Opinions - 05.11.2008

Le retour du rêve américain

On n’osait y croire. Pendant plusieurs mois, Barack Obama a caracolé en tête de tous les sondages ; puis à mesure que l’échéance du 4 novembre se rapprochait, l’inquiétude montait. On s’interrogeait sur la fiabilité de ces sondages, le degré de sincérité des personnes interrogées .On rappelait à notre bon souvenir le cas de ce malheureux Bradley, candidat noir au poste de gouverneur de la Californie en 1982 donné favori par les sondages. Ce qui ne l’a pas empêché de perdre les élections. L’effet Bradley ne se répétera pas.Le vœu de Luther King s’est réalisé. Le rêve américain est de retour.Il est désormais incarné par Barack Obama, premier Président noir des Etats-Unis.
 
Historique, l’événement l’est assurément .En voyant sur le petit écran, cette foule immense entassée dans le grand parc de Chicago où s’entremêlaient blancs et noirs, chicanos (Américains originaires d’Amérique latine, du Mexique essentiellement) et asiatiques communiant dans la même ferveur, on ne pouvait s’empêcher de penser au chemin parcouru depuis l’abolition de l’esclavage par Abraham Lincoln en 1865 . Que de larmes versées, que de sang répandu pour aboutir finalement à cette élection du 4 novembre 2008.
 
Certes, nous vivons à l’âge de l’accélération de l’histoire où les événements se succèdent à un rythme si rapide qu’on a peine à les analyser, à en saisir toute la portée voire même à les fixer dans notre mémoire. Mais l’élection d’Obama revêt un caractère particulier : elle concerne chacun de nous. Cela n’a échappé à personne et encore moins aux médias internationaux qui en ont rendu compte comme s’il s’agissait d’un événement planétaire .Et il  l’était sans conteste. Quand l’Amérique tousse, c’est le monde entier qui éternue. On en a eu la preuve ces derniers mois avec la crise financière.
 
Il y a une quarantaine d’années déjà, le sociologue français Edgar Morin, préfaçant le livre de David Riesman, « La foule solitaire » constatait : « L’Amérique conserve non seulement le présent du monde occidental mais également le devenir de l’espèce humaine,c’est l’un des principaux affluents, le principal peut-être de la civilisation planétaire ».          
                       
A l’ère de la mondialisation et de la globalisation, ces propos n’ont rien perdu de leur actualité, même si dans l’intervalle nous avons assisté à l’éveil de la Chine, à l’émergence de l’Inde et à la naissance d’une nouvelle entité, l’Union européenne.
 
Cela dit, dans les clameurs soulevées par cette victoire, on serait peut-être enclins à occulter la complexité de la tâche qui attend le nouveau locataire de la Maison blanche. Il s’agira rien moins que de moraliser ce capitalisme débridé au point d’en devenir la caricature compte tenu de ce qu’il a généré comme scories : une crise financière comme l’Amérique n’en avait jamais connu depuis la krach de 1929 ; le scandale des subprimes qui a mis des milliers de citoyens à la rue et une dette publique de 600 milliards de dollars : autant de raisons qui ont suffi à faire entrer le monde en récession.
 
Sur le plan international, il faudrait cesser de diaboliser l’autre pour peu qu’il soit en désaccord avec vos idées en vertu du principe «celui qui n’est pas avec nous est contre nous » ; ensuite,  prendre la peine de comprendre la détresse de certaines populations dont les droits les plus élémentaires sont bafoués ; enfin prêter une plus grande attention au problème de l’environnement. Autant dire que de vastes chantiers  attendent le nouveau président. Après son élection, il a promis à ses partisans : « le changement arrive ».
 
I have a dream : installé au centre nerveux de la première puissance mondiale (la Maison Blanche), Barack Obama sera l’homme idoine qui, après avoir réconcilié l’Amérique avec elle- même, saura conduire la réconciliation avec le reste du monde.   
 
                                                                                                                                       H.B