Opinions - 15.01.2014

Tunisie 2014: le temps de l'espoir?

"Dans toutes les larmes s’attarde un espoir"
(Simone de Beauvoir)

Nous venons de traverser quelques mois de grandes turbulences, qui nous ont secoués tous,  et affecté  nos amis et sympathisants des quatre coins du monde.

La Tunisie célébrée au G8 à Deauville, et applaudi au Congres américain par les représentants du peuple et le président OBAMA,  et ses citoyens montraient depuis des signes de faiblesses et de désordres qui brouillaient la belle image très romantique de l’initiatrice du "Printemps arabe".

On en était arrivé à désespérer, de l’expérience souhaitée par tous, de la cohabitation possible de régimes d’obédience islamique et de la démocratie.

D’autant que dans la foulée des guerres d’un autre âge, et sans fin,  se déroulaient dans les pays voisins, déchirés  chaque jour par un peu plus de violence, une hécatombe de morts, la destruction des richesses naturelles et archéologiques et la disparition de toute forme de liberté d’expression.

Les images tournant en boucles de tous ces pays violentés par eux-mêmes, étaient tellement ressemblantes que les observateurs en arrivaient à ne pas discerner leur provenance, au point d’y englober notre pays, certes fortement brutalisé, mais loin d’atteindre le même degré de cruauté.

Et voici que la Tunisie, surprend et émerge à présent, du lot de ces univers  "berbères" ou "barbares", avec coup sur coup un dialogue national qui avançant cahin-caha a abouti à des résultats dont il serait injuste de limiter la portée: reprise des travaux de l’ANC, avec un projet de Constitution qui touche à sa fin et un contenu bien plus acceptable que prévu, l’accord sur la désignation d’un Premier Ministre indépendant, et dont le parcours offre des garanties de compétences, et la constitution en cours d’un gouvernement de transition qui devrait être  composé de membres choisis en dehors des partis politiques et  dont la feuille de route est, principalement, de  veiller à la préparation par l’ISIE, elle aussi nouvellement élue, d’élections transparentes, et de remettre sur les rails la marche normale de notre administration.

Le fait qu’un gouvernement, issu d’élections indiscutables, celles  du 23 octobre 2011, ait fini par accepter de transmettre le pouvoir pacifiquement à un gouvernement indépendant, est en soi une prouesse, qu’i faut saluer à sa juste valeur et ce quelles que soient les intentions réelles ou supposées que cacherait cette bienveillante démarche.

Ces acquis, que nous devons par prudence considérer comme fragiles, et par honnêteté intellectuelle comme importants, nous ont valu  il y a moins d’une semaine, un éditorial du Washington Post, sous le titre assez éloquent de " les compromis démocratiques de la Tunisie, doivent servir d’exemple pour la région".

Dans cet éditorial de la rédaction, le "Post" rappelle qu’à la différence de l’expérience égyptienne des frères musulmans,  Ennahdha a préféré trouver un compromis démocratique plutôt que de se hasarder dans des  luttes fratricides.

Et l’éditorial de  mettre l’accent sur le fait que les deux principales composantes de la scène politique sortent de cette première étape avec des points forts non négligeables,  et que de ce fait le compromis démocratique les met sur un pied d’égalité pour les prochaine élections.

Il cite à l’actif du parti islamiste le fait de ne pas s’être laissé entraîner, à l’instar des frères musulmans en Egypte,  dans  des situations extrêmes qui ont conduit au coup d’état militaire, et d’avoir accepté, vaille que vaille, de faire des concessions sur l’identité du peuple tunisien, sur le statut des femmes et d’avoir collaboré intelligemment dans le cadre du compromis démocratique.

Les partis de l’opposition sont quant à eux, à l’instar de Nidaa Tounes, gratifiés du fait qu’ils n’aient jamais pensé à recourir à un coup d’Etat et d’avoir choisi le dialogue notamment avec Ennahdha pour arriver à un résultat honorable.

