Opinions - 10.12.2012

Soutenons Monsieur Jebali

Ennahdha ne peut plus continuer à leurrer plus longtemps les tunisiens. En effet, une conjonction de faits permet d’affirmer aujourd’hui que ce parti a visé le Pouvoir et ne veut plus s’en départir coûte que coûte, non pour assurer le bonheur de tous les tunisiens, mais pour lui imposer un modèle de société basé sur une idéologie religieuse wahabite.

 J’ai la certitude qu’Ennahdha n’accepte pas de gaîté de cœur le jeu démocratique car elle estime qu’elle court le risque de perdre un Pouvoir tombé, dans son escarcelle, grâce à sa puissante organisation, à ses manœuvres électorales,et à un concours de circonstances qui  a fait que bon nombre de tunisiens lui ont  accordé un préjugé favorable en raison des  sacrifices consentis par ses dirigeants et de leur appartenance religieuse qui les éloigne de l’environnement délétère que le pays a connu.

Une fois les élections gagnées, elle  a vite fait de nommer un Chef de Gouvernement parmi les siens pour former son Gouvernement tout en prenant la précaution de s’associer à deux partis historiques de la mouvance démocratique, pour  se donner une couverture démocratique.Ces deux partis ont accepté cette alliance contre nature. Certains diront,  qu’ils ont accepté de servir de couverture pour « sauver » le pays, d’autres justifieront ce choix par leur désir de mettre les pieds dans l’étrier du Pouvoir et de fouler leurs valeurs d’où le désistement d’un grand nombre de leurs adhérents et non des moindres.

L’histoire jugera sévèrement la tactique adoptée par ces deux partis en acceptant cette alliance de façade dans laquelle l’intérêt du pays a été absent de leurs calculs.

L’histoire de ce Gouvernement nous a montré que ces deux alliés n’ont fait que suivre le parti principal avec cependant quelques ruades. L’ANC et les ministères dits de souveraineté étant entre les mains des islamistes, ces derniers ont eu,  en fait, les coudées franches pour agir et mettre la main sur tousles rouages de l’Etat.Le CNI, l’INS, la BCT, les gouvernorats et les délégations sont sous l’emprise d’Ennahdha.

La justice transitionnelle a tardé à être mise en place et, contrairement à toute attente, un ministère a été créé pour élaborer, avec une lenteur remarquable, le cadre législatif. Entretemps, le Pouvoir a eu toute latitude d’interférer et d’aller même jusqu’à proposer au législatif une loi sur la protection de la « révolution » pour se débarrasser de certains de ses rivaux politiques,court-circuitant ainsi la justice transitionnelle et refusant à un peuple mur de faire lui-même le choix de ses exclusions politiques.

En créant des comités de « protection de la révolution », en les soutenant, en les défendant chaque fois qu’ils sont impliqués dans des actes de violence politique (Nessma, Abdellia,TV,Tataouine et plus récemment l’agression perpétrée contre l’UGTT et ses symboles).

Avec ce bras de fer qui vise actuellement  et particulièrement, NidaTounes, le Front populaire et l’UGTT, Ennahdha déroule son rouleau compresseur pour garder le Pouvoir coûte que coûte.

Ennahdha a tout fait pour retarder la mise en place des commissions indépendantes prévues pour les médias, la justice, la supervision des élections (ISIE bis).Ni l’aménagement du code électoral, ni l’achèvement de la rédaction de la constitution ne semblent entrer dans ses priorités. Ennahdha  et ses alliés cherchent à promulguer des textes législatifs qui favorisent leur mainmise sur le pays.

Dans cet environnement politique, quel crédit peut-on donner à de futures et hypothétiques élections ?
Dans cet environnement, les partis politiques qui réclament, à cor et à cri,une date pour ces élections commettent une lourde erreur car ils ne sont pas encore prêts pour affronter la « machine » Ennahdhasuffisamment implantée à l’intérieur du pays et dans les milieux défavorisés.

Eu égard aux objectifs politiques poursuivis par Ennahdha, le volet économique qui a été à la base de l’insurrection du 14 janvier,n’entre pas encore dans ses priorités d’où l’absence d’un cadre d’actions susceptible de rétablir la confiance des investisseurs.

Dans cet environnement peu reluisant le pays se dirige vers l’inconnu. La journée du 13 décembre 2012 est lourde de conséquences. Le citoyen l’appréhende.
Que faire ?
La solution est entre les mains de Monsieur Jebali pourvu qu’il prenne son courage à deux mains pour rompre avec le courant extrémiste qui ronge son parti car l’intérêt du pays l’exige et passe avant celui de son parti.
Le citoyen a constaté les tiraillements qui secouent Ennahdha et qui se traduisent dans les décisions contradictoires. Le Gouvernement n’est pas suivi par Ennahdha qui lui dicte ses décisions et lui met les bâtons dans les roues. La contre « révolution » est au sein même d’Ennahdha et point besoin de la chercher ailleurs.
Mais comment pousser Monsieur Jebali et ceux qui le soutiennent à se libérer de l’aile radicale d’Ennahdha ?
J’invite l’UGTT et l’opposition à le soutenir fermement sur le terrain. La première décision de Monsieur Jebali sera d’annoncer la dissolution de ces comités de « protection de la révolution » et de former un nouveau gouvernement de technocrates pour relancer une économie au bord du gouffre, une fois une feuille de route établie avec l’opposition sans exclusive.

Je mets monsieur Jebali et  toutes ces forces vives du pays face à leur responsabilité historique car le pays n’en peut plus.
 Monsieur Jebali reste, pour moi, la dernière chance pour sauver la Tunisie du chaos politique, idéologique et économique.

Mokhtar El Khlifi
 

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