Hommage à ... - 21.07.2009

Ezzeddine Hentati

Il ya 6 ans nous quittait Ezzeddine Hentati, Ingénieur Centralien, fondateur de Misfat, l’un des plus beaux fleurons de l'industrie tunisienne. Ravi aux siens à la fleur de l’âge, il laisse un souvenir indélébile. Hommage bien mérité que lui rend un ami d’enfance, à ce jour inconsolable.

Haj M’hammed tendit à son fils un paquet. C’était le matin de son premier jour à l’entreprise de transport public de voyageurs, Hentati & Co.

Le jeune et fougueux Ezzeddine avait hâte d’abandonner les études. Il n’aimait pas la rigueur des enseignants du Lycée Technique de Sfax, l’ambiance froide et sentant le fer des ateliers et la discipline légendaire du surveillant général Azria. En ouvrant le paquet, il y trouva un bleu de travail. «C’est pour moi ?» «Oui, en fait je n’ai pas besoin d’agent de bureau  mais de mécanicien, j’aurais aimé que tu sois un ingénieur de grandes écoles, mais qu’est ce qu’on y peut ?!»

Haj M’ hammed a bâti de presque rien son entreprise. Il assurait au départ les fonctions de chauffeur et de receveur. Face à une demande croissante et à l’indisponibilité de bus, Haj M’hammed a eu l’ingénieuse idée de transformer des camions en bus. Tout était fabriqué localement et ça roulait les Mabrouka, les Masoôuda qui caracoulaient toutes neuves parmi l’incroyable parc bus de la station Beb El Jebli.

Face à l’intransigeance du père, le fils compris où résidait son intérêt. Il reprit le chemin du lycée, pour y décrocher brillamment son baccalauréat maths-technique. Il partit vers Tunis pour obtenir une licence mathématique et enfin rejoindre l’école centrale de Lyon. Pourquoi Lyon ? Haj M’hammed aimait beaucoup cette ville et les Lyonnais affectionnait particulièrement les sfaxiens, ces « gens laborieux qui s’étaient pourtant dressé en juin/juillet 1881, face à l’escadre de Toulon, forte de dix-sept navires de guerre et ont  fait payer chèrement à la France l’occupation de la ville, sauvant l’honneur national après la honteuse soumission du Bey Sadok en mai 1881. »

Ezzeddine obtenait son diplôme d’ingénieur en génie industriel. Il fut suivi par son frère cadet Mongi, un peu plus tard, en génie Mécanique (en Allemagne). Haj M’hammed était comblé, et bien qu’ayant perdu entre temps le contrôle de son entreprise absorbée par une société régionale dans laquelle il se trouvait associé avec l’Etat. Les choix de l’Etat et son interventionnisme a stoppé nette l’élan et le dynamise de la région. Mais c’est paradoxalement par son entremise, qu’Ezzeddine a pu promouvoir ces entreprises de fabrication des parts d’automobiles. Revoilà les Hentati replongés dans les voitures et la mécanique. Le reste est bel et bien un success story, de Misfat et de la Sia, sortaient toutes les gammes de filtres et d’amortisseurs pour les besoins du marché local et de l’exportation.

Les grandes marques de voitures Européennes faisaient confiance au jeune Azzedine, sachant sa rigueur, son savoir faire et la qualité supérieure de ses produits. A l’heure de la mondialisation, Ezzeddine, tout en continuant son chemin, réfléchissait à diversifier ses investissements, mais toujours dans le secteur de la voiture. Il a, entre temps, amélioré la compétitivité de ses entreprises dans lesquelles il a obtenu toutes les certifications ISO.

Décidément Ezzeddine aimait les voitures et la mécanique. Conduire les belles et puissantes voitures était sa passion. Et c’est au volant de sa dernière acquisition et après le rituel café du matin sur le Boulevard Mohamed V, qu’il nous quitta pour rencontrer son destin, ce jour du 21 juillet 2003, un accident malheureux comme tous les accidents.

Oh ! Routes cruelles ! Un jeune capitaine d’industrie venait d’être perdu pour  la Tunisie, pour l’économie nationale, pour sa famille à laquelle il a tout donné, pour ses nombreux amis auxquels il symbolisait sincérité, discrétion et générosité.
Si vous visitez un jour, Misfat ou Sia, vous n’y rencontreriez que son empreinte de l’entrée à l’emballage. C’est son œuvre, c’est son amour, c’est sa passion.

Abou Atf