Opinions - 06.03.2014

Que cherche Hamed Karoui?

En juillet 1988, j’ai accepté d’être  ministre de la Santé. Je croyais innocemment que le discours du 7 novembre qui a été suivi d’une embellie sans précédent des Droits de l’Homme allait transformer la conduite de l’Etat J’ai très vite compris qu’il n’en serait rien. Chacune de mes décisions étaient critiquées, je n’avais aucun pouvoir. Lorsque Ben Ali m’a désigné pour faire partie de sa visite d’Etat à Paris, j’ai compris que le Président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH) embellissait le décor. En avril 1989, je quitte le Ministère.

C’est au cours de mon passage au gouvernement que j’ai côtoyé Hamed Karoui alors ministre de la justice de Hedi Baccouche. Il lui succède le 27 septembre 1989, comme premier Ministre et pendant une décennie,  il exécute la politique de Ben Ali, éloignée de la déclaration du 7 novembre. notamment à l’encontre de la LTDH dont il provoque par la loi sur les associations sa dissolution momentanée et le gel de ses activités en 2005.

Le 2 mars 2014, à l’émission animée par Samir Wafi sur la chaîne, Ettounissia, Hamed Karoui  plaide pour une participation des rcdistes aux prochaines élections et a l’outrecuidance de déclarer que les «Tunisiens ne connaissent pas la vérité sur Bourguiba  et sur l’attitude de Ben Ali  à son égard». Destituer le  Président Bourguiba en utilisant un coup d’Etat médical et l’isoler pour le faire oublier, faire croire en l’avènement d’une démocratie ont été sa démarche pour prendre le pouvoir.

Hamed Karoui s’est donc chargé de dévoiler cette «vérité»: «Ben Ali, devant le rejet de sa famille de le prendre en charge n’aurait eu d’autre choix que de le placer dans une  résidence.»

Une amitié de 50 ans qui me lie à Bourguiba Junior qui nous a malheureusement quittés et l’affection que je porte à son épouse et à ses enfants, l’inanité de telles paroles sont les raisons qui me décident à révéler la vérité qui m’a été rapportée par Bibi à cette époque. C’est sur son insistance que Bourguiba allait être domicilié dans sa résidence à Monastir après un séjour d’une semaine au Mornag. Hédi Baccouche ayant même envisagé de l’envoyer à Sfax sans doute pour l’éloigner davantage.

Bourguiba Junior, ignorant le statut de son père, rencontre Abdelhamid Escheikh,  nouvellement  nommé ministre de l’Intérieur pour savoir quelle faute avait commise son père, allait-il être traduit en justice ? Rien n’a changé, lui a-t-on répondu. Alors comment expliquer qu’il soit en résidence surveillée avec interdiction de sortie et de visite sauf en présence du gouverneur , visites triées et annoncées la veille. Alors Bourguiba Junior exprime le désir de ramener son père à La Marsa chez lui où il sera entouré de sa famille. Il demande que la levée de la surveillance et  le contrôle des visites soient annulés. Les autorités refusent prétextant  l’obligation de l’Etat d’assurer la Sécurité du Président.

Ainsi, c’est de nouveau la prison que connait Bourguiba. Dans sa vie, il aura été emprisonné avec le gouvernement tunisien pendant 13 ans, trois fois plus longtemps que par les Français au début des années 50!
Nelson Mandela s’est vu refusé l'autorisation de saluer un homme qui l’avait aidé dans sa lutte contre l’Apartheid.

Marie-Claire Mendès-France a séjourné en Tunisie jusqu’à ce qu’on lui permette d’aller le saluer en souvenir de son amitié avec Pierre Mendès-France qui l’admirait beaucoup d’avoir consacré sa vie à son pays. Son fils, ses petits-enfants se relayaient auprès de lui. Une anecdote: le jour de son anniversaire, son petit-fils Mahdi lui apporte un gâteau, il est refusé pour « risque d’empoisonnement» !

Que cherche Hamed Karoui, en se posant comme le sauveur du RCD et en diffamant Bourguiba Junior, fils du seul grand président qu’a eu la Tunisie?

Dr Saadeddine Zmerli
1er Président de la LTDH