Le "Post", toujours lui,  indique que la réussite à ce niveau, de l’expérience tunisienne, est d’autant plus méritoire, qu’au contraire de l’Egypte, de la Syrie et de la Libye, elle a été obtenue  avec moins de pression des occidentaux et des américains dans ce parcours démocratique, couronné par une élection transparente de l’instance des élections, ce qui annonce un prochain retour aux fondamentaux économiques.

Le résultat de cet éditorial apporte une lueur d’espoir quant à la perception que peut avoir le monde (le "Post" est lu partout et non pas uniquement aux USA) et  constitue un formidable appui à l’expérience tunisienne, qui ne sera pas sans effet également sur l’attitude d’autres organes d’information, et des investisseurs et partenaires  potentiels.

J’ajoute que le fait que le nom d’un ressortissant juif  tunisien, ait été simplement cité par des organes de presse comme un possible futur Ministre du tourisme, et même si ces supputations ont une valeur très relative, est une confirmation de l’exception tunisienne en matière de concorde et de tolérance.

Rendons aux dirigeants d’Ennahdha ce qui leur revient, ils ne se sont jamais abaissés  à différencier  les communautés de notre pays, et ont même fait preuve de sollicitude, envers certaines d’entre elles, les rares fois où elles ont été stigmatisées.

Il faudrait peut être avoir une distance par rapport aux évènements comme l’équipe éditoriale du "Post", pour mieux les comprendre et les apprécier.

Mais on ne peut pas ne pas  accueillir avec intérêt  ces commentaires encourageants et réalistes,  puisque  ils y associent dans une dernière partie la situation délicate de notre économie, résultat des multiples désordres vécus par notre pays.

Ainsi donc l’espoir est de retour après trois longues années éprouvantes pour tous.

Mais que vaut une telle période dans le temps de l’histoire ? Une petite ligne, à la condition que cet élan qui s’annonce soit conforté par une période transitoire sans anicroche, que notre prochaine équipe de compétences ne déçoive pas les grandes attentes des tunisiens, et qu’elle arrive à juguler intelligemment les impatiences démesurées des uns et des autres.

Il faudra beaucoup de savoir faire à cette  équipe pour sortir la Tunisie de l’ornière dans laquelle elle s’est calfeutrée.

Un savoir faire dans les différentes attributions ministérielles, avec un recours à des lieutenants aguerris, pour éviter les lenteurs des démarrages, sachant que le gouvernement devra être opérationnel tout de suite, du fait qu’il disposera de peu de temps pour récolter les fruits de ses efforts, et qu’il aura à gérer une économie affaiblie, une administration décriée, une sécurité flageolante,  et une population,  le moins que l’on puisse dire est qu’elle est, dans sa grande majorité, gagnée par une forte dose de scepticisme.

Pour cela,  il sera nécessaire que le gouvernement donne très vite des signes positifs, pour tuer dans l’œuf les velléités des "agnostiques",  ceux qui doutent de tout  avant de voir et d’apprécier.
Il lui  sera tout aussi important,  que parallèlement à l’immense travail qu’il devra accomplir, qu’il remporte la bataille de la communication, nécessaire pour travailler en paix.

Pour cela il ne serait  pas nécessaire de verser dans le quantitatif, mais au contraire dans le qualitatif associé au minimum souhaitable.

La discipline et l’harmonie gouvernementales ne devront pas faire défaut, pour ne pas laisser s’ouvrir des "boulevards" aux critiques qui, qu’on le veuille ou pas,  fleuriront de partout, quelles que  soient   l’ampleur et la qualité des actions entreprises.

Donner de l’espoir aux tunisiens, chaque jour un peu plus, c’est les avoir avec soi et vaincre ensemble  le signe indien du déclin de notre beau pays.

L’espoir, oui l’espoir devrait revenir !  Car "où  il y a de la vie il y a de l’espoir" (Cervantès).

MG
 

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