News - 23.02.2014

Maghreb: l'aigle sans queue ni tête

Comparaison n’est pas raison. Mais il y a des comparaisons qui pour ne pas être justifiées sont d’autant plus choquants. Samedi, le président provisoire au cours du colloque Maghreb-Turquie sur l’économie et la culture a comparé le Maghreb a un aigle, son corps étant l’Algérie, ses ailes la Tunisie et le Maroc et ses serres la Libye et la Mauritanie. En regrettant que cet aigle-là n’arrive pas à déployer ses ailes. Sauf à lui-même, cette image ne doit plaire à personne. Surtout pas aux pays concernés. L’Algérie se demanderait : et le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui où le placer. Le Maroc ne se verrait pas réduit à une aile. La Libye et la Mauritanie se poseraient la question: les serres c’est pour quoi faire, mais où est donc la proie à moins qu’on cherche l’ombre à sa place. Mais la bonne question serait : mais où est la tête? Pour ajouter… et la queue… comme dans la célèbre comptine pour enfants!!

Si cela peut passer à la rigueur, que dire alors de cette affirmation qu’il va octroyer aux ressortissants maghrébins les cinq libertés, dont celle de participer aux élections locales. D’abord le terme d’octroi doit être biffé du lexique de nos hommes politiques parce que les Tunisiens comme les Maghrébins sont des citoyens à part entière et non plus des sujets et qu’ils refusent qu’on leur octroie des droits. L’octroi,  seuls les dictateurs peuvent se le permettre.

Mais le président provisoire ne se rappelle-t-il pas qu’il a fait cette même gesticulation il n’y a pas  longtemps en faisant savoir que les Algériens peuvent rentrer en Tunisie avec une simple pièce d’identité. L’Algérie a refusé net. Car ce genre de règlementation doit être convenu entre des pays souverains suite à des négociations en bonne et due forme, puis soumis à l’adoption des assemblées législatives et de la ratification de l’autorité suprême. Le principe étant la «réciprocité» pour que les Tunisiens bénéficient aussi des mêmes privilèges. Puis la Libye étant ce qu’elle est un arsenal d’armes à ciel ouvert, peut-on  se permettre d’avoir des frontières grand’ ouvertes avec ce pays au moment où d’autres pays cherchent à établir des visas pour les ressortissants libyens!!

Au cours de cette même allocution Marzouki a qualifié la Tunisie d’un des meilleurs «amis» de la Turquie. D’abord ce n’est pas à lui de le dire. Et quand bien même, cela serait vrai,  ce n’est ni le moment ni l’opportunité de faire un distinguo dans nos amitiés. Comme la Turquie d’Erdogan a fait de «zéro ennemis» le crédo de sa politique étrangère, la Tunisie a besoin aujourd’hui de l’amitié de tous les Etats «frères et amis» au premier rang desquels les pays voisins, l’Algérie, la Libye et le Maroc mais aussi les pays avec lesquels nous partageons une histoire commune comme la France, l’Italie, l’Espagne  et l’Europe d’une manière générale sans oublier nos alliés de toujours les Etats unis d’Amérique en tête. Bien sûr les Etats frères arabes, d’Afrique  du monde musulman et d’ailleurs. Serait-ce sa manière de contenter ses alliés islamistes d’Ennahdha au moment où il pense  plus fort que jamais à rempiler à Carthage. C’est son droit. Mais comme chef de l’Etat chaque mot compte, chaque geste aussi. Il ne faut pas qu’il prenne certaines libertés. Car ces manière somme son droit de l’hommisme débridé comme ce fut le cas avec l’Egypte qui a tiré dans son sillage les Emirats arabes unis ne doit pas nous aliéner des amitiés qui peuvent nous être utiles dans cette phase délicate de notre transition démocratique.

R.B.R.
 

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