Hommage à ... - 22.09.2009

Pr. Sadok Mtimet, le modèle et l'exemple

J’ai toujours gardé en mémoire le souvenir d’un excellent professeur d’arabe, au lycée. Un parfait bilingue. Un jour, et alors qu’il nous dispensait un cours sur le grand poète Abul Ala Al Maârri, l’un de nos camarade lui posa une question au sujet de la mort et de l’après-mort et, ce professeur de lui répondre, d’un ton paternel : « mon fils, ne regarde jamais la vie de son côté absurde ! ».
Hélas, la disparition d’un être cher nous rappelle toujours  ce côté absurde de la vie.

Le monde médical et tous ceux qui l’ont connu pleurent la disparition du cher et regretté Professeur Sadok Mtimet, décédé le 21 septembre 2009, à son domicile, à Tunis.

Le Pr. Sadok Mtimet est né à Zarzis en 1939. Son premier maître fut son père, le défunt Cheikh Ahmed Mtimet, surnommé « Al Fakih », un homme d’une haute moralité et d’une grande érudition. Il maîtrisait en effet parfaitement les sciences théologiques, de par sa formation dans la grande mosquée de la Zitouna et disposait d’une riche culture littéraire. Il était en particulier capable de réciter de mémoire, même quand il avait dépassé les quatre-vingts ans, des dizaines de vers de grands poètes arabes ou d’expression arabe. Il fut le condisciple de nombreuses figures marquantes de la Zitouna, des années vingt du siècle dernier.

Des enseignements reçus de son père, qui était son modèle, Sadok s’est forgé un ensemble de valeurs dont il s’est assigné le scrupuleux respect, jusqu’à son dernier souffle : l’amour de la patrie, le goût du savoir, la rigueur dans tout ce qu’il entreprenait, l’honnêteté intellectuelle, le refus de toute forme d’exclusion et d’extrémisme et le respect de l’autre, dans sa diversité. Ce qui en faisait un être attachant, inspirant confiance et respect.

Après des études primaires dans sa ville natale de Zarzis et ayant été parmi les lauréats de sa génération, il fut admis à l’annexe du collège Sadiki, à Khaznadar, où il obtient brillamment son bac.

Il intégra alors la prestigieuse faculté de médecine de Montpellier, en France, dont il sortit avec le titre de docteur en médecine, en 1967.

Voulant optimiser au mieux son séjour en France et parfaire sa formation, il rejoignit l’Hôpital Gustave Roussy à Villejuif, à Paris, qui constituait, à l’époque, l’un des hauts lieux d’une spécialité médicale naissante: la médecine nucléaire.

En 1968, il se porta candidat à un concours, organisé à Tunis, pour le recrutement de jeunes médecins tunisiens en vue de les spécialiser en cancérologie. Il y fut brillamment admis et retourna à Villejuif dont il sortit, en 1970, en qualité de spécialiste en radio-isotopes.

Malgré les nombreuses offres alléchantes qu’il reçut en France, il préféra rentrer au pays et tint à contribuer au renforcement du jeune système hospitalo-universitaire tunisien, alors en cours d’édification.

C’est ainsi qu’il prit une part active, au côté du grand défunt le Pr. Néjib Mourali et un petit groupe de collègues, à la création du premier hôpital tunisien dédié au traitement du cancer : l’Institut Salah Azaiez, dont il fut le chef de service des radio-isotopes qu’il ne cessa de moderniser et de doter des équipements les plus actuels.

Par la suite, il occupa différents postes éminents dans le monde hospitalo-universitaire :

  • Professeur à la faculté de médecine de Tunis,
  • Chef du département de biophysique à la même faculté,
  • Directeur, pendant une courte période intérimaire, de l’Institut Salah Azaiez,
  • Directeur-fondateur du centre national de radioprotection.

Il participa à de nombreux congrès et rencontres scientifiques, en Tunisie et à l’étranger, dirigea de nombreuses thèses de doctorat en médecine et fit régulièrement partie du groupe d’experts tunisiens auprès de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), à Vienne.

A ces divers titres, il s’acquitta constamment des missions qui lui furent confiées avec patriotisme, abnégation et un sens aigu de la responsabilité.

Il s’est, en outre, toujours attaché à concilier entre les exigences de la recherche scientifique et les études académiques et celles de l’indispensable ouverture sur la réalité hospitalière, au contact avec le malade qui devrait constituer, à ses yeux, le principal centre d’intérêt.

Ses qualités autant scientifiques qu’humaines- il fut toujours d’une loyauté et d’une fidélité sans failles- lui valurent le respect de ses collègues, l’admiration de ses étudiants et la sympathie de tous ceux, nombreux, qui l’ont connu et fréquenté.

Il s’est vu honoré par son excellence le Président de la République qui lui décerna de nombreuses décorations et fut cité à l’ordre de la République, à l’ordre du mérite au titre du secteur de la santé et à l’ordre du mérite au titre du secteur de l’éducation et des sciences.

Ceci étant, son intérêt constant pour les sciences en général et les sciences médicales en particulier ne l’empêcha guère de s’intéresser aussi aux grandes causes qui agitent la société et, plus généralement, la scène internationale.

Il interprétait toujours les évènements et jugeait les hommes avec lucidité et un grand sens de l’objectivité, sans jamais verser dans le sentimentalisme stérile, ni le jugement hâtif.

Sa grande culture et son tempérament d’homme modéré lui faisaient condamner toute forme d’injustice et détester toute forme d’extrémisme.

Durant sa   maladie, il s’est toujours refusé la moindre plainte, à manifester la moindre faiblesse, ni faire apparaître la moindre souffrance. Je refuse de « faire pitié », m’avait-il dit un jour !, comme s’il avait dédié son dernier combat à la domination de cette terrible maladie.

N'eut été la grande maigreur qui l’avait marqué et les traits cernés de son visage, il aurait été difficile à quiconque d’avoir une idée des souffrances qu’il endurait, ni des efforts immenses qu’il déployait pour dompter une maladie éprouvante et pernicieuse.

Bref, il symbolisait le courage même et la maîtrise de soi, et demeurait constamment fidèle aux nobles principes qui l’ont guidé, sa vie durant.

Oui, le Pr. Sadok Mtimet était un modèle et un exemple. Sa place est amplement méritée parmi les vaillants serviteurs de notre chère Tunisie.

Que Dieu lui accorde son Infinie Miséricorde.

A.Friaâ