs hautes fonctions, notamment au sein de la Garde nationale, une unité pleinement opérationnelle de première ligne, principalement recrutée dans les forces militaro-religieuse tribales et commandée par la fils du roi  Abdallah, le prince Meteab.

Au fur et à mesure que la santé du roi Abdallah (90 ans) a été miné par la maladie, bon nombre de Saoudiens ultraconservateurs ne ménagent plus sur internet et sur les réseaux sociaux leurs critiques à l’encontre de Khaled Al-Twaijri, accusé de «libéral», d’«ennemi de l’islam», d’avoir «pris en otage» le roi Abdallah et de «régenter en maître absolu du palais royal».

Certains d'entre l’accusent d’être responsable de la mise à l'écart du chef des services de renseignements du royaume et ancien homme fort, l'émir Bandar ben Sultan, et surtout de fomenter des plans pour favoriser l’accession au trône du prince Meteab, désigné récemment chef de la Garde royale, (comme le souhaite le souverain saoudien), au détriment de l’actuel ministre de l’Intérieur, le prince Mohammad ben Nayef, le préféré des Washington où il a été reçu en février par Barak Obama lui-même et par les principaux responsables au sein de l'administration américaine

Le prince Mohammad ben Nayef, qui s’est illustré dans la lutte contre le terrorisme, observe jusqu’à présent le silence. Mais rien ne dit que la guerre de succession est réglée.

C’est dans ce cafouillis que le président américain est attendu à Ryad pour sa deuxième visite depuis qu'il est à la Maison-Blanche, avec pour premier objectif: se réconcilier avec son principal allié dans le Golfe, le deuxième étant relancer un partenariat stratégique vieux de 70 ans, mais qui a été malmené ces dernières années par des divergences de vues sur l'Iran et les révoltes arabes.

Habib Trabelsi
 

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