News - 15.12.2008

L'histoire de la psychiatrie tunisienne revisitée

L'histoire de la psychiatrie tunisienne revisitée

En 30 ans de Chef de Service à l’hôpital Razi, le Pr M. Fakhreddine Haffani est sans nul doute l’un de ceux qui connaissent mieux les arcanes de cet établissement des maladies mentales de la Manouba. Avec son jeune confrère, le Dr Zied Mhirsi, ils vienent de nous gratifier d’un excellent ouvrage publié aux éditions du Centre des publications Universitaires, sous le titre de « L’Hôpital Razi et son histoire. »(*) En 186 pages, les auteurs nous font voyager a travers les systèmes de prises en charge des maladies « nerveuses », « de la tête » et mentales, depuis les hospices de l’époque romaine, aux Demnas des Aghlabides à Kairouan, puis aux fameux Mâristân et Tekyas, avant de s’arrêter longuement sur les origines de l’hôpital Razi, puis son évolution et ses perspectives d’avenir.

Outre une pléiade de médecins français, le souvenir notamment des docteurs Denguizli (premier médecin tunisien), Sleim Ammar, Taher Ben Soltane, Hachemi Saied, Ezzeddine Mbarek, Habib Ledjri, Samia Attia, Mohamed Ghorbel, Marina Mrad, Mohamed Ghorbel, Mohamed Béchir Hlaiem et Franz Fanon, enrichit le récit.
 
Le regard croisé de l’éminent professeur de psychiatrie et du médecin spécialiste en santé internationale, autorise les auteurs à dépasser le simple cadre d’une recherche historique ou monographie spécialisée, pour nous livrer un ouvrage exhaustif, bien documenté, précis dans ses citations et statistiques, perspicace dans ses analyses, pour mieux comprendre tout cet univers.
 
Fakhreddine Haffani, Docteur en médecine de la Faculté de médecine de Lyon, ancien interne des hôpitaux psychiatriques de la région Rhône-Alpes, est Professeur à la Faculté de Médecine de Tunis et dirige, depuis 1978, un service de psychiatrie au Razi. Ses travaux et recherches font autorité en la matière.
 
Quant au Dr Zied Mhirsi, qui se perfectionne actuellement en Amérique du Nord, il a décroché son Doctorat en médecine a la Faculté de médecine de Tunis, un diplôme de sante publique à l’Université Américaine de Beyrouth et termine un diplôme de sante internationale a l’Université de Seattle, aux Etats Unis. Très actif dans le mouvement associatif, il a été président de l’association des étudiants de la Faculté de Médecine de Tunis, membre-fondateur du Club Leo Hannibal, militant de la lutte contre le Sida, au sein de l’ATL MST-SIDA et sélectionné par les Nations Unis en tant que Global Yung Leader.
 
Une analyse et un témoignage
 
La richesse du parcours de chacun des deux auteurs et leur intégrité ne peut que conférer à leur ouvrage  davantage de profondeur et d’attractivité. « Les auteurs, écrit le Dr Sofiane Zribi, psychiatre et lui-même disciple du Pr Haffani, retracent avec brio l'histoire de l'hôpital Razi et à travers elle celle de la psychiatrie Tunisienne récente. On y apprend notamment beaucoup sur la condition des malades mentaux en Tunisie au début du XXème siècle, sur le fonctionnement de Dar Tekia (l'asile originaire) et sur l'attitude générale de la société par rapport à la maladie mentale (entre les tenants de l'explication mystique et les rationalistes)
 
On prend connaissance, aussi avec un luxe de détails témoignant de la minutie des recherches entreprises, de toutes les péripéties qui ont jalonné la création de cet hôpital et les difficultés qui ont accompagné sa construction. La mentalité coloniale de l'époque  y est fidèlement reproduite et on comprend mieux comment cette société fonctionnait autour de trois axes sociaux se côtoyant sans vraiment se mélanger : Tunisiens musulmans, Français et Israélites. 
 
Nous suivons fidèlement, avec les auteurs, la progression des mentalités vis à vis de la maladie mentale  et la mutation de l'hôpital d'une simple institution asilaire en un véritable centre de soins. L'histoire récente de Razi est également bien rendue et beaucoup d'entre nous qui ont connu cet hôpital en tant qu'externes, internes ou résidents  y retrouveront bien de souvenirs. Enfin, le livre est agrémenté de nombreuses photos;  loin du pavé savant, il se laisse lire comme un roman passionnant. D'une seule traite. »
 
A la fin de l’ouvrage, la partie consacrée à Franz Fanon est fort intéressante. En hommage à leur éminent confrère, les auteurs soulignent que « son passage en Tunisie et spécialement a l’hôpital Razi, est un motif de fierté pour l’hôpital et pour nous en tant que Tunisiens ». Après un rappel biographique, ils nous font suivre ses pas depuis son arrivée a Tunis en avril 1957, jusqu’a son décès a Washington le 16 décembre 1961 et ses funérailles à Ghardimaou.
 
 La description d’un établissement de maladies mentales  n'a rien à voir avec les histoires à l'eau de rose. Les auteurs s'y essaient en toute objectivité, signalant les difficultés, budgétaires essentiellement dès la naissance du projet au début du siècle dernier, mais aussi rendant hommage aux décision salutaires, à la faveur de la visite effectuée par le Président Ben Ali, en 1997. Ses directives, immédiatement mises en œuvre par le Ministre de la Santé de l'époque, le Dr Hédi Mhenni, acquis à la cause, ont apporté de substantielles améliorations.
 
Les auteurs estiment aujourd’hui que : « L’évolution et le progrès de cet hôpital doivent continuer car il a encore des services à rendre, les psychiatres tunisiens sont appelés à être novateurs dans le choix des nouvelles orientations de l’institution et créateurs de nouvelles approches, de nouvelles méthodes, et de nouveaux moyens d’assistance et de soinS, en termes de santé mentale. »

 
( *)« L’Hôpital Razi et son histoire. »
Centre des publications universitaires (12 DT)
Campus de la Manouba,

(Tel: +216 71 874 000  –  Fax : +216 71 871 677)