News - 16.06.2013

Ahmed Ben Ghazi: La Bourse peut repartir fort, si…

Comment expliquer ce soudain engouement pour l’introduction en Bourse qui, pourtant, vit une période peu favorable ? Quelle est l’ampleur du problème de liquidités bancaires et quelles sont ses raisons? La baisse des cours rend-elle les entreprises moins chères, rendant certaines actions particulièrement intéressantes à l’achat ? A quelles conditions peut repartir la Bourse et quel message peut-on envoyer à ce sujet aux chefs d’entreprise ? Autant de questions auxquelles Ahmed Ben Ghazi, directeur général d’Axis Capital, a bien voulu répondre.

Les introductions en Bourse se multiplient depuis un an, alors que la situation économique est difficile. Cela apparaît paradoxal, comment l’expliquez-vous?

Je donne plus de poids aux facteurs objectifs qu’à ceux dits «culturels». Les chefs d’entreprise se décident de manière rationnelle et font un arbitrage entre les différents facteurs influant sur cette décision, leurs objectifs et leurs contraintes.

Cette situation est donc le résultat d’un ensemble de raisons objectives et convergentes. Si on examine la typologie des introductions réalisées sur la Bourse de Tunis en 2012 et 2013, cela apparaît clairement.

Le plus grand nombre d’introductions est motivé par une augmentation de capital (OPS, ou offre publique de souscription), pour des sociétés  relativement de petite taille, qui ont besoin de fonds propres pour financer leur croissance, et ce, dans un contexte nouveau, où les banques ont des problèmes de liquidités et deviennent plus strictes en matière d’octroi de crédits.

Cette évolution était nécessaire. C’est le rôle premier du marché financier de financer les entreprises par des capitaux stables, et les banques ne peuvent pas rester éternellement laxistes en matière de crédit. Les entreprises ont besoin d’une proportion adaptée entre fonds propres et crédits, et le marché financier est là pour répondre aux besoins des entreprises ainsi qu’aux contraintes des actionnaires historiques, qui soit n’ont pas les moyens seuls de continuer à financer leur entreprise, soit veulent limiter leurs engagements dans le futur.

Société

Secteur

Année

Capi Boursière à l›introduction

Capi Boursière  au 6/5/2013

Montants levés

Pourcentage du capital cédé

Forme

Euro-Cycle

Industrie

2013

60,5 MD

-

18,1 MD

30,00%

OPV

Sypahx Airlines

Transport aérien

2013

55,0 MD

-

25,0 MD

45,46%

OPS

One Tech

TIC

2013

348,0 MD

-

82,0 MD

23,53%

OPV/OPS

New Body Line

Industrie Textile

2013

32,1 MD

-

13,4 MD

41,67%

OPV/OPS

Aetech

TIC

2013

13,3 MD

15,6 MD

3,5 MD

26,24%

OPS

Land›or

Agroalimentaire

2013

35,3 MD

45,4 MD

10,9 MD

30,98%

OPS

AMS

Industrie

2012

34,6 MD

46 MD

10 MD

39,83%

OPS

HEXABYTE

Internet

2012

13,0 MD

16 MD

2 MD

16,00%

OPS


La considération fiscale pèse également de manière importante. Entrer en Bourse se traduit par des avantages, dont l’un est particulièrement conséquent. L’exonération de l’impôt sur les plus-values : concrètement, toute la plus-value historique accumulée est exonérée. Dans le cas d’une holding, par exemple, les remontées des différentes participations de la famille vers la holding sont exonérées de l’impôt sur la plus-value.

 Il y a un autre avantage, temporaire celui-là, qui est accordé aux entreprises cotées, puisque ces dernières profitent d’un taux d’imposition de leurs bénéfices de 20% (au lieu de 30%) pendant 5 ans,mais qui est conditionné par une introduction en Bourse avant la fin de 2014. Je pense que certains décideurs estiment que ces avantages ne vont pas durer ou risquent de ne pas être reconduits ; et qu’il faut en profiter maintenant.

Enfin, d’autres considérations extrafinancières jouent parfois, et qui ont davantage trait au partage du patrimoine familial entre les enfants, dans une perspective de succession qu’il faut organiser et sécuriser.

Vous avez évoqué les problèmes de liquidités bancaires, quelle est l’ampleur du problème et quelles sont ses raisons? 

Depuis maintenant près de deux ans, la Banque centrale injecte des montants considérables sur le marché monétaire, actuellement un peu plus de 4 milliards de dinars, par jour, soit presque 6% du PIB, et ce de manière quasi permanente. Cela indique clairement le manque de liquidités du système.

Il y a plusieurs raisons à cela : l’augmentation du déficit courant, et les retards de remboursement des crédits, avec de l’autres côté une croissance des crédits en 2011— particulièrement les crédits à la consommation — beaucoup plus forte que celle des dépôts.

Cette situation n’est qu’en partie conjoncturelle, car les banques manquent de fonds propres et ont des bilans peu liquides, en général. Ses effets devraient ainsi perdurer.

D’un autre côté, la Bourse vit une période peu favorable, quelle est votre analyse de la situation?

Les cours baissent et les volumes sont faibles en effet. Depuis 2011, le marché a connu une inflexion, qui persiste depuis; il me semble évident que la situation globale du pays est à l’origine de cette situation. Mais il faut mettre la question en perspective. L’investissement en Bourse doit se faire à moyen ou long terme, et la Bourse a beaucoup gagné au cours des dernières années, avec une hausse moyenne de 16 % sur les dix dernières années. On ne peut pas avoir de tels rendements sans prendre de risques. On observera que la baisse cumulée sur les trois dernières années est inférieure au seul gain de 2010!
Par ailleurs, si on ne vend pas son portefeuille, la baisse des cours reste virtuelle. Il vaut mieux donc, autant que possible, ne pas vendre en temps de crise et attendre la reprise.

C’est pareil dans tous les pays, la Bourse vit des cycles. Enfin, la baisse des cours rend les entreprises moins chères ; certaines actions deviennent aujourd’hui particulièrement intéressantes à l’achat. Dans ce contexte, si la situation se stabilise, et que certaines échéances attendues se précisent, comme la finalisation de la constitution et la date des élections, le marché peut repartir fort.

Quel message peut-on envoyer à ce sujet aux chefs d’entreprise ?

Aller en Bourse relève d’une décision stratégique. Elle n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais doit être adaptée à une situation et répondre à des objectifs. Elle doit donc être étudiée soigneusement, en pesant ses avantages — nombreux, ses contraintes et ses risques. Entre l’étude et la réflexion, puis la préparation d’un dossier d’introduction — qui dure entre 6 et 8 mois, c’est une opération qui prend du temps. «Nous venons d’ailleurs d’organiser un séminaire à ce sujet, pour donner aux chefs d’entreprise les  éléments d’appréciation nécessaires, et faciliter leur prise de décision».

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013(*)

Evolution Tunindex

12%

6%

21%

44,33%

12,14%

10,65%

48,38%

19,13%

-7,63%

-3,02%

-3,70%

(*) Jusqu’au 20/05/2013

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