News - 27.10.2013

Honneur et misère du consensus

Le terme «consensus»,«attawafek» en arabe, a été si galvaudé depuis le 14 Janvier 2011 que l’on en arrive à oublier son véritable sens. Car contrairement à l’usage qui en est fait par la presse et le microcosme politique, le consensus ne se résume aucunement à la conclusion d'accords entre partis politiques. D’abord parce que  le consensus se réfère  fondamentalement à l’émergence d’une attitude psychologique dans la société elle-même l’amenant à la nécessité de s’accorder sur un ensemble de valeurs. Ensuite parce que le consensus emprunte des chemins très éloignés des procédures juridiques et politiques classiques.  Le véritable consensus n’a en effet pas besoin d’être négocié, transcrit ou paraphé. Il ne s'impose pas par la force de l'écrit ou la primature de qui que ce soit, mais par le partage effectif de réflexes sociétaux devenus communs et naturels pour tous, le conscient de l'inconscient en quelque sorte.
 
De valeurs, on avouera qu’il en a été peu question jusqu’ici dans le microcosme politique. Et pour remonter un plus loin dans l’histoire récente du pays, il n’en a pas été question non plus dans la confection, la composition et le fonctionnement des institutions de substitution forgées après le 14 Janvier 2011. A certains égards, l’adoption par elles du mode de scrutin, vrai faux produit du «consensus», a même contribué à l’accentuation des clivages et de la division. De valeurs, il n’en a pas été question non plus dans l’exercice du pouvoir ou la bataille menée par les uns et les autres pour s’en saisir ou le garder.     
 
N’empêche, dans une société comme la nôtre où la séparation entre science et religion, entre religion et droit, est de moins en moins tracée, la nécessité du consensus s’impose avec urgence. Que le non recours à la force soit érigée en règle sociale et politique à respecter par tous, cela n’en fait pas pour autant tout le contenu du consensus, tout au plus les prémices ou les préliminaires à sa confection. De mon point de vue, quatre volets doivent fonder le consensus dans notre pays:  la sanctuarisation de l’école de la république, le respect de l’Etat et de ses institutions, la prise en compte des priorités écologiques et l’élévation de la valeur travail au rang du quasi sacré.
 
Notre sécurité et notre économie se porteraient bien mieux si les Tunisiens redevenait des citoyens à part entière, c'est-à-dire des citoyens producteurs et assimilateurs de consensus. Il est bien évident en effet que sans concours apporté par tout un chacun à un Etat en déliquescence,  nos forces de police ne sauront pas vaincre le terrorisme et notre économie son marasme. Mais sans une adhésion collective librement consentie à un ensemble de valeurs, aucun consensus n’aura de sens.
 
Habib Touhami
Tags : terrorisme   tunisiens