Lu pour vous - 03.12.2012

Sahbi Basly livre ses mémoires

leaders.com.tn

Ancien ambassadeur de Tunisie en Inde, Espagne et Chine après avoir été gouverneur de Medenine et Sfax, Dr Mohamed Sahbi Basly, fondateur, après la révolution du parti Al Mostaqbel, publie ses mémoires. Sous le titre de «Au service de la République» il invite le lecteur à suivre son parcours et découvrir les coulisses du pouvoir sous Ben Ali. Révélations croustillantes et analyses, l’auteur ne manque pas de talent. Béchir Ben Yahmed, le fondateur de Jeune-Afrique et originaire, qu’il avait connu lorsqu’il était gouverneur de Médenine, a bien accepté de préfacer son livre. Une préface, comme BBY sait faire. A lire :

"L’auteur de ce livre, le Docteur Sahbi Basly, a en effet servi, comme il le proclame en page liminaire, la République et la Tunisie ; en tant que gouverneur d’abord et ambassadeur ensuite.

Tout en exerçant ces deux hautes fonctions à sa manière, que je qualifierai… d’originale, il a représenté la République et la Tunisie dans leur ensemble.

Et, à ce titre, nécessairement le président de cette République qui était, à l’époque, Zine el-Abidine Ben Ali.

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Il est de bon ton de ne dire, depuis le début de 2011, que du mal du président Ben Ali, qui s’est imposé à la tête de la Tunisie tout au long des vingt-trois années qui ont suivi ce 7 novembre 1987 où il a conquis le pouvoir. Mais lorsqu’elle sera écrite, l’Histoire de la Tunisie établira sans aucun doute que le coup d’État du 7 novembre 1987 était nécessaire, bienvenu, et très bien « habillé ».

Et que le général Ben Ali, s’il a accaparé tout le pouvoir et l’a exercé en autocrate de moins en moins éclairé, a été, quinze années durant – jusqu’en 2004 –, un bon président.

Durant ses premières années à la tête de la Tunisie, il a poursuivi l’œuvre de Bourguiba, consolidé et élargi les droits de la femme tunisienne, modernisé le pays, approfondi son développement.

Comme il le relate fort bien dans les pages qui suivent, Sahbi Basly a participé à ce chapitre de l’Histoire tunisienne, à une place privilégiée où il a laissé sa marque.

Je puis témoigner que Ben Ali savait très bien que le Dr Basly était un homme particulier, difficile à manier et à imposer. Il a envisagé de le nommer à la tête d’un grand ministère de souveraineté mais n’a jamais concrétisé cette intention. Soit parce que son proche entourage s’y est opposé, soit parce que lui-même s’est retenu.

Le Dr Basly le savait et a continué à servir son pays, imperturbablement.

Je puis également témoigner que les péripéties étonnantes qui jalonnent sa carrière et qu’il narre avec talent dans ce livre sont bien réelles. Et que les dirigeants des trois grands pays où il a été accrédité comme ambassadeur gardent un excellent souvenir de sa prestation, et continuent d’avoir, grâce à lui, une bonne image de la Tunisie.

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En janvier 2011, lorsque l’édifice construit par Ben Ali, dont la clé de voûte était un RCD domestiqué, s’est écroulé comme un château de cartes, le Dr Sahbi Basly s’est trouvé, lui aussi, libéré.
Il s’est lancé dans la politique et, dans les sept derniers chapitres de ce livre,  décrit le système politique tunisien de l’ère post-Ben Ali.

On y sent le désarroi de la classe politique et les incertitudes des Tunisiens : ils avaient vécu, pendant plus d’un demi siècle, avec à leur tête un chef qui se voulait unique et qui leur tenait lieu de boussole.
Pour la première fois de leur histoire récente, ils sont, depuis deux années fertiles en péripéties, sans guide ni repères.

Ne dit-on pas des esclaves qui gagnent tout d’un coup leur liberté qu’ils se sentent en terre inconnue et comme perdus, saisis par le vertige de cette liberté ?
 

Ni dans ses chapitres décrivant la Tunisie post-Ben Ali, ni même dans la conclusion de son livre, le Dr Basly ne prétend tracer un chemin dans l’avenir.

« Sommes-nous sur la bonne voie ? L’avenir immédiat nous le dira, écrit-il Cependant force est de constater que nous n’avons pas beaucoup avancé sur le chemin de la démocratisation. Nous n’avons pas su, jusqu’ici, dépasser le conjoncturel pour aller vers l’essentiel. »

On ne saurait mieux dire.

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La Tunisie a fermé, à la fin de 2010, le premier grand chapitre de son histoire de pays indépendant et républicain ; ce chapitre couvre plus d’un demi-siècle et se divise en deux parties :
-    L’ère Bourguiba     1956 – 1987
-    L’ère Ben Ali    1987 – 2010

Le chapitre II n’a que deux ans et ne porte pas de nom, sauf peut-être, s’il n’est pas annulé ou confisqué, celui d’avènement démocratique.

Qui dit « avènement » dit recherche, incertitude, tâtonnements et même, il ne faut pas l’exclure, retour en arrière.
Avec son livre, le Dr Basly apporte sa pierre à un édifice qui en est encore à ses premiers fondements.

Sa génération le sortira-t-elle de terre ?

J’en doute.

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La génération actuellement aux affaires en Tunisie est composée d’hommes et de femmes qui ont été les victimes de Ben Ali, ou qui ont dû, bon gré mal gré, collaborer avec lui. Ils ne sont ni très à l’aise ni les mieux placés pour construire la nouvelle Tunisie.

Il reviendra vraisemblablement à une autre génération – post-Salah Ben Youssef, post-Habib Bourguiba, post-Zine el-Abidine Ben Ali, et post XXè siècle – d’écrire le chapitre II de la Tunisie indépendante.

Plus précisément et plus justement, ce sera le premier chapitre de la IIe République tunisienne.

Nous en aurons rêvé, et peut-être l’avons-nous préparé ; nos enfants auront à le concevoir et à l’écrire.
Souhaitons-leur de réussir, avec l’aide de Dieu.

BBY

Au service de la République  
de Mohamed Sahbi Basly,
Apolonia Editions, 200 pages, novembre 2012, 15 DT